Tiephaine G. Szuter est juriste et écrivain. Lecteur compulsif et bibliophile, il vit dans le sud-est de la France.
Elora Szuter est psychologue et écrivaine. Discrète, la muse de Tiephaine s’est établie à Londres, où elle se consacre à la calligraphie et à la poésie.
Bonjour Monsieur Szuter,
Peut-être pourrez vous m’aiguiller.
Je recherche des sources sur l’histoire, les particularités… des Zourhis, en dehors de leurs sacrifices. Pour les véritables ou supposés trésors dont ils permettent.
Pourriez vous m’orienter? Je n’ai rien trouvé de vraiment valable sur le net.
Merci pour ce que vous partagez déjà.
Leïla
Bonsoir Leila,
La tradition maghrébine (et même, dans une certaine mesure, islamique dans son ensemble) a hérité des légendes et de l’histoire de plusieurs peuples orientaux, à commencer par les Phéniciens (avec la fondation de Carthage il y a 2800 ans), puis certaines traditions dérivées de la lointaine Mésopotamie, en particulier babyloniennes et assyriennes. S’y sont mêlées évidemment les traditions mystico-religieuses issues ou dérivées du judaïsme, du christianisme, et de l’Islam. De ce fait, il est difficile de préciser l’origine des légendes et traditions entourant les Zouhris. En revanche, celles à propos de trésors enfouis, ou dissimulés dans le désert (notamment), sont tirées de l’imaginaire magique des Mille et Une Nuits, œuvre littéraire fortement imprégnée par les légendes babyloniennes. On peut aussi imaginer sans mal un lien avec l’Histoire égyptienne et ses tombeaux royaux remplis d’or et autres richesses, et qui ont été pillés au fil des siècles.
Au départ, l’enfant Zouhri est un enfant doté de traits physiques particuliers, « étrangers » à la normalité maghrébine: cheveux tirant sur le roux, yeux de couleur claire (bleu, vert, ambré, noisette), qui les distinguent immédiatement au sein d’une foule. Sont venues ensuite, du fait des métissages des populations entre Europe et Afrique du Nord (esclavage, colonisation, tourisme, immigration…) les descriptions plus subtiles relatives aux lignes de la main, ou à certaines marques sur la peau. Parmi les explications avancées pour cette « étrangeté », il y a celle de l’esprit (ou Jinn) qui remplace la semence de l’homme par la sienne lors de la conception de l’enfant: le zouhri aurait donc une origine « magique », et serait lié à son père véritable. L’enfant n’a pas de pouvoir par lui-même, en revanche son sang permettrait d’invoquer le Jinn. Avec des moyens magiques appropriés, fortement inspirés de la magie kabbalistique (judaïque), le sarif serait en mesure d’obliger le Jinn à lui révéler où trouver des trésors enfouis et oubliés. Ceci évidemment touche totalement aux pratiques de la magie noire, et n’a rien d’anodin, ni bien souvent, de fondé. Contrairement à l’Egypte, à l’aire syro-irakienne ou encore à la péninsule arabique, l’Afrique du Nord a eu une histoire relativement calme et n’a pas connu semble-t-il de grande civilisation avant l’Islam (exception faite évidemment de la civilisation carthaginoise, malheureusement consumée dans sa guerre contre Rome). Il n’a pas connu non plus jusqu’à assez récemment de grande guerre dévastatrice qui aurait amené de riches populations à vouloir dissimuler leurs richesses: il y a donc très peu de chances qu’il y ait (ou qu’il reste) des « trésors enfouis » au Maroc ou en Algérie, du moins en termes d’or ou d’argent. Les richesses de ces pays sont avant tout historiques et culturelles, et il y a de fortes chances pour que celui qui cherche à soutirer les « richesses » sous la garde d’un Jinn soit fortement déçu…