It’s been so long since I wrote anything for the last time on sombre-plume! But I’m still here, struggling with a busy personal life and the necessity to work in both litterature and dark arts.
A few weeks ago, my dear fellow Tiephaine presented the amanuensis Sharkchild’s The Dark Verse vol. III, in a nice and positive reviews. He did won it on one of the regular giveaway organized by the american writer, and proposed to write a review as he did for years now on the french-speaking Babelio website.
So, what’s in The Dark Verse? To be honest, I wasn’t very interested in this book at first glance. It’s good looking, but its stories were very, very, very short and didn’t match m conceptions of what is a true, horrific story. I was wrong. the fact is the stories in The Dark Verse are less stories than sequences. There is a beginning and an end, but it’s not the beginning and the end. And it’s all about non-human entities, from the outer world.
As Tiephaine confessed when he sent me this book, these stories are perfect to set some entities to work with in Chaos Magick. For those who aren’t aware of what is Chaos Magick, it’s a magical practice consisting in creating your own gods and entities, instead of praying goetian demons or egyptian deities as our ancestors did in the 19th century. In his own way, Aleister Crowley was a precursor of these practices, presenting Choronzon or with the « Zazas » mantra.
What does this all has to deal with Sharkchild’s writings? Simple: everything.
Sharkchild presents god-like entites from the outer space and outer time, just as Lovecraft and is fellowship did developing the Cthulhu Mythos. You can take The Determiner from There they Freeze coupled with the Coming Death and work in a context needing to be realized in ineluctability and balance of Good & Evil. You may need to travel to the Summit from the Summit and the Sacrifice to concretize a particular work, a gift to your personnal and forgotten gods or to leave behind your path something from your past, as the former being you were before becoming the one you are now. The Names stories are perfect to start working with these writings, as the settle a particular entity, defining it and making it « ready to use ». Or, if you prefer, you could also work to curse your enemies using Entering Weightlessness or, even better, The Truncation of Being by Folding Flesh stories. This last one is my favourite, even if maybe the cruelest thing I’ve ever read until now.
There are lots and lots of potentials inside these Dark Verse, and I’m sure Chaos praticians could find their (twisted) hapiness reading the 3 volumes (to this day) of the Dark Verse. Check it out on his website!
Et nous revoilà pour un nouvel anniversaire dans cette plus-si-nouvelle formule qui nous plaît beaucoup plus (et nous prend, il est vrai, moins de temps)!
Difficile d’imaginer à quel point le temps passe vite, quand on a la tête prise dans le travail quotidien…
L’année qui vient de s’écouler a été malheureusement plutôt tranquille sur Sombre Plume, en tout cas un peu trop notre goût. J’aurais adoré pouvoir enfin annoncer la publication du premier ouvrage que nous voulions produire avec Tiephaine, une édition du Paradis Perdu de John Milton, et illustrée avec les aquarelles de William Blake, mais nous n’avons tout simplement pas eu le temps de travailler dessus comme il le faut. S’y ajoute le fait que nous ne courons pas après l’argent et la notoriété, et que de ce fait, un tel projet ne peut se faire aussi vite que nous le voudrions pour de bêtes problèmes de financements…
Quelques tendances sont apparues cette année, et contrairement à ce que nous aurions cru, l’article de Tiephaine sur l’imposture pseudo-chrétienne du 21e siècle a eu un succès considérable (pour un site comme le nôtre). Avec plus de 500 visiteurs uniques sur cet article, c’est sans conteste celui qui a eu le plus de succès, dépassant largement le cadre de notre audience habituelle. Cela témoigne d’une part d’un intérêt certain pour les thèmes religieux, et surtout, l’absence totale d’insultes et de mails rageurs prouve que l’intérêt que vous y avez porté était sincère (ou alors, nos filtres anti spam sont réellement efficaces…). D’autres articles sur ce thème devraient paraître sur Sombre Plume cette année.
Autre tendance, la série d’articles de Tiephaine sur l’écriture au sens large a semblé vous intéresser près d’un millier de vues cumulées pour les trois articles. Là encore, cela témoigne des doutes auxquels les auteurs en herbe peuvent être confrontés. Il faut dire que ce marché est totalement en crise, avec des auteurs médiocres mis en avant alors que des auteurs originaux sont totalement mis de côté et noyés dans l’océan de l’autopublication…
J’ai également été surprise de voir à quel point mon article intitulé « Ruptures et Continuations » avait pu avoir son petit succès, avec 250 lecteurs uniques. Il faut croire que même si nous nous en défendons, les relations sentimentales sont au cœur de nos préoccupations et nous amènent à farfouiller sur d’obscurs sites tels que sombre Plume pour trouver des réponses à nos angoisses.
Un petite déception cependant concernant la série d’articles sur l’absinthe, qui a été peu suivie, malgré le travail que nous avions mené (surtout Tiephaine).
Enfin, il est nécessaire de préciser que ce petit « top » ne comprend pas les articles à tonalité politique que Tiephaine avait posté au cours de l’année écoulée. Nous avons fait le choix de les supprimer, après avoir constaté l’explosion de visites en provenance de sites géographiques liés aux réseaux de surveillance tant américains que français ou allemands. Ces visites amenaient un ralentissement de notre site et empêchaient la lecture sereine de nos articles, y compris ceux qui n’avaient rien de politiques. Si bien sûr il ne s’agissait pas de surveillance active comme certains sites peuvent être surveillés, le fait de voir des ordinateurs branchés à Langley, Washington et autres ne nous a pas fait vraiment plaisir. Donc, désormais, plus aucun contenu politique sur Sombre Plume n’est disponible ou ne sera publié, et force est de constater que nous n’avons plus aucun problème de trafic et de bande passante…
Concernant les projets que nous allons tenter de mener cette année:
Je devrais écrire une petite série d’articles sur la Magie du Chaos et notre vision de celle-ci. Elle devrait commencer dans le début de l’été et se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.
Tiephaine devrait en principe rédiger une série d’article sur les religions et leurs origines, et devrait également s’essayer à la présentation bibliophilique d’ouvrages anciens qu’il a glanés ces dernières années.
Nous continuons de travailler sur la publication d’ouvrages en version papier, et envisageons de créer notre propre entreprise d’édition pour pouvoir publier décemment nos écrits et les ouvrages que nous estimons injustement délaissés.
Nous vous souhaitons une belle année en notre compagnie!
L’Absinthe a été interdite en 1915 (en France) suite à la pression de l’alliance improbable des ligues de vertu chrétiennes et des viticulteurs. La loi avait interdit l’ensemble des boissons similaires, y compris les alcools anisés.
Pour les distillateurs, ce fut une véritable catastrophe, et nombreux furent ceux condamnés à disparaître suite à la faillite de leurs affaires. L’alcool le plus consommé de France était du jour au lendemain totalement banni, interdit. Les choses auraient pu en rester là, et voir le vin remplacer définitivement l’absinthe, les français n’étant pas prêts à accepter d’arrêter de lever le coude, même pour des questions de santé publique, de patriotisme économique ou de vertu religieuse…
C’était sans compter sur les distillateurs du sud-est de la France, au premier rang desquels Pernod, puis Ricard. Profitant d’un assouplissement de la Loi en faveur des boissons alcoolisées à base d’anis, ils mirent sur le marché à partir de 1922 un alcool qui allait devenir le symbole du « savoir vivre à la méditerranéenne »: le Pastis.
Cet alcool fut très vite adopté par les nostalgiques de l’absinthe, bien qu’il en soit très différent en terme de qualités gustatives. Bien que l’Absinthe ait une odeur et un goût anisés, il s’agit d’un alcool beaucoup plus subtil, qui a aussi un goût d’herbes et d’épices, ce que le Pastis, réalisé avec quasi 100% d’anis (et des pointes de fenouil et de réglisse), ne peut avoir. Cependant, le principe est le même: il s’agit d’un alcool qu’on boit dilué, avec de l’eau fraîche, qui se trouble et qui se boit de façon conviviale (partage du pichet d’eau).
Distillé par les entreprises du sud de la France, celles-ci jouent très vite la carte « locale », en accolant au nom de leurs production le terme « de Marseille ». En jouant sur la recette en y ajoutant un colorant qui trouble l’eau quand on la mélange au pastis pour rappeler aux anciens la nostalgie de l’Absinthe, tout en ancrant leur pastis dans une aire géographique, ces distillateurs ont su faire de leur production un alcool de renommée mondiale.
Pourtant, le Pastis est un alcool menteur. Développé dans l’intention de remplacer l’absinthe, il s’est parfois prétendu comme tel, « les risques en moins ». Autre exemple de la volonté d’assimiler les deux, les étiquettes de l’Absinthe Ricard ont été récupérées presque à l’identique pour le Pastis Ricard, comme pour créer une confusion et une continuité.
Pourtant, comme je l’ai dit, ces deux alcools n’ont strictement rien à voir en termes gustatifs. Le pastis est un alcool qui envahit la bouche et stimule toutes les papilles, alors que l’absinthe se fait surtout sentir sur le premier tiers de la langue et n’attaque pas la gorge. En outre, bien qu’il existe des pastis très élaborés, les recettes n’ont pas grand chose à voir avec la complexité des recettes de l’absinthe. Ceci aboutit à un constat que j’ai pu faire assez régulièrement: les amateurs d’Absinthe aiment rarement le Pastis, et vice-versa.
La renaissance de l’Absinthe à partir des années 2000 n’a pas amené de concurrence particulière, les distillateurs produisant désormais à la fois l’absinthe et le pastis, mais à destination de consommateurs différents. Là où une bouteille de pastis peut se trouver à partir de la dizaine d’euros (voire moins), la bouteille d’absinthe sera rarement à moins de 20 euros, les prix tournant plutôt aux alentours de la trentaine voire de la quarantaine d’euros.
Quant à moi, vous l’aurez compris, ma préférence va clairement à l’absinthe. C’est à la fois une question de goût mais aussi de principe: contrairement à l’absinthe, le pastis se mélange très mal avec la vodka…
A short-stories collection both fascinating and horrifying through its universe, with an efficient and flowing writing style, and absolutely delicious to read.
I first encountered the M. Amanuensis Sharkchild « The Dark Verse » series (3 independant volumes to this day) while taking a « walk » through american websites about horror litterature. I finally grabbed the third volume entitled « Beyond the Grip of Time » after a Giveaway organised by its author.
My a priori was very positive, as I had already read some extracts and critics. And also because the book itself is very cool to look at.
About the object itself, the book is bind with faux-leather, with a golden artwork imprinted. The edges of the pages are black, giving some hints about the content. It’s a really nice old-fashioned book, far from the insipid and sad standards we know in France for the same price (US $25 vs. €20 for an editor’s format in Europe, with a softcover). Two colored artworks ornate the first and last pages, and another artwork illustrates the title page. Each text is also illustrated by a two-pages artwork. All these illustrations are realized by the talented John Stifter and are really nice, giving a really good look to the whole book. If I wanted to be a bit meticulous, I’d say it lacks only a bookmark to be absolutely perfect. To sum up, everything is really good, and I have to say the work made on the book is really astonishing.
But what about the 26 short-stories that compose the third volume of The Dark Verse? Originally broadcasted through podcasts ont the author’s website, these texts are quite short (about 7-8 pages), and doesn’t deploy a long-term plot. Each text is self-sufficient and is about a different subject. Sharkchild knows how to create an horrific background in a very efficient way and some stories leaves in reader’s mind some unease, angst feelings. Very well written, these stories are as good as the book itself.
Beyond the Grip of Time gather texts which could be linked to dark onirism genre, to the « Cauchemardesque » (« nightmarish »). Each of the horrors it describes could be just here, in front of us, right now, behind this veil that hides the other dimensions. They contain the malevolence of a fundamentally hostile multiverse which predates us while we are unaware of a danger we can’t even understand or comprehend.
If the horror conception as it is exposed in here may be compared in french reader’s mind to some of the Lovecraft’s stories as The Dream-Quest of Unknown Kadath and every textes linked to the dream-cycle, I tend to compare them to Lord Dunsany’s work, but in a nightmarish version and as talented as it.
This reading is really to discover, and even more because its author is still alive and very friendly. The Dark Verse series is only available in american language to this day.
Un recueil à la fois fascinant et horrifiant de par son univers, à l’écriture fluide et efficace, et à la lecture absolument délicieuse.
J’ai connu la série de M. Amanuensis Sharkchild « The Dark Verse » (trois tomes indépendants à ce jour) en me promenant sur les sites américains relatifs à la littérature d’horreur. Et j’ai finalement pu lire le troisième tome, intitulé « Beyond the Grip of Time » après avoir remporté l’ouvrage lors d’une opération « Giveaway » organisée par l’auteur.
Mes a priori étaient positifs, de par ce que j’avais pu en lire jusqu’ici dans des critiques ou courts extraits. Et pour ne rien gâcher, la couverture est franchement chouette.
Concernant l’objet lui-même, le livre est relié en faux-cuir avec un artwork original en dorures. Les tranches du livre sont noires, donnant le ton de ce qu’il contient. C’est vraiment un très bel ouvrage à l’ancienne, bien loin des standards fades que nous connaissons actuellement en France pour un prix équivalent (US. $25 contre €20 pour un livre éditeur en Europe) . Deux artworks couleurs différents ornent la page de garde et la page finale. Et un artwork illustre également la page de titre. Chaque texte est lui aussi orné d’un artwork double page. Les illustrations sont toutes réalisées par John Stifter et sont franchement du plus bel effet. Si je voulais être tatillon, je dirais qu’il ne manque qu’un signet pour avoir un sans-faute. Bref, que du bon, et je dois vraiment dire que le travail fourni sur le livre lui-même m’épate.
Mais qu’en est-il des 26 textes qui composent ce troisième volume des Dark Verse? Originellement diffusés en podcasts sur le site de l’auteur, ces textes sont assez courts (7-8 pages environ), et ne déploient pas d’intrigue au long cours. Chacun de ces textes se suffit à lui-même et aborde un sujet différent. Sharkchild sait poser une ambiance horrifique de façon vraiment très efficace, et certaines histoires laissent un sentiment de malaise et d’angoisse. Très bien écrits, ces textes sont donc largement à la hauteur de leur enrobage.
Beyond the Grip of Time réunit des textes que l’on peut rattacher à l’onirisme noir, au cauchemardesque. Chacune des horreurs qu’ils décrivent pourrait se trouver là, juste en face de nous, derrière ce voile qui nous occulte les autres dimensions. Ils contiennent la malveillance d’un multivers qui nous est fondamentalement hostile et qui fait de nous des proies inconscientes d’un danger que nous ne pouvons ni comprendre ni même appréhender.
Si la conception de l’Horreur telle qu’elle est exposée ici semblera évoquer immanquablement au lecteur français certains textes de Lovecraft comme La Quête de Kadath l’Inconnue et tous ceux qui sont liés aux Contrées du Rêve, ils m’évoquent cependant beaucoup plus les textes de Lord Dunsany, en version cauchemardesque et tout aussi talentueuse.
Une lecture à découvrir d’autant plus que son auteur est tout ce qu’il y a de plus vivant et sympathique, même si à ce jour la série The Dark Verse n’est disponible qu’en version américaine.
L’un des plus grands mythes de l’absinthe, que j’ai déjà eu l’occasion d’en parler, est celui de la folie qu’elle est sensée provoquer.
L’interdiction prononcée à son encontre au début du 20e siècle se basait sur une série de faits divers imputables à l’alcoolisme plutôt qu’à la consommation spécifique d’absinthe. Néanmoins, une certaine littérature (pas si abondante quand on y regarde de plus près) a pu faire naître l’idée que l’absinthe était un dangereux poison pour l’esprit, en raison des substances qu’elle contient.
Il faut rappeler que l’absinthe était employée dès l’antiquité et est toujours utilisée en herboristerie pour traiter divers maux. Elle était utilisée, selon la partie utilisée et le moyen de préparation infusion, distillation, macération, poudres, huiles essentielles…), comme purgatif, comme moyen abortif, ou pour provoquer les règles, et beaucoup d’autres usages. Or, ces histoires de folie n’apparaissent qu’au début du 20e siècle, dans la littérature des ligues de vertu. Pourquoi pas avant?
Tout simplement parce que l’absinthe est inoffensive par elle-même. C’est l’éthanol et surtout le méthanol qu’elle contient dans sa forme alcoolisée qui peuvent conduire à des intoxications lorsqu’elle est consommée à haute dose, tout comme la bière, le vin, le whisky, les liqueurs…
L’absinthe est réputée dans certains milieux pour contenir du tétrahydrocannabinol, ou THC, la molécule active que l’on trouve dans le cannabis. Cette idée a grandement contribué à la rendre populaire auprès d’une certaine jeunesse en quête de sensations, mais ils ont dû être extrêmement déçus.
Il semble que ce mythe de l’absinthe au THC provienne d’une étude publiée dans les années 1970 aux Etats-Unis, et d’une confusion née entre le THC et la thuyone, une molécule présente dans l’absinthe et réputée causer convulsions, excitation et hallucinations.
La thuyone est certes une molécule toxique, mais elle requiert des niveaux élevés pour commencer à produire ses effets. Les absinthes commerciales actuelles présentent des taux de 35 mg/L (celles du 19e/début 20e semblent plutôt avoir eu des taux de moins de 10mg/L…), or pour que cette substance commence à produire ses effets, il faudrait en consommer en théorie au moins 0,6L en une seule fois ou dans un temps très réduit pour qu’un individu de 75kg commence à trembler légèrement (2,1L pour les absinthes anciennes). Les absinthes actuelles titrant entre 50° et 80° d’alcool, on se rend très vite compte que c’est à cette substance que le corps va réagir plutôt qu’à la thuyone…
Pouvons-nous donc parler d’un alcool qui causerait la folie? Il semble bien que tout cela relève du mythe, ceci d’autant plus que le terme « folie » est plutôt fourre-tout. Si cette boisson contient effectivement de la thuyone, cette substance n’est hallucinogène qu’à très forte dose, lorsqu’elle devient neurotoxique. Elle ne s’accumule pas dans les tissus du corps humain, comme peuvent le faire nombre d’autres substances nocives (perturbateurs endocriniens, pesticides, métaux…), ce qui signifie que l’absinthe ne rend pas « fou » non plus sur le long terme en provoquant des hallucinations ou, à des doses bien moindres, des convulsions.
Les actes de violences criminelles qui ont servi de prétexte aux ligues de vertu au début du 20e siècle ne s’expliquent pas par les composés de l’absinthe, mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, trouvent leur origine dans un alcoolisme aggravé par des contextes socio-économiques peu reluisants.
A l’inverse, je ne vois pas bien non plus comment l’absinthe pourrait inspirer les artistes, du moins autrement que comme support de focalisation de la concentration et d’abstraction permettant à l’imagination de se déployer pleinement. Mais sur ce plan-là, un verre d’eau pourrait parfaitement faire l’affaire…
Lorsqu’il est question d’absinthe, la culture populaire a l’image d’un verre surplombé d’une cuillère ajourée surmontée d’un morceau de sucre, et que l’on arrose doucement en tournant le petit robinet de la fontaine à absinthe…
Pour pittoresque que soit cette vision, elle est cependant tout à fait erronée.
L’absinthe était un alcool très prisé des français au 19e siècle. Nombreux sont les artistes à lui avoir consacré quelques rimes, comme Pétrus Borel, et cela, bien au-delà de nos frontières (Aleister Crowley lui-même lui a consacré un court essai).
Cela s’explique parce que l’absinthe est l’un des rares alcools que l’on boit dilué avec de l’eau. Le mélange de l’eau et de l’alcool, lorsqu’il est fait avec lenteur, produit une sorte de ballet entre les deux liquides, à la manière d’un sirop. L’absinthe ayant en plus la propriété de changer de couleur, virant du vert émeraude au vert laiteux, voire au blanc (ou au rose, comme en témoigne l’affiche publicitaire ci-contre…), le consommateur peut ainsi jouer avec les couleurs et les spirales qui se créent lorsque l’on verse l’eau froide au goutte-à-goutte.
Le rituel de l’absinthe se passe ainsi très bien du sucre et de sa cuillère ajourée. D’ailleurs, elle se passe également très bien de tout rituel: la majorité des gens qui en boivent le font parce que c’est un alcool relativement agréable et qu’il est très économique. Preuve s’il en était besoin que la consommation d’absinthe n’est pas ritualisée au 19e siècle, la plupart des cafés et troquets où elle est consommée se contentent de la servir avec un simple pichet d’eau froide, pour des raisons très pragmatiques: une fontaine à absinthe est un accessoire fragile, et une cuillère (en argent, l’usage de l’inox ne s’est pas répandu avant très longtemps…), ça se vole facilement.
Ces accessoires sont donc plutôt réservés aux clubs de gentlemen et aux établissements huppés, où la clientèle est soigneuse, ou en tout cas peut payer pour les verres et fontaines cassées et les cuillères « perdues ». C’est à dire, simplement, à quelques établissements parisiens et de province.
Les photos d’époque (et les publicités) montrent très rarement (c’est à dire jamais) les boui-boui où la populace allait se saouler après sa journée de travail. Elles montrent au contraire de bonnes gens respectables et honorables, dans des établissements bien tenus et aux décorations plutôt riches ou recherchées, ce qui explique cette profusion d’images où la cuillère et son morceau de sucre sont bien mis en valeur. Il faut chercher du côté des œuvres qui dépeignent la vie quotidienne, tel ce tableau d’Edgar Degas, où n’apparaît que le fameux pichet:
Les revues et articles touristiques de l’époque ne mentionnent jamais cet « art de l’Absinthe », qui semble n’être observé que par quelques intellectuels. Rappelons que l’époque est très propice à ce genre d’expérience ritualisée chez les artistes, puisque la consommation de haschich ou même d’opium accompagne l’essor de l’Orientalisme, lui-même accompagné par une pseudo-redécouverte de l’occultisme et des traditions de l’ésotérisme égyptien et asiatiques.
Et d’ailleurs, comment ce « rituel » est-il né?
Il faut d’abord distinguer deux choses: la fascination pour le mélange absinthe/eau froide, et ce fameux sucre et sa cuillère ajourée.
Le mélange absinthe/eau froide, comme je l’ai déjà dit, lorsqu’il est exécuté avec lenteur, produit des filaments, comme quand on verse au goutte à goutte de l’encre dans un verre d’eau. C’est cette fameuse danse de la fée verte qui séduit tant les poètes et chansonniers, et qui permet d’établir un lien très facile entre cette spirale de filaments qui semble danser langoureusement au fond du verre, et le tournis généré par l’ivresse.
Ce mélange est généré par les propriétés physico-chimiques différentes de l’alcool et de l’eau. Pour faire simple, l’ajout d’eau dans l’absinthe la fait se troubler parce que certaines des molécules qui la composent « précipitent » et modifient leur structure physique. Ce changement est visible de façon spectaculaire (au sens premier du terme, « qui attire l’attention ») avec le basculement d’une couleur vert émeraude à une blanc laiteux et verdâtre.
Il faut rappeler une fois de plus qu’à l’époque, l’absinthe est le seul alcool qui se consomme après dilution dans de l’eau. Le pastis n’existe pas encore (il ne sera inventé que dans les années 1930, j’y reviendrais…), la bière et le vin se boivent tels quels, et c’est la même chose pour les eaux de vie et les liqueurs recherchées surtout et avant tout en raison de leur fort degré d’alcool qui enivre en quelques instants (le binge drinking n’est pas un phénomène nouveau, loin d’en faut…).
La cuillère et le sucre apparaissent assez tôt dans l’histoire de la consommation d’absinthe, mais pas pour des questions rituelles. L’absinthe est une plante amère, peu agréable à consommer telle quelle. Connue dès l’antiquité, son usage est principalement médicinal (elle a notamment des propriétés abortives), et elle ne devient une préparation alcoolisée servie dans les troquets qu’assez tardivement (après Napoléon?). Or, son goût amer n’est au départ pas très agréable au palais. Plutôt que de modifier les recettes issues de l’herboristerie, on préfère ajouter du sucre, qui compense cette amertume. Les premières cuillères à absinthe sont ainsi de simples cuillères dont on se sert pour mélanger l’alcool et le sucre.
Il semble que les premières cuillères ajourées (ou « pelles à absinthe ») soient apparues assez tôt, puisque Pétrus Borel y fait déjà référence dans son poème « L’Absinthe » (rédigé vers 1850). Il s’agit alors de faire couler l’eau froide au goutte-à-goutte sur le sucre pour qu’il se dissolve lentement, tout en troublant l’absinthe progressivement, avant de mélanger vigoureusement le tout une fois le verre rempli ou le sucre dissout.
Il faut également noter que l’ajout de sucre à un alcool était assez répandu au 19e siècle, ce qui a contribué indirectement à causer le déclin puis l’interdiction de l’absinthe. En effet, avec l’augmentation de sa consommation et de son marché, l’absinthe a amené certains producteurs clandestins à produire des absinthes frelatées, absolument ignobles, qui pour certaines ne contenaient d’ailleurs même pas d’absinthe. Pour donner une plus jolie apparence à ces breuvages douteux, ils n’hésitaient pas à ajouter des produits chimiques pour colorer en vert leur production, et notamment le fameux « sulfate de zinc », qui permettait de tarifer des prix bas imbattables, mais pour un goût totalement atroce. L’ajout de sucre contribuait à améliorer le goût de ces productions, mais induisait malheureusement parfois un empoisonnement, principalement chez les ouvriers déjà exposés aux métaux dans leurs industries.
Aujourd’hui, je préfère le dire, ces questions ne font pas sens. Dès la seconde moitié du 19e siècle, les distillateurs produisent des absinthes équilibrées, qui se passent parfaitement de sucre pour être agréables au palais. Ces recettes d’époques ont été reprises par les principaux distillateurs qui se sont (re)lancés dans l’aventure après la levée de l’interdiction au début des années 2000, avec assez peu d’adaptation. Les recettes d’absinthe sont très variées, et il y en a pour tous les goûts. Cet alcool reste cependant un alcool haut de gamme, rare, controversé, et donc cher.
Boire son absinthe avec du sucre revient à tremper un bout de pain dans un château La Tour (un vin facturé plusieurs milliers d’euros la bouteille): c’est un gâchis absolu. Pire, c’est même un manque de respect total envers le travail du distillateur et une faute de goût impardonnable (quant aux barbares qui osent flamber leur absinthe après leur voir fait subir le sucre, ils ne méritent à mes yeux qu’un coup de tournevis dans les rotules).
L’absinthe est aujourd’hui un alcool qui ne se consomme pas avec du sucre, et se passe largement, comme à l’époque, de ce soi-disant rituel qui de toute manière prend un temps fou et n’est guère amusant qu’une ou deux fois. Il s’apprécie avec de l’eau fraîche, de la limonade ou même, comme moi, avec de la vodka (russe, la plus neutre au palais), et bien entendu, toujours avec modération.
Il suffit de voir la tête de mes interlocuteurs lorsque je dis que je bois de l’absinthe pour voir que les préjugés et les mythes liés à l’absinthe sont encore vifs aujourd’hui. Du coup, je vais contribuer à démonter ce mythe de l’odieuse absinthe qui rend fou, pas vraiment pour augmenter les ventes des producteurs français en touchant une commission au passage (j’apprécierai mais je n’ai malheureusement aucun contacts avec eux…), mais surtout pour avoir l’espoir que cessent ces têtes ahuries et ces jugements terribles à l’encontre des buveurs de ce sulfureux spiritueux.
Commençons au commencement, ou plutôt à la fin: l’interdiction de l’absinthe en tant que boisson alcoolisée disponible à la vente dans les cafés et commerces, en 1915.
Accusée de rendre fou, violent et léthargique, l’absinthe est attaquée sur deux fronts: d’un côté par les ligues de vertu, catholiques, et de l’autre par les producteurs… de vin.
Pour les ligues de vertu, l’alcool représente la mère de tous les vices, et depuis la seconde moitié du XIXe siècle, les associations catholiques (mais aussi protestantes) luttent dans tous les pays occidentaux pour l’interdiction de l’alcool. Si l’Europe a été relativement épargnée par leurs attaques, c’est parce que les intérêts économiques et politiques sont énormes, et les terroirs sont souvent dépendants de la production de spiritueux devenus les fleurons de leurs régions: la Suze, la Byrrh, les cognacs, le champagne, le vin, diverses liqueurs… La France lève le coude, et n’est pas vraiment disposée à arrêter.
Pour les producteurs de vins, l’absinthe est un ennemi mortel. Alcool récréatif (j’y reviendrais), il est extrêmement populaire dans les cafés et troquets, en plus d’être bon marché. A l’inverse, les viticulteurs connaissent depuis les années 1860 une crise majeure, liée à une épidémie de phylloxera, qui tue les vignes. Les productions, en plus d’être mauvaises, sont de mauvaise qualité et les coûts de production ne permettent pas un prix bon marché qui relancerait les ventes. C’est l’absinthe qui bénéficie le plus de la crise viticole: son procédé de fabrication est relativement simple et économique, et de grandes productions sont possibles en relativement peu de temps.
Les intérêts des ligues de vertu catholiques et des viticulteurs convergent donc, et la guerre peut commencer. Il faut cependant des armes, et celles-ci manquent cruellement, d’autant plus que l’absinthe est extrêmement populaire en France (on ira jusqu’à prétendre que la France à elle seule en consomme plus que le reste du monde réuni), et largement célébrée par le monde littéraire et artistique.
La patience est une vertu, et les ligues n’en manquent pas. A l’époque comme aujourd’hui, on monte en épingle des incidents qui deviennent des scandales nationaux grâce au prisme déformant des journaux (qui n’étaient pas plus libres qu’aujourd’hui, détenus par des politiques et industriels…). Ainsi, quand un homme violent bat sa femme à mort, on prétend que c’est l’absinthe qui l’a rendu fou, comme « possédé », et l’a poussé à de telles extrémités. Quand un groupe tombe gravement malade en raison d’une intoxication liée à un alcool distillé illégalement (et improprement), on accuse l’absinthe de rendre malade. Et peu à peu, ces scandales pénaux et sanitaires fonctionnent, en mobilisant une certaine partie de la population et par opportunisme électoral, un certain nombre de députés.
En 1915, en plein conflit mondial, les ligues de vertu et les viticulteurs en profitent pour avancer leurs pions, pendant que la majorité des hommes en âge de combattre (et de défendre l’absinthe) est au front. On la présente comme un fléau, et un réflexe patriotique ira jusqu’à prétendre qu’il faut défendre l’économie française et ses viticulteurs du terroir, plutôt que cette absinthe dont l’origine est douteuse. Elle sera finalement interdite, sans grande protestation, parce que mine de rien, l’attention est focalisée sur quelque chose de beaucoup plus grave: la Grande Guerre.
La conjonction des intérêts des ligues de vertu catholiques (alors en pleine crise, suite à la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat), des viticulteurs (eux aussi en pleine crise parce que leur marché est trop compétitif et occupé par l’absinthe), et des politiques (qui ont besoin de renforcer leurs arrières en assurant à leurs circonscriptions des revenus économiques substantiels alors qu’on est dans une économie de guerre) a tout d’un complot contre l’absinthe, accusée par ces gens d’être à l’origine de tous les maux de la société, alors que 95% des français de plus de 14 ans en consomment régulièrement sans que cela ne donne lieu à plus de problèmes.
Pour bien comprendre ce que pouvait être l’absinthe dans la société à l’époque, il suffit de s’imaginer que des ligues de vertu et des producteurs de chicorée décident aujourd’hui de déclarer la guerre et d’interdire le café. Après tout, le café n’est-il pas un excitant? Une frange non négligeable de la population française ne s’estime-t-elle pas dépendante à son « petit noir »? Les terroristes ne boivent-ils pas du café? Cela peut sembler risible lu comme cela sur Sombre Plume, mais démultiplié par des médias nationaux, et répété à chaque fois qu’un drame survient en France (« un buveur de café encore mis en cause dans une affaire de violences », « le meurtrier du petit Untel se révèle être un buveur de café » etc…), cela mobilise (et manipule) une opinion publique…
N’est-ce d’ailleurs pas ce qui se passe aujourd’hui même en France, avec l’état d’urgence? Sous prétexte d’une bande d’enragés hurlant « Allah Akhbar » en commettant leurs attaques meurtrières, des militants écologistes, des syndicalistes, des journalistes, parfaitement inoffensifs en terme de violence physique, sont assignés à résidence et surveillés… Des centaines de personnes, rassemblées pacifiquement et réclamant un monde meilleur sont chargées, matraquées et arrêtées (et fichées), sous prétexte que quelques individus (cagoulés… et qui pourraient donc être n’importe qui, y compris des policiers, comme l’exemple israélien l’a démontré il y a quelques semaines) ont jeté des bouteilles vides sur les CRS…
Méfiez-vous des discours unanimes dans les médias, méfiez-vous des politiques opportunistes.
La vérité est dans l’Histoire et dans les livres.
Ils sévissent depuis un certain temps, mais l’actualité se focalisant sur les vilains musulmans-qui-sont-des-terroristes-mais-pas-d’amalgames, ils passent à peu près inaperçus. Enfin, pas tant que ça, puisque j’ai fini par tomber sur un certain nombre de vidéos youtube où ils se mettent en scène.
Je parle des pseudo-nouveaux-chrétiens que sont Shora Kuetu, Morgan Priest, Claude Ignerski… et malheureusement, bien d’autres. On les reconnaît facilement: ils déclarent ne relever d’aucune Eglise, d’aucun clergé, d’aucun courant, et se déclarent « simplement chrétiens », suivant les enseignements de la Bible, et ont généralement écrit des livres et/ou publié des vidéos sur youtube. Certains joignent le geste à la parole puisqu’ils n’hésitent pas à aller « baptiser » des « convertis ».
Les formes que prend ce néo-évangélisme sont directement inspirées des méthodes évangélistes américaines, qu’elles soient mormones, protestantes, catholiques, ou autres. Elles ont également énormément influencé les radicaux islamistes en inspirant les mouvements jihadistes.
Ces gens, donc, rejettent les clergés, qu’ils considèrent comme manipulés par Satan, ou la franc-maçonnerie, ou ce qu’on veut. L’important, c’est d’avoir une base pour décrédibiliser leur parole et amener le fidèle à écouter. Ils ne s’en réfèrent donc qu’à la Bible, selon leurs propres mots.
Oui, mais à quelle Bible?
Probablement celle que l’on trouve dans toutes les librairies, l’édition interconfessionnelle qui efface les différences entre les traductions des bibles catholiques (basées à l’origine sur le Latin, puis sur l’Hébreu depuis quelques décennies) et celles des bibles protestantes (basées sur l’hébreu), sans oublier celles des bibles orthodoxes (basées sur le grec ancien). Or, cette Bible, dans sa forme actuelle, a été homogénéisée à l’initiative… du Vatican. L’Eglise Catholique, donc.
Avant les années 1970, on trouve des bibles avec des traductions différentes, mais intégrant également des textes différents. Ainsi, la Bible des protestants n’inclut pas les textes dits deutérocanoniques, c’est à dire issus du deuxième canon.
Pour comprendre cette différence, il faut remonter un peu dans le temps, aux origines mêmes de la Bible. Pendant les premiers siècles, les églises greco-orientales et les églises romaines sont en compétition, du fait de la scission de l’Empire romain entre l’occident, centré sur Rome, et l’orient, centré sur Constantinople. Le Pape de Rome et le patriarche de Constantinople essaient de prendre l’ascendant l’un sur l’autre pour obtenir l’imperium sur les fidèles, c’est à dire, diriger l’ensemble des églises du monde chrétien. Cette rivalité est essentiellement théologique, c’est à dire interprétative des écritures, ce qui ne va pas sans conséquences: quelques évêques s’insurgent de l’interprétation des textes qui est faite par le Patriarche et le Pape, et présentent leurs propres interprétations. C’est le début des grandes hérésies.
Or, les hérésiarques et les églises luttent les uns contre les autres en invoquant des textes radicalement différents. Certains textes sont d’inspiration gnostique, d’héritage platonicien et égyptien (la Grèce et l’Egypte étaient culturellement très proches jusqu’à l’arrivée des romains aux alentours de -50av. JC), c’est à dire fonctionnant plutôt comme les cultes à mystères dont le plus célèbre est celui d’Eleusis. D’autres textes sont écrits par des juifs rejetant l’universalité du christianisme, selon la tradition des apôtres originels rangés derrière Pierre, qui deviendra Saint Pierre. Pour ceux-ci, avant d’être chrétien, il est nécessaire d’être juif, et donc, notamment, de passer par… la circoncision, ce qui ne manque pas de rebuter la majeure partie de la population masculine à une époque où les conditions d’hygiène n’existent pas plus que la télévision. Enfin, d’autres textes sont écrits par des chrétiens à l’origine païens, qui rejettent la circoncision et mangent la viande des animaux sacrifiés aux idoles païennes, et qui suivent plutôt l’enseignement de Saint Paul.
Dans tout ce joyeux bordel, on comprend très vite que le nombre d’incohérences et même de contradictions est si élevé que n’importe qui peut dire n’importe quoi à propos de tout, et se prétendre chrétien. Les évêques de tous les courants organisent donc l’uniformisation de la Foi en déterminant quels textes sont « authentiques » (canoniques) et lesquels ne le sont pas (apocryphes). Pour les églises relevant de l’autorité du Pape romain, le canon est fixé aux conciles de Carthage en 393 de notre ère, et d’Hippone, en 397. Ce canon sera finalement accepté par les églises greco-orientales au concile In Trullo de 692, même si quelques courants intègrent plus de texte dans le canon qu’ils reconnaissent (l’Eglise d’Ethiopie intègre à sa Bible le livre d’Hénoch, par exemple). Lorsque la réforme protestante surgit et s’oppose à Rome, elle le fait en contestant la canonicité de certains textes, dits deutérocanoniques, c’est à dire « reconnus canoniques au deuxième [concile] ». Ces textes avaient déjà été contestés par les églises grecques, au cours de trois siècles de discussions. Pour s’opposer à la Réforme, Rome décide de confirmer son canon « pour toujours » par le biais du Concile de Trente, en 1546.
Les Bibles lues aujourd’hui par les pseudo-évangélistes ne sont donc pas des Bibles « universelles », mais des Bibles issues d’un double consensus, le premier datant du 16e siècle, le second du 20e siècle.
Cela signifie qu’un nombre important de textes des origines de la chrétienté est totalement ignorée. Ce n’est pas pour rien que les manuscrits de la Mer Morte ont fait un tel foin quand on les a découverts à la fin des années 1940: on a redécouvert des livres bibliques que l’on pensait perdus. L’ensemble du corpus biblique recouvre l’ancien testament, les évangiles et les épîtres formant le nouveau testament, l’Apocalypse de Jean, mais également les livres dits apocryphes, les écrits gnostiques, ainsi que les écrits intertestamentaires, rédigés entre les textes de l’ancien testament et ceux du nouveau.
Sur le catalogue de la collection La Pléiade, ancien et nouveau testament font environ 5000 pages. Si l’on y ajoute celles des ouvrages exclus par le canon de l’Eglise catholique et des autres, il faudra connaître 8000 pages de plus.
Je repose donc ma question: sur quelle Bible ces mecs se basent-ils pour débiter leurs conneries à destination des gens qui vont les écouter? Si c’est la Bible du supermarché, dans ce cas ils n’ont pas le droit de prétendre ne relever d’aucune Eglise: ils font partie de l’œcuménisme voulu par le Vatican dans les années 1970.
Pour être franc, je ne suis même pas sûr que la plupart de ces mecs ont vraiment une Bible chez eux. On les voit faire de jolies captures d’écrans de sites internet dont la traduction n’est même pas précisée. Or, celle-ci revêt une importance capitale. Pendant plus d’un millier d’années, la Bible latine affirmait que Moïse, en redescendant de la montagne avec les tables de la Loi, avait le front orné de cornes, fait magnifiquement gravé dans le marbre par Michel-Ange. Aujourd’hui, on traduit plutôt ce passage par « il avait la figure rayonnante », ce qui ôte le caractère démoniaque (les cornes) de l’une des figures majeures de la Bible…
Je ne peux même pas dire que ces gens sont, au fond, des croyants qui essaient de trouver leurs réponses. Non. Il suffit d’arpenter leurs sites officiels pour constater la présence de ces petits encarts Paypal « faire un don ». Ce ne sont rien d’autre que des putes à clic, des sangsues qui vivent directement ou indirectement (ou essaient, en tout cas) sur le dos de gens sincères qui les écoutent, et qui racontent absolument n’importe quoi.
Selon Claude Ignerski, le « ravissement » (enlèvement par Dieu des vrais croyants avant le déclenchement de la fin des temps) aura lieu à la mi-septembre 2015. Gageons qu’il se sera cramé et qu’on n’entendra plus trop parler de lui en octobre de cette année.
Morgan Priest se présente comme un ancien sataniste/gothique… qui a trouvé la foi du jour au lendemain en 2012. Il aurait aussi été ancien franc-maçon. Il a rédigé sa propre page sur l’Internet Movie DataBase en se présentant comme un artiste incontournable « parti de rien et qui s’est fait tout seul », parce qu’il a réalisé quelques courts métrages. Karatéka. Bodybuilder. Avec surtout un énorme problème d’égocentrisme qui le pousse à se faire remarquer par tous les moyens, que ce soit par son look (crâne rasé façon prêtre égyptien antique, tenue noire + cuir + résilles + breloques argentées + eyeliner) ou par ses vidéos où il se met en scène, ici avec un nouveau converti « sauvé » d’une autre religion, là pour bafouiller des conneries sur la Foi et les textes sacrés.
La liste pourrait continuer longtemps.
Si ces mecs n’hésitaient pas à parler des textes apocryphes pour expliquer leur Foi, rejeter les Eglises et leur pseudo-manipulation des fidèles, et ne se contentaient pas de glisser ici ou là une petite citation biblique trouvée grâce à deux mots-clés sur un moteur de recherche, leur démarche pourrait paraître sincère et finalement, pas si dangereuse. Ce n’est clairement pas le cas: ils manipulent des fidèles (et des moins fidèles) pour satisfaire leurs égos et finalement bâtir leur propre communauté. En langage théologique et juridique, on appelle ça une secte, et ces mecs, on les appelle des gourous.
Méfiez-vous de la manipulation mentale, méfiez-vous des personnes qui se prétendent sincères et indépendantes de tout. Ce ne sont que des loups déguisés en agneaux.
(tant qu’on y est, après tout…
Matthieu 7:15 – Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.)
Je ne sais pas pourquoi, ces derniers temps, je n’arrête pas de lire des articles sur les droits d’auteur, le fric que génère l’écriture et tout ce bazar. Sérieusement, avant de penser argent, écrivez déjà quelque chose de potable. Ca ne se fait pas du jour au lendemain, et vous avez énormément de boulot, pour ne serait-ce qu’apprendre à donner envie de lire votre histoire à un lecteur qui n’en connaît rien et qui ne vous connaît pas. Continuer la lecture de Ecrire au 21e siècle (3)→
Décrire de Noires Arabesques où se révèlent les mystères…