L’Absinthe a été interdite en 1915 (en France) suite à la pression de l’alliance improbable des ligues de vertu chrétiennes et des viticulteurs. La loi avait interdit l’ensemble des boissons similaires, y compris les alcools anisés.
Pour les distillateurs, ce fut une véritable catastrophe, et nombreux furent ceux condamnés à disparaître suite à la faillite de leurs affaires. L’alcool le plus consommé de France était du jour au lendemain totalement banni, interdit. Les choses auraient pu en rester là, et voir le vin remplacer définitivement l’absinthe, les français n’étant pas prêts à accepter d’arrêter de lever le coude, même pour des questions de santé publique, de patriotisme économique ou de vertu religieuse…
C’était sans compter sur les distillateurs du sud-est de la France, au premier rang desquels Pernod, puis Ricard. Profitant d’un assouplissement de la Loi en faveur des boissons alcoolisées à base d’anis, ils mirent sur le marché à partir de 1922 un alcool qui allait devenir le symbole du « savoir vivre à la méditerranéenne »: le Pastis.
Cet alcool fut très vite adopté par les nostalgiques de l’absinthe, bien qu’il en soit très différent en terme de qualités gustatives. Bien que l’Absinthe ait une odeur et un goût anisés, il s’agit d’un alcool beaucoup plus subtil, qui a aussi un goût d’herbes et d’épices, ce que le Pastis, réalisé avec quasi 100% d’anis (et des pointes de fenouil et de réglisse), ne peut avoir. Cependant, le principe est le même: il s’agit d’un alcool qu’on boit dilué, avec de l’eau fraîche, qui se trouble et qui se boit de façon conviviale (partage du pichet d’eau).
Distillé par les entreprises du sud de la France, celles-ci jouent très vite la carte « locale », en accolant au nom de leurs production le terme « de Marseille ». En jouant sur la recette en y ajoutant un colorant qui trouble l’eau quand on la mélange au pastis pour rappeler aux anciens la nostalgie de l’Absinthe, tout en ancrant leur pastis dans une aire géographique, ces distillateurs ont su faire de leur production un alcool de renommée mondiale.
Pourtant, le Pastis est un alcool menteur. Développé dans l’intention de remplacer l’absinthe, il s’est parfois prétendu comme tel, « les risques en moins ». Autre exemple de la volonté d’assimiler les deux, les étiquettes de l’Absinthe Ricard ont été récupérées presque à l’identique pour le Pastis Ricard, comme pour créer une confusion et une continuité.
Pourtant, comme je l’ai dit, ces deux alcools n’ont strictement rien à voir en termes gustatifs. Le pastis est un alcool qui envahit la bouche et stimule toutes les papilles, alors que l’absinthe se fait surtout sentir sur le premier tiers de la langue et n’attaque pas la gorge. En outre, bien qu’il existe des pastis très élaborés, les recettes n’ont pas grand chose à voir avec la complexité des recettes de l’absinthe. Ceci aboutit à un constat que j’ai pu faire assez régulièrement: les amateurs d’Absinthe aiment rarement le Pastis, et vice-versa.
La renaissance de l’Absinthe à partir des années 2000 n’a pas amené de concurrence particulière, les distillateurs produisant désormais à la fois l’absinthe et le pastis, mais à destination de consommateurs différents. Là où une bouteille de pastis peut se trouver à partir de la dizaine d’euros (voire moins), la bouteille d’absinthe sera rarement à moins de 20 euros, les prix tournant plutôt aux alentours de la trentaine voire de la quarantaine d’euros.
Quant à moi, vous l’aurez compris, ma préférence va clairement à l’absinthe. C’est à la fois une question de goût mais aussi de principe: contrairement à l’absinthe, le pastis se mélange très mal avec la vodka…
bonjour , je découvre votre blog et notamment ces articles sur l’absinthe :! Riches et passionnants à la lecture , Fan du dit breuvage, tant sur son histoire que pour une dégustation, c est toujours un plaisir de découvrir que ma passion est partagée ! Je continue de découvrir de beaux articles côté littérature au sens large !
Merci beaucoup pour votre commentaire, c’est toujours un plaisir de savoir que mes écrits sont appréciés!