Une fois n’est pas coutume, je vais aborder l’actualité et plus particulièrement une controverse qui fait un peu de bruit dans les milieux nationalistes: Henry de Lesquen et sa « censure » sur Twitter.
Qui est Henry de Lesquen?
Homme politique français et haut-fonctionnaire de formation économique, Henry de Lesquen s’est surtout fit connaître à la tête du Club de l’Horloge, un groupe de réflexion sur des sujets économiques fondé en 1974. Sur l’échiquier politique, ce groupe, rebaptisé Carrefour de l’Horloge en 2015, se situe entre la Droite classique (RPR/UMP/Républicains) et la Droite dite Nationaliste, actuellement représentée par le Front National. Sur le plan économique, son domaine de prédilection, ce groupe prône la liberté individuelle, la libre entreprise, et se rapproche nettement des travaux des économistes de l’école autrichienne (Menger, Mises, Hayek, Rothbard…), par opposition à l’école néo-libérale d’obédience néo-classique représentée par la quasi-totalité des économistes français et leurs représentants comme Jacques Attali, Alain Minc, Thomas Piketty, Albert Cohen…
L’école autrichienne d’économie réprouve l’intervention de l’Etat dans l’économie, y compris pour résoudre les « crises », estimant que c’est précisément l’intervention de l’Etat qui fausse les marchés et génère lesdites crises. L’école néo-classique, pour sa part, s’appuie lourdement sur des modèles économétriques interventionnistes.
Henry de Lesquen se revendique « national-libéral ». Il prône une identité française forte, mais aussi et surtout se fait le chantre des thèses racialistes et n’hésite pas à parler de « congoïdes » pour distinguer les noirs des blancs « caucasoïdes ». Il prône la « réémigration » des populations d’origine étrangère vers leurs pays d’origine ou vers le pays d’origine de leurs parents. Il récuse, bien évidemment, le droit du sol, et ne retient que le droit du sang: il ne suffit pas d’être né sur le territoire français et y avoir grandi pour en acquérir la nationalité, il faut également avoir des parents français. Il prône également l’abrogation des lois « antiracistes ».
Président de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen est assez présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter), il possède également un site internet créé en soutien à sa candidature à l’élection présidentielle française de 2017 (non validée pour absence de parrainage). Il anime également une chaîne youtube.
Condamné pour contestation de crimes contre l’Humanité et pour incitation à la haine raciale après des propos publiés sur son site et son compte twitter, Henry de Lesquen n’a cependant pas changé de ton, ni sur la forme ni sur le fond, que ce soit sur Twitter ou sur Facebook, et est de plus en plus populaire auprès d’une partie de l’électorat dit « d’extrême droite », majoritairement jeune. L’outrance de ses propos est tout à fait similaire à celui du vidéaste Peno, et des youtubeur Raptor Dissident, Lapin Taquin et Valek Noraj, à ceci près que ces auteurs n’ont jamais été condamnés pour des propos qui, bien que violents, n’ont apparemment pas fait l’objet de plaintes auprès de la Justice française.
Sa (relative) popularité croissante a amené les Inrocks à publier un article sur lui le 13 mai 2017, lui donnant à nouveau une certaine visibilité (de précédents articles avaient été publiés le 15 juin 2016, le 30 septembre 2016 et le 8 décembre 2016, tous aux Inrocks, qui semblent faire leur fond de commerce de la facile « lutte contre l’extrême-droite »). Quelques heures plus tard, le site d’Alain Soral, Égalité & Réconciliation, publiait un article sur l’article des Inrocks. En fin de journée, les comptes twitter de Henry de Lesquen faisaient l’objet de signalements, aboutissant à leur clôture. Cette censure provoque dans les heures qui suivent un mouvement de contestation de la part de ses « followers », l’ouverture d’une page facebook « de secours » et l’ouverture de deux nouveaux comptes twitter « officiels » par Henry de Lesquen.
Tout le monde s’en fout, mais…
Dans le contexte post-électoral qui a vu la victoire d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, la frustration de l’électorat nationaliste est palpable, et il en faut peu pour susciter les passions. La censure des comptes twitter de Henry de Lesquen trouve donc un écho très particulier, qu’il n’aurait probablement pas en temps plus normal.
Mais cet écho particulier amène également des réactions particulières, et à mon sens largement excessives. Si je réprouve la censure, comme je l’ai expliqué dans mon article sur la censure de Marsault l’été dernier, je réprouve tout autant les propos de M. de Lesquen, et ceci d’autant plus qu’il a été effectivement condamné.
Si je pense que des gens comme Dieudonné et Alain Soral sont condamnés avec raison pour leurs propos toujours border-line et leurs sous-entendus lourds de sens, je ne peux qu’approuver les sanctions pénales prononcées contre Henry de Lesquen et ses propos littéralement scandaleux. Au vingt-et-unième siècle, voir des mots comme « congoïde » dans la bouche et les écrits d’un homme pourtant intelligent et éduqué fait froid dans le dos. Ses propos sont tellement outranciers que beaucoup imaginent qu’il n’est qu’un troll de plus dans le vaste océan déferlant de haine qu’est internet. Ce n’est pas le cas: il pense réellement ce qu’il dit.
Je l’ai dit récemment sur Facebook, je me qualifie volontiers de Libéral, j’adhère aux écrits d’Adam Smith, de Frédéric Bastiat, de Carl Menger, de Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Robert Nozick et Murray Rothbard. Ces noms, à l’exception d’Adam Smith, vous sont probablement étrangers, même si vous avez fait de l’économie; ils sont pourtant incontournables et représentent l’essentiel de l’école dite « autrichienne » d’économie. Leur critique du Socialisme sur le plan politique et économique, leurs critiques de l’interventionnisme étatique sur les marchés, leur défense des libertés individuelles, me paraissent à la fois pertinentes et nécessaires. Henry de Lesquen les connaît et en parle régulièrement, ou en tout cas formule les mêmes critiques avec les mêmes arguments, ce qui indique qu’il connaît leurs écrits. Son libéralisme et le mien se recoupent donc.
Sur le plan politique, en revanche, nous sommes en totale opposition. Il me semble absolument incompatible avec l’esprit libéral d’opérer des distinctions racialistes pour opérer des revendications pseudo-nationalistes. La notion de marché et de libre-échange n’émerge pas de conceptions purement financières. Il s’agit au contraire de prôner le développement par l’échange. Dans les écrits d’Hayek, le phénomène d’échanges commerciaux est même qualifié de Catallaxie, du grec Katalein, qui désigne « l’échange qui fait de l’ennemi un allié ». L’esprit autrichien est résumé dans ce seul mot: le marché et la compétition qu’il génère ne signifie pas guerre économique, mais bien alliance généralisée. Or, cette alliance passe avant tout par la reconnaissance d’autrui sur un pied d’égalité. Le commerce est basé, en effet, sur l’égalité, contrairement au pillage, basé sur la force et la supériorité.
Or, Henry de Lesquen multiplie les références aux « cosmopolitisme », à la « musique nègre », et à l’art « dégénéré », des termes extrêmement forts, qui renvoient sans aucune ambiguité au nazisme. Vraiment, je déteste ce genre d’association vraiment omniprésente et généralement abusive quand on parle de l’extrême droite, mais là c’est totalement justifié. Le nom même de son parti « national-libéral » est un miroir du parti « national-socialiste » d’Adolf Hitler.
Entendons-nous bien: il est totalement légitime de reconnaître l’altérité de quelqu’un, de lui reconnaître sa culture, ses origines, son appartenance ethnique, en particulier lorsque la personne entend mettre en avant ses racines ethno-culturelles. Ce qui est intolérable, c’est de se servir de cette altérité pour dénigrer, rabaisser et insulter autrui. C’est totalement ce que fait Henry de Lesquen.
Le discours de cet homme, que je me suis refusé à pointer en lien en raison de son caractère outrancier et pénalement répréhensible, parasite totalement des débats qui sont pourtant légitimes. Par exemple, sa promotion de la réémigration, reprise des charters de Charles Pasqua est une nuisance absolue sur un débat réel concernant le futur des pays en développement. Les jeunes de ces pays viennent régulièrement en France pour étudier et obtenir des diplômes de qualité (les universités françaises développent également de plus en plus des réseaux de partenariats pour détacher des professeurs dans les universités locales). Beaucoup de jeunes diplômés restent cependant en France, où ils perçoivent des opportunités de carrière plus intéressantes et une qualité de vie de meilleure qualité. Le problème est que leurs compétences, financées avec le concours de leur pays d’origine, ne retournent pas là-bas et privent donc les pays en développement d’une partie de leurs ressources intellectuelles pourtant réellement nécessaires. Les propos de Henry de Lesquen détruisent d’avance tout débat pourtant légitime sur le retour des jeunes diplômés étrangers dans leur pays, en qualifiant par analogie tout discours en ce sens d’extrémisme xénophobe. En outre, en associant le libéralisme à ce type de propos intolérables avec lesquels ils sont pourtant intrinsèquement antinomiques, il empêche tout débat sur les programmes politiques portant sur l’économie. Les débats entre marxistes et néo-classiques sont déjà suffisamment houleux (Mélenchon vs. Macron) pour ne pas avoir à subir l’opprobre généralisée à cause de lui si l’on se revendique proche des idées de Mises ou Hayek…
Conclusion
L’article des Inrocks (la série d’articles…) est absolument débile, se bornant à vouloir à tout prix coller Henry de Lesquen dans une pseudo-mouvance qui n’existe pas, mêlant jeux-vidéo.com et 4Chan, les memes Thug Life et Pepe, emojis « xénophobes » (on croit rêver) et Donald Trump. Ce grand bordel fourre-tout n’a aucune consistance et tient plus du délire gauchiste que de la réalité d’une extrême droite tellement bigarrée qu’elle n’arrive même pas à s’unir sur des points simples comme l’immigration ou l’Europe.
Je me réjouis de la censure de Henry de Lesquen, condamné pour ses propos (même si j’imagine qu’il a fait appel) dont la teneur est ahurissante et intolérable. Cet homme nuit à son pays et m’apparaît comme ces médecins qui autrefois préconisaient des saignées pour soigner l’anémie ou préconisaient de boire de l’urine mêlée de fèces pour soigner la peste bubonique: un parasite profitant de la détresse, exploitant le désespoir de ses compatriotes, à de seules et viles fins personnelles et égocentriques. Il ne s’agit pas d’un Conversano à côté de la plaque mais essayant malgré tout de s’informer et restant de bonne foi, mais bel et bien d’un homme éduqué et intelligent, pleinement conscient de ses paroles, qui a décidé de faire carrière sur un racisme assumé en affichant son mépris total pour tout le monde.
Le débat légitime et déjà difficile sur l’avenir de notre pays et de ses populations n’a pas besoin de ce genre d’énergumène.