Le 9 septembre 1922 commençait la tragédie de Smyrne.
Ville sous administration grecque depuis le démantèlement de l’Empire
Ottoman, du 15 mai 1919 jusqu’au 8 septembre 1922 à 22h, elle passe à
cette heure-là (décidée administrativement, ce qui permettra de lancer
des opérations d’évacuation) sous la domination des « nationalistes »
turcs, ceux-là même qui sont responsables du génocide arménien.
Pendant 4 jours, ils vont se livrer sur les civils à des massacres,
pillages, viols, tortures, sans aucune retenue et selon les témoignages,
avec une intolérable cruauté, avant d’incendier la ville pour la
réduire en cendres, le 13 septembre. Les deux-tiers de Smyrne seront
ainsi détruits (les quartiers turcs seront laissés intacts, tandis que
les quartiers juifs ne seront que très peu touchés, contrairement aux
quartiers grecs et arméniens qui seront réduits à néant), les troupes
turques bloquant les sorties de la ville pour empêcher les survivants
d’échapper aux flammes. La ville comptait près de 400 000 habitants,
dont 165 000 turcs, et comptait 150 000 grecs, 25 000 juifs, 20 000
européens dont 3 000 français, et 25 000 arméniens auxquels s’ajoutaient
des milliers de réfugiés rescapés du génocide et tous les européens
ayant trouvé refuge dans la ville pendant les 3 ans de guerre
greco-turque. La moitié (estimés à plus de 100 000, le New York Times du
17 septembre 1922 parlera de 200 000 morts) vont périr dans des
circonstances atroces. Toutes les victimes seront non-turques.
Les troupes britanniques et surtout les troupes françaises, venues
tenter d’évacuer les populations civiles, décriront des scènes
d’apocalypse et seront témoin d’exactions (comme le martyr de Saint
Chrysostome de Smyrne) contre lesquelles les soldats ne peuvent rien,
ayant reçu l’ordre formel de ne pas intervenir pour préserver la
neutralité de leur pays. Les navires de secours ne parvenaient souvent
pas à entrer dans le port, tant il y avait de cadavres flottant dans
l’eau: leur masse gonflée et pourrissante était telle qu’elle suffisait à
les repousser par leur seul nombre.
Un certain nombre de récits
ont été publiés à l’époque pour relater les faits, de façon extrêmement
édulcorée mais déjà suffisamment éloquente. On peut en trouver un
certain nombre ici: https://archive.org/stream/martyrdomofsmyrn00oecoiala…
Les turcs nationalistes (un qualificatif trompeur: leur nationalisme
n’était pas un « panarabisme », mais un islamisme pur et dur) surnommaient
la ville « Smyrne l’Impure » ou encore « Smyrne l’Infidèle », parce qu’elle
était historiquement un havre de relative tolérance où populations
chrétiennes, juives et musulmanes vivaient en relative cordialité, sans
toutefois se mélanger. L’arrivée des turcs va changer radicalement tout
ça: ils renommeront la ville Izmir, et déporteront 30 000 rescapés vers
l’intérieur du pays, au cours d’une « marche de la mort » où presque tous
périront, soit exécutés, soit d’épuisement (ils n’avaient ni eau ni
nourriture, devant se contenter de ce qu’ils trouvaient parfois en
chemin).
La marine grecque, revenant dans la ville le 24
septembre, évacuera 180 000 personnes, la plupart arrivées après le
massacre pour fuir le pays. En 1923, la Grèce et la Turquie procèderont à
des échanges de populations. Après le massacre, que les turcs appellent
« la Glorieuse Reconquête d’Izmir », un recensement en 1927 établit la
population d’Izmir à 185 000, composée à 88% de turcs (dits « musulmans »
dans le recensement), le reste étant ultra-majoritairement juifs. Comme
le notera plus tard l’historien Giles Milton (dans « Le Paradis Perdu –
1922, la destruction de Smyrne la Tolérante »), 3000 années de présence
grecque en Anatolie venaient de trouver une fin brutale, Smyrne devenant
le symbole sanglant de la destruction de tout un monde qui n’existera
plus jamais.
C’est la rentrée des classes, mais c’est aussi le triste anniversaire de l’entrée de la France dans la seconde guerre mondiale. Le 3 septembre 1939, l’Angleterre et la France entrent de facto en guerre contre l’Allemagne nazie, à l’expiration de leur ultimatum. Le 1er septembre, les troupes de la Wehrmacht attaquaient la Pologne sans déclaration de guerre, provoquant la mobilisation générale en France et au Royaume-Uni. Le front de l’ouest, pourtant, n’est pas ouvert. Français, belges et anglais se raccrochent à l’espoir d’une résolution diplomatique par le biais d’une conférence que Mussolini souhaitait organiser sur le problème de la Pologne. Le conflit remonte en fait à la résolution de la Première Guerre Mondiale, à la fin de laquelle l’Allemagne perd énormément de territoires: ses colonies, bien sûr, mais surtout l’Alsace, à l’ouest, et les régions dites du « couloir de Dantzig », à l’est. Hitler entend les récupérer, fidèle aux idées pangermanistes de l’époque. Il lance donc les troupes allemandes à l’assaut des territoires anciennement allemands, comme il avait fait contre la République Tchèque en 1938. Les français et les anglais avaient alors abandonné la République Tchèque et donné un blanc-seing à Hitler pour annexer les Sudètes (majoritairement peuplée de germanophones), espérant calmer ses appétits expansionnistes (il avait promis qu’il n’irait pas plus loin). Sauf Qu’Hitler voulait aussi la Pologne, et le Lebensraum pour l’Allemagne, étendu vers l’est (et dépeuplé de ses populations slaves, par la force si besoin). Le 3 septembre 1939, donc, la France et l’Angleterre se retrouvent dans la guerre. Mais n’ont pas les moyens de la mener. La France était depuis la fin de la Première Guerre le berceau du Pacifisme politique. Nombre de ses « intellectuels » prônaient un désarmement complet. Résultat, quand vient la guerre (parce qu’elle est venue, que les pacifistes le voulaient ou non), ni la France ni l’Angleterre ne l’ont préparée. L’industrie de l’armement est relancée en catastrophe pour remettre à niveau les équipements. En France, ce sera le développement du char B1Bis (presque invincible pour les chars allemands, comme ils en feront l’amère expérience) et du chasseur Dewoitine D.520, notamment. Seulement, c’est déjà beaucoup trop tard. Les mois de flottement, aux cours desquels des affrontements extrêmement limités se produiront sur notre sol et le sol belge, ne seront pas suffisants pour compenser le manque de préparation et d’entrainement des troupes françaises et belges, qui subiront de très lourdes pertes malgré une résistance acharnée. Ce défaut déjà mortel se trouvait aggravé par un État-major incompétent, dirigé par le Général Gamelin, qui n’a jamais pris les initiatives qui auraient pourtant pu changer le cours de la guerre. En septembre 1939, la guerre contre l’Allemagne était gagnable, en prenant d’assaut un pays vidé de ses soldats (presque tous lancés à l’assaut de la Pologne) et en le privant de son cœur industriel (majoritairement situé à l’ouest de l’Allemagne). En mai 1940, l’occasion était passée, et la guerre était perdue d’avance.
Écouter l’émission « Existe-t-il une science du pire? » de France Culture du 26 octobre dernier pour me réveiller n’était à priori pas la meilleure des choses à faire pour partir sur de bonnes bases.
Le concept de « science du pire » s’applique à décrire ces situations catastrophiques « découvertes » (voire provoquées) par la Science, comme le célébrissime concept de « changement climatique ».
Le sujet de l’émission est à priori séduisant, puisqu’il s’agit de présenter une discipline naissante, la « collapsologie » (ou « science de l’effondrement », du terme anglais « collapse »), et d’en expliquer les principes. Le concept même de fin du monde est à la mode depuis environ 2500 ans et la naissance des messianismes religieux (là, je vous renvoie à mon Saoshyant), mais il s’est particulièrement développé ces cinquante dernières années: craintes d’une guerre nucléaire, apocalypse zombie, virus mortel global, robots tueurs, effondrement des sociétés civilisées, invasion extra-terrestre, astéroïde tueur… La littérature et le cinéma ne manquent pas d’exemples et nous en abreuve en permanence. Il semble donc assez étonnant finalement qu’une discipline scientifique ne se soit pas attachée à étudier ce domaine avant.
Quoique.
Rappelons que la Science repose sur deux choses: l’observation, et l’expérimentation. Si on peut observer l’effondrement de sociétés passées ou existantes, et éventuellement formuler des hypothèses pour les expliquer, il manquera toujours le second aspect fondamental de la Science moderne. L’expérimentation, pour des raisons assez évidentes, ne peut pas être réalisée sur une société pour voir comment elle s’effondre. L’expérimentation supposant la réplication, c’est à dire la répétition d’un résultat dans les mêmes conditions, autant dire qu’il est impossible de considérer la « collapsologie » comme une science, à moins d’accepter que l’on puisse mener des expériences sur des groupes d’individus pour observer comment ils survivent et meurent dans des conditions déterminées par avance. Au cours de l’ère moderne, il n’y a que trois « civilisations » qui ont permis un tel niveau d’inhumanité: l’Allemagne national-socialiste, la Russie soviétique, et le Japon impérial (du moins, sa sinistre Unité 731).
La collapsologie présente donc un sérieux défaut épistémologique dans le fondement même de son approche, et ne saurait en aucun cas être considérée comme une science au même titre que la Physique, la Chimie, la Médecine ou la Biologie. Ça ne signifie pas qu’elle ne peut pas être pertinente dans sa démarche ou son propos, simplement il faut garder à l’esprit que n’étant pas une Science, toute décision politique, économique ou humaine prise par rapport à cette discipline ne semble pas avoir beaucoup plus de pertinence qu’une décision prise en fonction d’un jet de fléchette ou d’un jet de dé.
Mais, encore une fois, l’idée n’est pas elle-même scandaleuse, puisqu’elle s’apparente à l’Histoire (qui essaie d’observer le passé pour en déterminer les dynamiques, mais sans pouvoir faire de prédiction), et éventuellement la Sociologie, dont elle partage les travers. La collapsologie n’est finalement que le pendant lugubre de la futurologie, qui est une discipline cherchant à prédire le futur à partir de l’étude de dynamiques technologiques, sociales, économiques et politiques actuelles.
Le premier quart d’heure sert d’introduction à cette discipline (qui n’a rien de nouveau, même si le terme semble l’être) et présente un entretien avec Pablo Servigne, co-auteur avec Raphaël Stevens d’un ouvrage de 2015 sur ce sujet, et qui a initié le mouvement. L’émission de Nicolas Martin sur France Culture relève assez vite que la collapsologie s’apparente à une pseudo-science, avec tous les dangers que cela peut comporter: Pablo Servigne précise en effet que la collapsologie se fonde sur l’observation ainsi que l’intuition. Une belle manière de dire que la discipline tient totalement compte des biais de ses membres et s’en sert pour ses prédictions. C’est là que la collapsologie se distingue de toute discipline à prétention scientifique comme peut en avoir par exemple la sociologie: là où l’approche scientifique essaie au maximum d’éliminer les biais cognitifs (à priori, préjugés, mauvaises interprétations…) pour obtenir des résultats non seulement les plus précis possibles, mais surtout les plus fidèles possibles à la réalité, la collapsologie s’en sert.
Pourquoi cela pose-t-il un problème? Tout simplement parce qu’à partir du moment où on adopte une approche biaisée, le résultat ne peut qu’être biaisé, inexact et éloigné de la réalité. C’est le principe de l’approche idéologique. Pour être plus clair, mettez-vous dans la peau de quelqu’un qui imagine que le nombre 18 est un nombre extrêmement important, sans pour autant être capable d’expliquer pourquoi. Vous en avez l’intuition. Le fait que vous attachiez une importance à ce nombre plutôt qu’à un autre va faire qu’à chaque fois que vous allez y être confronté, vous allez le remarquer de façon beaucoup plus claire que tout autre nombre, quand bien même vous le verriez beaucoup moins qu’un autre (au hasard, le nombre 23). C’est ce qu’on appelle un biais de perception sélective, ou « cherry picking » en anglais, qui consiste à ne prendre que les éléments qui nous confortent nos préjugés (de façon consciente ou non) et nous permettent d’obtenir des résultats conformes à nos attentes. C’est par exemple la démarche adoptée par Françoise Lhéritier et Priscille Touraille en sociologie pour expliquer des différences physiologiques entre hommes et femmes (même si en ce qui concerne ces deux-là, on est carrément dans la falsification scientifique…).
Je ne me prononcerais pas plus avant sur cette émission (ce que j’ai écrit jusqu’ici est de toute façon suffisamment éloquent), n’ayant pas pu aller plus loin que la vingtième minute, faute de patience face aux élucubrations qu’on y entend. Inviter Vincent Mignerot, un essayiste qui se présente comme « chercheur en sciences sociales » sans en avoir ni l’activité ni le diplôme, aurait pu éventuellement être intéressant si celui-ci n’était pas animé par des motivations politiques: il est président de l’association Adrastia, qui cherche à engranger de l’argent sur le thème de la fin du monde. L’entendre préciser en réponse à la mention du Réchauffement Climatique que le GIEC (Groupe International d’Études sur le Climat) se base sur des méta-études aurait pu être pertinent (une méta-étude est une analyse portant sur des ensembles de travaux portant sur un même sujet, pour en faire surgir une analyse statistique sensée faire émerger des tendance générales, tout en s’affranchissant en théorie des biais cognitifs propres individuellement à chacune des études). Le GIEC ayant une influence majeure sur la politique nationale et mondiale, rappeler une partie de ses méthodes pour en faire la critique est un argument fort pour préciser que les travaux du GIEC ne sont pas exempts de défauts et que les suivre aveuglément n’est pas forcément une bonne idée, d’autant plus que ses prévisions sont catastrophistes et aboutissent à réclamer toujours plus de financements. Malheureusement, Vincent Mignerot n’a vraisemblablement aucune honte à prêcher pour sa paroisse en affirmant de façon vindicative que le GIEC est très en dessous de la réalité parce qu’il ne prend pas en compte les derniers travaux scientifiques. Entendre un pseudo-chercheur en sciences sociales s’en prendre à des études scientifiques certes critiquables sur certains points mais autrement plus solides que la camelote qu’il essaie de nous vendre, c’était beaucoup trop pour que je puisse encore perdre mon temps à l’écouter.
Alors pourquoi rédiger un article à ce propos, finalement? Hé bien parce que j’avais envie de parler de ces gens qui, comme Vincent Mignerot, produisent des pseudo-savoirs et cherchent à profiter du système français pour récolter des financements publics, sans jamais avoir à justifier de la pertinence et de la validité de leurs travaux. Autrement dit, ces gens sont des parasites qui vivent confortablement avec l’argent du contribuable, et bénéficient d’une rente à vie qui les exempte de travailler réellement. Ces rentiers sont extrêmement nombreux en France, et expliquent en partie le gaspillage d’argent public et le déficit de l’État, même si ils ne sont pas le seul problème qui gangrène la société française, loin s’en faut.
L’organisation de l’État français fait de celui-ci le point central de l’économie du pays. En impliquant l’État dans tous les processus de décision, comme par exemple l’organisation de la solidarité nationale redistribuant les richesses à destination des plus pauvres par le biais de l’impôt, la France a adopté un système économique dit « socialiste ». Le socialisme n’est pas synonyme d’humanisme comme on tend à le croire, mais de centralisation étatique: l’État, et plus exactement le Gouvernement, se voit investi du pouvoir de réguler et d’organiser tous les aspects de la vie nationale. C’est parce que cette centralisation du pouvoir et du processus de décision prétend se fonder sur la solidarité que l’on en a cette vision déformée aujourd’hui, du moins en France.
Cette centralisation a pour effet d’inciter les groupes sociaux-économiques à rechercher les faveurs de ceux qui sont au pouvoir, pour obtenir des avantages politiques, législatifs ou financiers, sans avoir à se soumettre au processus naturel de sélection par la concurrence. En d’autres termes, la centralisation incite à la corruption et à la collusion, pour permettre à des groupes qui ne justifient pas de la pertinence de leur existence par un apport concret à la société de simplement continuer à exister. Généralement, cette survie est assurée par la captation d’une partie de l’argent du contribuable par le biais de subventions étatiques, en échange de faveurs quelconques assurant le maintien au pouvoir d’une partie de la classe politique (mais pas forcément à des postes renouvelés par le biais d’élections périodiques).
L’exemple le plus parfait pour illustrer ce mécanisme est le GIEC, dont j’ai parlé un peu plus tôt. Cet organisme international est composé de représentants d’États nommés à leur poste par des gouvernements (il s’agit donc de postes politiques, et non de postes scientifiques), afin de produire des rapports à destination des autorités pour « guider l’action publique ». Nous avons donc des États qui depuis les années 1970 subissent une dépendance énergétique aux énergies carbonées, au premier rang desquelles le pétrole, qui s’est doublée au fil des ans d’une dépendance politique et financière au profit des États producteurs de pétrole, qui cherchent à justifier leurs politiques publiques d’investissements et de « transition énergétique » vers des énergies décarbonées, et s’appuient sur les travaux d’un organisme dont les membres sont tous nommés par leurs propres gouvernements pour justifier les politiques et stratégies nécessaires pour réduire la dépendance énergétique et financière envers les puissances pétrolières. Autant dire que le GIEC n’a aucun intérêt à produire un rapport réduisant l’impact des émissions de CO2 sur le climat, et a tout intérêt au contraire à produire des rapports catastrophistes… et à obtenir en échange de généreux financements assurant sa pérennité.
Ce principe s’applique à peu près à toutes les organisations associatives en France, depuis la petite association sportive communale qui a intérêt à bénéficier du prêt d’un bâtiment de la municipalité, jusqu’à des organisations internationales, gouvernementales ou non, y compris celles qui se défendent de toucher des subventions publiques (Greenpeace, par exemple, prétend ne pas être financée par un État, mais reçoit en réalité l’autorisation politique de mener ses actions avec la bienveillance policière et judiciaire, même quand il s’agit de bloquer des trains de combustible nucléaire ou d’envahir des centrales en ayant l’assurance de ne pas se faire tirer dessus…). Les entreprises y sont également très fortement incitées, comme on le voit depuis des années avec le MEDEF qui est systématiquement à l’œuvre en coulisse lors des réformes gouvernementales portant sur les entreprises, même si cela ne va pas du tout dans l’intérêt des PME qui représentent l’immense majorité des entreprises françaises.
Ce que les journalistes et politiques nomment « ultralibéralisme » n’est en réalité que le produit même de l’organisation socialiste de la société française. Il n’y a aucune libéralisation quand c’est l’État qui in fine prend toutes les décisions, même si celles-ci semblent donner du pouvoir à certains de ses affidés: ils font tous partie de la même entreprise de captation des richesses du peuple français par le biais de l’impôt. La seule différence avec les mafias est que ceux qui bénéficient de ce système se réfugient derrière l’apparente légitimité de leurs actes fournie par la Loi. Il n’y a plus aucun moyen normal de lutter contre ces gens, qui se fournissent les uns aux autres les justifications de leur activité et de leur rémunération: c’est un cercle vicieux qu’il devient de plus en plus impossible de briser.
La collapsologie n’est qu’un avatar de plus de ce problème majeur qui ronge la société française de l’intérieur. Il n’est guère étonnant qu’à aucun moment cette pseudo-discipline ne s’intéresse aux conséquences mêmes de son existence (le fait de faire une prédiction suffit souvent à la déjouer), ni encore moins aux véritables raisons qui poussent des sociétés civiles à l’effondrement et au basculement vers une autre organisation. Il ne faut rien attendre d’une discipline qui fait partie du problème, et qui passe son temps à crier au loup pour des raisons qui ne sont pas justifiées. Le jour où il se passera vraiment quelque chose, personne parmi ces oiseaux de mauvais augure ne le verra venir. C’est ce qui s’est passé avec la crise financière de 2008.
Les deux mois qui viennent de s’écouler ont été l’occasion de grands chambardements dans nos vies, qui nous ont tenus éloignés malgré nous de Sombre Plume et de nos projets de publication.
Elora a une vie professionnelle et personnelle qui lui laisse très peu de temps à consacrer à sombre Plume, aussi dois-je prendre sur mes épaules la majorité de l’activité du site.
Seulement voilà, depuis septembre, je n’ai tout simplement pas arrêté: je me suis expatrié en Italie, pour les trois ans à venir, puisque je suis désormais officiellement doctorant. Il m’a fallu préparer les entretiens, la paperasse administrative française, la paperasse administrative italienne, la paperasse administrative universitaire, bref, beaucoup de tracas qui m’ont tenu éloigné beaucoup plus que je ne l’aurais voulu.
Mais ça y est, je suis en Italie, et je peux enfin commencer à souffler un petit peu pour animer Sombre Plume. Je partagerais probablement avec vous quelques notes de lecture que j’écris sur Babelio, ainsi que quelques petites choses à voir à Turin, la ville où je vis désormais, histoire de ne pas laisser Sombre Plume dans les limbes comme ces trois derniers mois.
Vous l’avez peut être vu, nous avons publié Saoshyant en août dernier, sans grande fanfare. C’est un projet qui m’est très personnel et assez particulier, qui marque mon premier pas dans un projet au long cours né dans la foulée de mon Liber Satanis. Il s’agissait à l’origine de décrire comment la religion Chrétienne et son Eglise étaient nées, à travers un cycle baptisé Ecclesia. Il y a trois tomes à ce jour, tous rédigés en 2009-2010, et intitulés Saoshyant, Rome et Peste.
Saoshyant, donc, retrace les origines de la religion chrétienne, depuis les origines du messianisme mazdéen (dont le « Sauveur » était appelé « Saoshyant ») que le peuple hébreu a largement croisé lors de son exil à Babylone, vers l’an -500 avant notre ère, jusqu’à la fondation formelle de l’Eglise catholique romaine, vers l’an 60.
A mi-chemin entre œuvre littéraire (reprenant la forme du Liber Satanis) et interprétation historique romancée, Ecclesia l’une de mes œuvres les plus intimes et personnelles.
Lorsque j’ai commencé à travailler sur Liber Satanis, mes recherches m’ont amené à découvrir des textes religieux que je ne connaissais absolument pas, comme l’Evangile de Judas, les évangiles Gnostiques, les apocryphes chrétiens ou encore les écrits dits « inter-testamentaires », c’est à dire décrivant des faits s’intercalant entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Je n’ai jamais été très religieux, mais je dois avouer que découvrir et pénétrer l’envers du décor m’a totalement fait perdre la Foi. De cette désillusion est né le cycle Ecclesia, et donc Saoshyant, qui fournit ma vision de l’acte de naissance du christianisme en tant que religion.
Il est très intéressant pour moi, en tant qu’auteur, de revenir à ces textes que j’ai écrit il y a déjà 7-8 ans, à une période de ma vie qui était très particulière. Ma vision a en effet beaucoup évolué depuis: si je ne me revendique certainement pas croyant en une quelconque religion, je ne suis pas non plus athée, me considérant plutôt comme agnostique, c’est à dire à l’esprit « ouvert » aux mystères et au métaphysique/surnaturel.
Nietzsche, que j’ai lu à cette période, parlait de briser les Idoles. C’est exactement ce qu’a été Ecclesia pour moi: la destruction de mes idoles, de mes illusions religieuses. J’ai, depuis, découvert Carl Jung, et assume totalement ma pratique de la « magie » chaote (peu assidue, je dois le reconnaître).
Liber Satanis donnait la parole aux réprouvés des textes sacrés des monothéismes orientaux. Saoshyant est le point de départ d’un voyage matérialiste vers la spiritualité. J’espère que vous l’apprécierez.
Je devrais en principe faire paraître le second volet d’Ecclesia, intitulé Rome, d’ici la fin de l’année, vraisemblablement pour Noël. A très bientôt, donc.
« Du fait de leur religion, [les Rohingya] sont affreusement persécutés par la majorité birmane » – Jean-Luc Mélenchon, 8 septembre 2017, vlog commentant l’actualité (13:28 à 16:32)
La démagogie et la manipulation sont des armes redoutables lorsqu’elles sont employées sur des sujets concernant des pays situés à l’autre bout du monde, et sur lesquels on n’a a fortiori pas beaucoup de connaissances. Et, au vu de ce que balance Mélenchon, il n’y connait tellement rien qu’il est obligé de proférer un tissus de mensonge pour faire avancer son agenda politique.
Je ne prétend pas être un expert du Myanmar, mais j’ai été amené à lire pas mal de choses sur ce magnifique pays qui sort à peine de décennies de dictature militaire, contre laquelle de nombreux opposants luttaient, dont Aung San Suu kyi, héroïne-égérie de la Liberté adulée en Occident pour son combat pacifique contre les militaires, dans la plus pure tradition de son pays à la longue histoire bouddhiste. Elle est actuellement la dirigeante de facto du pays et a fait procéder à de nombreuses réformes démocratiques depuis la fin de son assignation à résidence et son élection au Parlement du Myanmar. Elle est aussi sous le feu de certains critiques qui l’accusent de passivité face à la répression des « Rohingya » en cours depuis octobre 2016.
Les origines de la répression
En octobre 2016, le groupe armé Harakah al-Yaqin (ou « mouvement de la Foi ») a mené une attaque contre un poste frontière entre le Bangladesh et le Myanmar, dans la province côtière de Rakhine. Cette province, aussi appelée « Arakan » (elle porte le nom de « Rakhine »depuis l’arrivée des marins portugais au 17e siècle), avait déjà connu une éruption de violence de la part de la minorité musulmane en 2012 à l’encontre de la majorité bouddhiste, obligeant le gouvernement à déployer l’armée et à mettre en place un couvre-feu (officiellement, il y aura eu 78 morts, 87 blessés et… 140 000 déplacés).
L’objectif d’Harakah al-Yaqin, officiellement formé à la suite des événements de 2012, est la création sur le territoire myanmarais d’un Etat indépendant, musulman, où serait appliqué la Sharia. Chose qui ne surprendra guère, ce mouvement est dirigé par Ata Ullah, un pakistanais né à Karachi et ayant passé toute sa vie à La Mecque, en Arabie Saoudite. Un étranger, sunnite salafiste de l’obédience wahhabite, donc… La base géographique (Gérard Challiand parlerait de « sanctuaire ») de ce mouvement se situe à la frontière entre Bangladesh et Myanmar, dans les jungles tropicales de la province de Rakhine, mais Harakah al-Yaqin est également présent à Maungdaw, la capitale de la province, où se concentrent la majorité des musulmans du pays (80% de la population de la ville est musulmane, dans un pays où ils ne représentent que 4% et 42% de la population de la province).
L’attaque du 9 octobre 2016 a laissé 9 policiers myanmarais morts, et a déclenché une vaste opération de police à Maungdaw et ses environs. Il s’agit d’une véritable opération militaire (la frontière étant peu marquée entre police et armée), au cours de laquelle seront arrêtées plusieurs dizaines de personnes suspectées de liens avec Harakah al-Yaqin, et de nombreuses maisons incendiées. Cette répression policière a entrainé une riposte de la part des civils, qui elle même a amené plus de violence, et ainsi de suite.
Pourquoi incendier des maisons au cours d’une opération de police? C’est ici que les choses commencent à sérieusement se compliquer, parce qu’il faut remonter à la décolonisation anglaise de la région. Le Myanmar accède à l’indépendance en 1948, juste après celles de l’Inde et du Pakistan en 1947. La partition des Indes anglaises en deux États s’explique par l’impossible conciliation entre hindous et musulmans, les violences intercommunautaires et la volonté des deux partis de n’avoir rien à faire l’une avec l’autre. Cette partition est l’occasion d’une grande violence, et causera la mort de près d’un million de personnes.
Le Pakistan, à l’époque, recouvre en réalité deux États: le Pakistan actuel, et le Pakistan oriental, qui deviendra en 1971 le Bangladesh, au terme d’une guerre avec le Pakistan qui aura fait 3 millions de morts et 10 millions de réfugiés.
Ces réfugiés musulmans sont allés là où ils le pouvaient, c’est à dire en Inde d’une part, et au Myanmar d’autre part. C’est ce qui va déclencher la grave crise actuelle, et ce, dès 1978.
Si dans les années 1950, juste après l’indépendance, la province de Rakhine a été agitée par un mouvement indépendantiste de la part de la minorité musulmane, ce mouvement s’est vite essoufflé et a pris définitivement fin lors du coup d’état militaire de 1962. La guerre d’indépendance du Bangladesh provoque l’exode massif de plusieurs centaines de milliers de personnes de confession musulmane (sunnite) au Myanmar, dans cette province où traditionnellement et historiquement, la présence musulmane est importante. La tentation de l’indépendance étant encore présente dans les esprits, et renforcée par la guerre au Bangladesh, les autorités myanmaraises décident d’expulser manu militari autant de réfugiés qu’elles pourront vers leur pays d’origine.
La particularité de ces réfugiés était qu’ils s’étaient établi dans la province, pour y habiter durablement. Ils étaient devenus, de facto, des migrants illégaux, et n’entendaient aucunement retourner au Bangladesh. La junte militaire traitait donc ces populations comme des clandestins, résidant illégalement au Myanmar. Le problème était que la junte avait un peu trop tendance à expulser les citoyens myanmarais de confession musulmane avec les Bangladeshi, pour essayer de se débarrasser de ceux qui n’avaient pas oubliés leurs projets d’indépendance. Toujours est-il que devant le reflux de ses ressortissants dans des conditions souvent brutales, le gouvernement du Bangladesh a porté l’affaire devant l’ONU. Des négociations eurent lieu, et finalement le Bangladesh accepta de reprendre 200 000 de ses ressortissants pour mettre fin à la crise entre les deux pays.
Cela n’arrêta néanmoins pas l’immigration illégale entre les deux pays, la frontière étant extrêmement poreuse puisque matérialisée par une jungle tropicale épaisse et impossible à contrôler parfaitement (il n’y a pas de barrière, clôture ou mur passant au milieu de la jungle et le contrôle se fait par des patrouilles de police peu efficaces). En 1982, les autorités militaires du Myanmar décident donc, pour essayer d’enrayer l’afflux de migrants, de refuser d’octroyer la citoyenneté aux nouveaux venus bangladeshi. Là encore, il faut se rendre compte que le Myanmar n’était pas (et n’est toujours pas) un pays centralisé et bien développé. Il n’y avait pas à ce moment là, formellement, de document d’identité attestant de l’origine réelle des personnes présentes sur le territoire. Un migrant bangladeshi pouvait tout à fait s’établir dans la région et demander à être reconnu comme citoyen myanmarais par les autorités. En 1982, le Myanmar essaie donc de mettre en place un contrôle de l’immigration avec un système de délivrance de papiers d’identité strict, refusant aux migrants illégaux le même traitement que les citoyens myanmarais.
C’est de là que naissent la majorité des accusations de discrimination à l’encontre des populations musulmanes du pays, abusivement appelés « Rohingya ». C’est aussi ce qui explique pourquoi la police brûle des maisons lors de ses opérations contre Harakah al-Yaqin: elles sont traitées comme des installations illégales par des migrants illégaux, et donc détruites.
Les Rohingya: un fantasme sans aucune réalité?
L’appellation « Rohingya » pour désigner les populations musulmanes du Myanmar est au mieux un abus de langage, au pire une fraude totale.
La présence musulmane dans la région est attestée depuis dès le 8e siècle, et matérialisée par la présence de marchands d’origine arabe. Ces marchands arabes établissent des comptoirs un peu partout dans l’océan indien, et s’installent parfois durablement. Les toutes premières populations musulmanes descendent de ces marchands, et ne représentent qu’une infime partie de la population de l’époque, qui est alors très majoritairement bouddhiste, hindoue et animiste. L’animisme et l’hindouisme disparaissent au fil des décennies (ils ne représentent respectivement plus que 0.1% et 0.5% de la population aujourd’hui au Myanmar), et le christianisme ne s’implante jamais vraiment dans le pays (il représente 6.2% de la population en 2015, contre 4.3% de musulmans).
La présence musulmane se renforce à partir du 15e siècle et la période du royaume Mrauk U, recouvrant l’actuelle province de Rakhine (alors appelée Arakan) et une partie du littoral bangladeshi. Ce royaume faisait partie du sultanat du Bengale, dont la religion officielle était l’Islam sunnite de l’école hanafite, c’est à dire celle des 4 grandes écoles islamiques qui est la plus libérale et la plus tolérante, mettant en avant la rationalité devant la littéralité des textes islamiques. C’est cette littéralité qui est au cœur de l’école malikite qui a cours au Maroc, et surtout de l’école hanbalite dont sont issues les doctrines wahhabite et salafiste et plus généralement tous les mouvements sectaires et jihadistes.
Le Royaume de Mrauk U prospère pendant environ un siècle, jusqu’au milieu du 16e, et subit de plein fouet l’instabilité du sultanat du Bengale, qui finit par s’effondrer en 1576 et être absorbé dans l’empire Moghol, lui aussi principalement musulman mais beaucoup plus instable et beaucoup moins centralisé que le sultanat du Bengale. Si le Mrauk U perdure officiellement jusqu’en 1784, il s’agit en fait de trois royaumes aux contours différents qui se sont succédés entre 1430 et 1784. En réalité, l’Arakan n’appartient plus au sultanat dès 1531, date à laquelle il tombe entre les mains des moghols et qui marque la fin du premier royaume Mrauk U. Après 1576 et le départ des moghols, la population musulmane de l’Arakan ne s’étend plus et cohabite avec une population bouddhiste aussi nombreuse qu’elle. L’Arakan bascule définitivement aux mains de l’empire birman en 1785, dont la religion est le bouddhisme.
Le nom Arakan semble être transformé en « Rakhine » après l’arrivée des marchands/pirates portugais au 17e siècle, du moins du point de vue occidental, puisque ce nom est repris lorsque les anglais arrivent dans la région et la colonisent à partir de 1824. C’est le nom « Rakhine » qui survivra lors de l’indépendance, peut être pour marquer la différence entre cette région à majorité bouddhiste avec l’ancienne région historiquement plutôt musulmane. Le reste, vous l’avez lu plus haut.
A l’arrivée des anglais, il y a donc plusieurs « types » de populations musulmanes:
les descendants des marchands arabes du 8e siècle et suivants, puis leur retour sous la période du sultanat
les bengalis de la période du sultanat
les moghols de la (très) courte présence dans l’Arakan de l’Empire Moghol (1531-1576)
Sous la présence anglaise (1824-1948), les mouvements de populations venues de toutes les Indes Britanniques brouillent un peu les cartes, mais il ne semble pas y avoir d’arrivée massive de populations issues d’autres « souches » que celles qui sont citées ici. J’ai lu à plusieurs reprises que les anglais auraient « importé » des populations musulmanes extérieures au Myanmar, sans que l’assertion ne soit jamais étayée, et sans que je ne puisse moi-même en trouver une quelconque trace. Il est en revanche vrai que les mouvements de populations (notamment indiennes et chinoises) étaient plus faciles dans un territoire unifié sous l’administration britannique, et il est possible qu’il y ait eu des mouvements plus ou moins « importants » en proportion: on parle d’une région qui avait à l’époque moins de 500 000 habitants (10 000 n’est pas un nombre très grand mais en proportion, il est important), et qui en abrite aujourd’hui 3.1 millions.
S’y ajoutent ensuite et peut être surtout les « pakistanais orientaux » (les bangladeshi) après l’indépendance, à partir des années 1950 jusqu’à aujourd’hui, dont seuls ceux qui sont arrivés avant la guerre d’indépendance du Bangladesh sont considérés comme myanmarais.
Mais où sont les Rohingya? Ils n’existent tout simplement pas, du moins en termes ethniques comme on le voit trop souvent dans les médias. Le terme est en réalité né sous la plume des indépendantistes musulmans de la province de Rakhine dans les années 1950. Il s’agissait de désigner sous une seule et même appellation les populations musulmanes de la région, pour créer l’illusion d’une ethnicisation et ancrer leur histoire commune dans une tradition remontant au 8e siècle. En créant une ethnie « Rohingya », les revendications indépendantistes étaient sensées avoir plus de poids. L’historien japonais Aye Chan va même jusqu’à affirmer que le mot « Rohingya » a été inventé exprès par les intellectuels musulmans indépendantistes, et qu’il n’existe pas avant cette période, dans aucune langue. Fin connaisseur de l’histoire du Myanmar, Aye Chan y est régulièrement accueilli depuis les années 1990. Son travail universitaire n’est pas remis en cause ni critiqué, même si il existe une polémique sur ses déclarations relatives au terme « Rohingya », d’autres historiens adoptant plutôt le point de vue des indépendantistes musulmans. Les documents historiques semblent lui donner raison. Lors de la constitution de l’assemblée constituante en 1947, les populations musulmanes de la région étaient désignées sous le nom « Arakese-indians » (« indiens de l’Arakan ») et non sous le nom de « Rohingya ».
Ce terme apparaît officiellement pour la première fois en 1948 dans un mémorandum rédigé par Mohammed Abdul Gaffar, membre de l’assemblée constituante, et demandant à ce que soit employé le terme Rohingya pour désigner les « Arakese-indians ». Le mot est formé à partir de « Rohang », le nom indiende la région. Pourquoi ne pas avoir voulu employer le nom musulman « Arakan » d’origine arabo-perse en vigueur depuis le 8e siècle, mystère et boules de gomme.
Une chose est cependant sûre: les populations musulmanes au Myanmar et en particulier dans la province de Rakhine ne sont en aucun cas homogènes, que ce soit d’un point de vue ethnique ou d’un point de vue religieux. Comme on l’a vu, l’histoire de la région démontre que c’était plutôt le courant hanafite, plutôt libéral et tolérant, qui a dominé jusqu’à aujourd’hui. Or, les indépendantistes se rattachent, par réaction identitaire, plutôt aux traditions littéralistes, hanbalites, et la rébellion actuellement à l’œuvre est carrément salafiste wahhabite, pour ne pas dire jihadiste, même si l’Harakah al-Yaqin n’a pas encore de base populaire assez solide pour prétendre publiquement s’attaquer à autre chose que l’État myanmarais.
L’immense majorité de la population musulmane reste néanmoins tolérante et pacifique, même si des incidents (vols et agressions, parfois viols et meurtres) impliquant des musulmans contre des bouddhistes surgissent régulièrement. Ceux qui ont la citoyenneté octroyée par le Myanmar se considèrent d’ailleurs pour la plupart comme myanmarais avant de se dire musulmans. Ce sont ceux qui n’ont pas la nationalité et sont arrivés après 1982 (instauration des lois drastiques sur l’immigration illégale) qui se présentent aujourd’hui comme musulmans et « Rohingya ».
Ce mot, finalement, désigne moins les musulmans du pays que ses immigrés clandestins…
L’éternelle fable de l’éternelle persécution des musulmans
Le storytelling en cours depuis cet été est que les méchants « birmans » (ressortissants d’un empire qui a disparu au début du 19e siècle, mais passons) persécutent les gentils musulmans innocents et commettent même un quasi-génocide. Car, honnêtement, que seraient nos médias sans histoires de génocides? Érythrée, Cisjordanie/Gaza, Syrie, Burundi, Tchétchénie, et maintenant Myanmar, plus aucune actualité ne semble être développée sans qu’il n’y ait un génocide quelque part.
Ce recours à l’exagération quasi-burlesque est facilité par le fait que les opérations policières et militaires au Myanmar emploient régulièrement une force excessive contre des civils. Ce comportement est hérité de la présence coloniale britannique, qui ne se préoccupait pas de maintenir l’ordre mais menait une politique de répression indistincte contre la violence subie par les coloniaux. En d’autres termes, il s’agissait d’expéditions punitives où des villages étaient incendiés et les populations civiles étaient battues et subissaient des exécutions extra-judiciaires.
Après le coup d’état militaire de 1962, les méthodes coloniales britanniques ont été mises en œuvre par l’armée myanmaraise à l’encontre des populations du pays, quelle que soit leur origine ou leur confession. En l’espace de quelques années, 300 000 personnes d’origine chinoise (Han), indienne (Ghurka, etc.), bengali, népalaise, ainsi que descendant d’européens restés après la décolonisation, ont fui le pays devenu dictature. Il ne s’agissait pas d’étrangers, mais bien de myanmarais descendants d’immigrés légaux.
Les musulmans n’étaient pas particulièrement visés. Avant l’indépendance du Bangladesh, ceux qui étaient visés étaient ceux qui avaient soutenu les prétentions indépendantistes de la province de Rakhine, leurs familles, ainsi que les religieux, suspectés de tenir des propos antigouvernementaux. Si je dis que les musulmans n’étaient pas particulièrement visés, c’est parce que les chrétiens et les bouddhistes l’étaient tout autant. Ils ne l’étaient pas en raison de leurs opinions religieuses, mais en tant qu’opposants politiques: sous le couvert de leurs discours religieux, il était facile, du point de vue militaire, de tenir des propos critiques contre le Gouvernement. De ce fait, les chrétiens et les musulmans subissaient une présence policière constante, et les bouddhistes étaient confinés dans leurs monastères.
De façon très intéressante, ce qui se passe aujourd’hui avec les « Rohingya » suit exactement le même fil qu’avec les « Karen », à ceci près que les premiers sont une « ethnie » musulmane quand la seconde est une « ethnie » chrétienne (le terme d’ethnie est abusif, car ces populations n’ont ni tradition religieuse homogène, ni surtout de langue commune). Les « Karen » sont originaires de la province de Kayin (dite Karen), à la frontière avec la Thaïlande.
A l’occasion du mouvement de décolonisation de la région, dès 1947, les habitants de cette province ont essayé de faire valoir leur droit à l’indépendance, qui a tout autant échoué que pour les musulmans et leur « Arakan » dans la province de Rhakine. Les « Karen » ont organisé très tôt une résistance armée, avec une insurrection en janvier 1949, réprimée dans le sang, sans jamais être éliminée.
La révolte populaire généralisée de 1988 (immortalisée dans le film hollywoodien Rangoon) a permis à ces groupes armés de revenir en force. En réaction, le Gouvernement militaire a lancé une vaste opération de répression qui a duré au moins jusqu’à la fin de la junte en 2011.
Pour faire un peu démago, mais parce que l’exemple est extrêmement parlant, le film « Rambo » (2008) dépeint la situation des populations de la région et surtout la répression féroce menée contre la rébellion par le Tatmadaw, l’armée du Myanmar (le film est d’autant plus manichéen que l’équipe de tournage a essuyé des tirs de l’armée lors du tournage de séquences de jungle à proximité de la frontière du Myanmar, et Sylvester Stallone a raconté avoir rencontré sur place des survivants d’exactions particulièrement cruelles).
Pourquoi venir prétendre que « les musulmans » du Myanmar sont persécutés en parlant d’eux comme d’un peuple inventé de toute pièce mais présenté comme « millénaire », alors que personne n’a jamais levé le plus petit doigt pour les « Karen » ni encore moins pour les Hmongs du Laos?
La réponse est assez simple: parce que certaines organisations ont aujourd’hui tout intérêt à dresser les musulmans, en Occident mais aussi ailleurs, contre les non-musulmans. On est totalement dans la stratégie héritée de l’ouvrage médiéval que l’on trouve aujourd’hui publié en France sous le nom « Le Livre des Ruses: la stratégie des arabes » chez Phébus, dans la collection Libretto. Il s’agit d’une compilation de textes éducatifs à travers des exemples et anecdotes, comme on peut en trouver dans la littérature politico-stratégique asiatique. L’une de ces techniques vise à frapper en premier puis à accepter d’encaisser la riposte, pour ensuite se mettre dans la position de la victime aux yeux de tout le monde.
C’est ce qui se passe aujourd’hui au Myanmar, après les attaques du 9 octobre 2016 orchestrées par l’Harakah al-Yaqin. En tuant 9 policiers, puis en se réfugiant au sein des populations civiles, ce groupe a provoqué une répression féroce à l’encontre de groupes civils jusque-là relativement pacifiques. Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, et la réaction du Gouvernement myanmarais n’a fait que leur permettre d’avancer leurs pions sur leur échiquier politique en se donnant les moyens de recruter encore plus de monde. L’élan de sympathie envers les « Rohingya » amène déjà des organisations islamiques à récolter des fonds pour « aider les populations ». Or, l’humanitaire est pour les organisations islamistes le parfait moyen de financer des groupes terroristes. En outre, la multiplication des images de « persécutions » et présentées comme ne ciblant qu’exclusivement les musulmans « parce qu’ils sont musulmans » (et non parce qu’ils abritent des membres d’organisations terroristes…) renforce l’idée anxiogène pour les musulmans à l’autre bout du monde qu’ils sont effectivement persécutés, même si ils vivent dans des pays libéraux qui leur aménagent de plus en plus d’espaces et leur octroient de plus en plus de mesures d’exception.
Cette méthode est redoutable, car elle permet à ces organisations radicales hanbalites d’éliminer sans coup férir les opinions plus libérales et plus tolérantes issues des écoles hanafites, pour au final imposer une vision monolithique de l’Islam, dans sa version la plus hostile et mortifère, le salafisme.
Mélenchon joue ici un jeu très dangereux, en se positionnant dans le storytelling génocidaire des « musulmans opprimés et persécutés parce qu’ils sont musulmans ». Ce long article démontre que la réalité est beaucoup, beaucoup plus complexe que ça, et qu’il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre, surtout quand ces gentils-là n’existent même pas (en tout cas, pas tels qu’on les décrit).
Il semble que l’objectif des salafistes de déclencher des affrontements intercommunautaires ait ici pleinement été atteint. Reste à espérer que ces tensions ne dégénèrent pas plus qu’elles ne l’ont déjà fait ces dernières années, les populations bouddhistes et les autres minorités ethnico-religieuses ayant eu à souffrir au moins autant que les populations musulmanes.
Ce connard de Mélenchon, s’il était réellement humaniste et anti-clérical comme il le prétend, ne soutiendrait aucunement la thèse des « persécutions des musulmans parce qu’ils sont musulmans » et chercherait à appeler à l’apaisement. Lui ne fait que jeter de l’huile sur le feu.
Un feu qui couve depuis des années et qui a amené des moines bouddhistes non-violents à se battre dans les rues et à devenir à travers le prisme des médias occidentaux des bourreaux sanguinaires…
Il faut bien l’avouer, la rentrée en France s’annonce déprimante. La période de vacances estivales n’aura pas changé grand chose: on sait depuis l’élection de M. Macron et les législatives qui ont suivi que les grandes réformes qui arrivent vont chambouler le système social à la française, et qu’en réaction devraient s’organiser des mouvements de grève et manifestations qui serviront de prétexte à certains groupes violents pour commettre leurs habituelles exactions.
La casse du Code du Travail est anxiogène à plus d’un titre. Perçue comme un recul majeur des acquis sociaux obtenus principalement dans la première moitié du 20e siècle, la réforme semble d’autant plus violente qu’elle sera menée par ordonnances, et non adoptée par la voie parlementaire. Elle est annoncée comme « flexibilisant » le marché du travail, c’est à dire permettant des licenciements plus facilement et plus rapidement. L’emploi, en effet, est LE sujet de préoccupation en France depuis une trentaine d’années, sujet perçu comme étant d’autant plus important depuis la crise financière de 2008 que le chômage n’a cessé de servir de prétexte à diverses réformes négatives sans que la situation ne s’arrange le moins du monde.
Une réforme à peu près inutile
Cette fameuse réforme Macron devrait entrer dans l’Histoire comme la troisième macronnerie de la République Française, après les Lois Macron (la loi « pour la croissance et l’activité » du 6 août 2015) et El Khomri (la loi « travail » ou « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » du 8 août 2016). Pour être complet, il faudrait ajouter à ces lois certaines des dispositions contenues dans la Loi Sapin II (Loi « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », du 9 décembre 2016) mais passons.
Cette troisième macronnerie vise, donc, à réformer le code du travail de fond en comble, et notamment les mesures relatives à l’emploi et au licenciement, pour soutenir les employeurs et permettre aux chômeurs et demandeurs d’emploi de trouver plus facilement main d’œuvre et rémunération.
Mais les choses ne sont pas si simples. Le marché du travail peut être divisé en trois catégories:
les emplois liés à la supervision de l’activité (cadres…), où les qualifications sont importantes (bac +3 et plus) et où généralement une expérience de plusieurs années est exigée; ces emplois donnent lieu à des contrats à durée indéterminée parce que les compétences apportées sont relativement rares et il faut donc pouvoir les capter et les conserver
les emplois liés directement à l’activité (production, logistique, services…), qui nécessitent des compétences relativement simples et rapides à acquérir (type BTS, DUT, certains BEP/CAP et Bac pro, et certaines formations spécifiques type CACES…); généralement ces emplois sont pourvus via un CDI, mais peuvent tout à fait être pourvus via des CDD longue durée sans que le remplacement du salarié n’impacte sensiblement l’activité
les emplois non qualifiés, qui ne nécessitent que très peu de formations voire pas du tout. Ces emplois là sont pourvus via intérim et parfois CDD courte durée (jusqu’à trois mois), contrat saisonnier, voire par stage (qui rime avec esclavage…)
La flexibilité du marché du travail se fait actuellement au niveau des intérimaires et travailleurs temporaires, qui sont les premiers à ne pas être maintenus ou renouvelés lorsque l’activité diminue. A l’inverse, lorsque l’activité augmente, les recrutements se font sur des contrats temporaires. Ce n’est que lorsque l’augmentation est durable, c’est à dire lorsque l’entreprise investit et cherche à se développer, que le travail se pérennise via des CDI.
Depuis le milieu des années 2000, la France est dans un contexte très particulier qui devrait être très favorable aux jeunes générations (de plus en plus diplômées, donc cherchant des emplois stables), puisque la génération des « baby-boomers » arrive à la retraite, libérant des emplois de façon massive. Or, on constate mois après mois que les départs en retraite ne sont pas compensés par des recrutements, et donnent plutôt prétexte à la suppression d’emplois et à la « réorganisation/rationalisation » de services entiers. Pire, « l’externalisation des services » (parfois au prix de délocalisations) et le recours de plus en plus massif à des « travailleurs indépendants » (type autoentrepreneurs) ne semble pas non plus enrayer le chômage, malgré une flexibilité absolue puisqu’il n’y a plus dans ce cas de relation de travail, mais une prestation de service, rémunérée à la tâche.
Difficile, dans ces conditions, de comprendre quel peut être l’impact de la réforme Macron sur le marché du travail, alors que celui-ci tend à disparaître et à se replier sur les activités les plus critiques, nécessitant expérience et formation supérieure.
C’est d’autant moins compréhensible que s’est développée depuis une petite vingtaine d’années (mais surtout au cours de la dernière décennie) une tendance des employeurs à faire fi des dispositions légales et contractuelles pour évincer quelqu’un de son emploi. Le harcèlement moral, mais aussi la dégradation volontaire des conditions de travail des salariés pour les faire partir, sont des pratiques très courantes dans le management et les services RH. Et si vraiment cela ne suffit pas, la pratique du licenciement abusif est courante et relativement peu coûteuse (paradoxalement, c’est parfois ce qui peut arriver de mieux à un salarié, qui évite d’être poussé au suicide…). Je parle ici d’expérience, puisque j’en ai subi un en 2012. Ce que mon employeur et son responsable RH n’avaient pas prévu, c’est que j’irais aux prud’hommes pour contester les faits qui m’étaient reprochés et pour contester mon licenciement (quitte à faire des études de Droit et étudier le Droit du Travail, autant le mettre en application, après tout). Même si j’ai facilement gagné mon procès, l’opération aurait pu être rentable pour eux, puisqu’ils n’ont dû me verser qu’un peu plus de 2000 euros (mais le procès leur en a coûté près de 6000 en frais d’avocats et de pseudo-expertises, parce qu’ils ont été stupides et arrogants jusqu’au bout dans cette affaire…). Les condamnations aux prud’hommes ne donnent pas lieu à des versements faramineux, de l’ordre de quelques milliers d’euros, hormis pour certains dossiers assez particuliers (licenciements de cadres, harcèlement moral suivi de tentative de suicide, harcèlement sexuel…), à condition qu’ils soient suffisamment solides. Un bon moyen, donc, de licencier quelqu’un devenu gênant à relativement peu de frais et sans casse-tête administratif avec propositions de reclassement etc.
Pourtant, la réforme Macron devrait plafonner les montants et les limiter encore plus strictement. C’est là que le bât blesse, parce que ni les CDI, ni les conventions collectives, ni la Loi, ni même le juge ne permettront au salarié d’être protégé contre les abus de son employeur. Même en considérant que le travail disparaît au profit de « prestataires », cette disposition-là anéantit la sécurité du petit noyau dur qu’il restait encore.
Cette réforme est donc à peu près inutile, et dangereuse. Loin de flexibiliser un marché du travail déjà quasiment liquide, elle précarise le salarié, sur lequel repose pourtant toute l’architecture fiscale de l’Etat en matière sociale. En diminuant les ressources liées au travail tout en maintenant voire accroissant les charges (sécurité sociale, assurance chômage, impôts sur le revenu, CSG…), cela ne peut avoir à terme qu’un impact désastreux sur la dette publique, déjà désastreuse puisque l’Etat doit emprunter sur les marchés pour pouvoir continuer à rembourser les intérêts des dettes déjà contractées (ce qu’on appelle le « service de la dette »).
Le retour de bâton dans les dents
Paradoxalement, cette prédation du Travail (on n’est plus du tout dans une libéralisation ici) pourrait aboutir à un retour en force de l’activité syndicale, qui était devenue plus nuisible qu’autre chose aux salariés ces dernières années.
Les syndicats ne servaient en effet plus à grand chose, à part de paratonnerre et de prétexte à faire semblant d’être dans le « dialogue social », notion orwellienne sensée démontrer que Gouvernement et représentants syndicaux négociaient les meilleures réformes possible pour tout le monde. Cette vaste farce a amené les syndicats à endosser chacun un rôle défini: la CFDT valide systématiquement les projets (TOUS les projets), FO fait mine de vaguement s’y opposer aux côtés de l’invisible CFTC, et la CGT organise la ligne dure de l’opposition avec des vrais-faux blocages et pseudo-actions coup-de-poing d’une ou deux heures (entre 9h et 17h, en respectant deux heures de pause repas à midi, quand même).
Le tout est maintenu sous contrôle par le biais de « journées de mobilisation » où on défile en faisant du bruit, en criant des slogans bateaux, avec parfois quelques fumigènes, et surtout des banderoles préparées de façon professionnelle et des drapeaux aux couleurs rouges chatoyantes. Certes, ces journées de manif’ voient de plus en plus souvent les milices d’extrême-gauche s’en prendre aux policiers et aux vitrines des grandes enseignes (assurées et remboursées sous 72h, sauf pour les petits commerces qui eux doivent attendre parfois plusieurs mois…), mais ça ne dure jamais vraiment et surtout, la violence reste canalisée et soigneusement organisée (ça n’arrive jamais sur les Champs Élysées, par exemple: les enragés-mous-du-bulbe ne cassent que là où le Gouvernement les laisse faire…).
Et tout ça pour qu’au final, les réformes passent, avec s’il le faut le petit coup de pouce du « 49- 3 » (c’est à dire la procédure dite du vote bloqué à l’Assemblée, qui considère un texte de loi comme adopté tel quel sauf si les députés votent une motion de défiance contre le Gouvernement).
Ce triste cirque pourrait cependant avoir du sérieux plomb dans l’aile si la réforme Macron est effectivement mise en oeuvre. En supprimant le Code du Travail tel qu’il existe, et en transférant les négociations du niveau national au niveau de la Branche d’activité (qui négocie déjà les Conventions Collectives) voire au niveau des entreprises elles-mêmes, le Gouvernement redonne aux salariés un peu plus de pouvoir. Non pas que ce soit prévu (au contraire!), mais c’est ce qui se produit quand on abaisse d’un échelon des négociations.
Plus on a d’échelons dans une négociation, plus on doit rechercher le consensus le plus général possible. Jusqu’ici, les cheminots devaient être d’accord avec les salariés de la sidérurgie, qui eux-mêmes devaient être d’accord avec les employés de centre d’appel etc. Bref, un joyeux bordel où tout le monde était incapable de se mettre d’accord tant les intérêts de chacun étaient divers, ce qui profitait au Gouvernement qui pouvait jouer des divisions en appuyant sur les « avantages » des uns par rapport aux autres pour foutre encore plus le boxon.
En abaissant les négociations d’un échelon, ces divisions tendent à disparaître. Lorsqu’on négocie au niveau de l’entreprise, on peut même voir réapparaître des exigences très spécifiques (installation d’une pointeuse pour avoir un vrai suivi des heures de travail, aménagements spécifiques pour améliorer le confort ou la sécurité, renouvellement des matériels…) qui seraient totalement impossibles autrement.
Je doute même de la capacité de certains employeurs à mener de telles négociations, quand on voit des entreprises embaucher des cadres pour encadrer d’autres cadres encadrant eux-mêmes d’autres cadres, parce que plus personne n’est foutu de gérer son boulot sans se noyer dans un verre d’eau (ou des réunions-présentations Powerpoint nulles à mourir).
Quoi qu’il en soit, une telle redistribution des cartes ne peut in fine que renforcer les syndicats et les salariés, qui dès lors retrouveraient un intérêt à se réunir au sein d’associations de défense de leurs droits (des syndicats d’entreprise locaux, apolitiques et indépendants des grandes fédérations politisées nationales, si vous préférez).
Le système sous contrôle si si bien rôdé que j’ai décrit un peu plus haut serait totalement grippé. Au lieu d’organiser des manifestations inutiles à Paris, les salariés pourraient bloquer très efficacement leur entreprise et forcer leur employeur à négocier directement, sans se défausser sur un syndicat patronal ou le Gouvernement. En d’autres termes, cette loi pourrait en quelques mois rendre tout son intérêt (et toute sa violence économique) à la Grève, sans concertation douloureuse au niveau nationale, sans trahison des grandes fédérations syndicales. Sans manif’, pas de dégradations ni violences qui discréditent l’ensemble des mouvements de façon systématique. Alors certes, la grève n’est pas forcément efficace, surtout si l’employeur dispose de moyens importants comme on l’a vu récemment avec ce coup de com’ par hélicoptère chez GM&S (coup de com’ car c’est économiquement une hérésie totale, au prix de l’heure de vol d’un hélicoptère et sa charge utile ridiculement inadaptée à une production industrielle…). La grève peut même être contre-productive et motiver une délocalisation-sanction (extrêmement coûteuse néanmoins, mais toujours moins qu’une faillite). Un employeur sera néanmoins beaucoup plus enclin à négocier sans coup de force dès lors qu’il se sentira isolé, privé du soutien du Gouvernement comme on le retrouve dans les grands mouvements sociaux de ces dernières années.
Conclusion… en attendant mieux
Je reste extrêmement dubitatif sur la nécessité sociale et économique de cette réforme. Je ne pense pas qu’elle changera quoi que ce soit sur le marché du travail, surtout dans un contexte où il y a 3 millions de chômeurs et une immigration massive (main d’œuvre non qualifiée) qui plombe les rares embellies rapportées par Pôle Emploi. Malgré mes réticences, je dois tout de même avouer que cette réforme qui abaisse l’échelon des négociations me semble être positive pour les salariés, pour les raisons exposées. Mes illusions restent néanmoins fragiles sur ce point… Et ceci d’autant plus que nous ne sommes qu’au tout début du mandat de M. Macron qui me semble avoir beaucoup trop d’attrait pour l’autorité pour permettre une remise à plat saine de l’organisation de nos structures économiques, politiques et sociales vermoulues.
Une fois n’est pas coutume, je vais aborder l’actualité et plus particulièrement une controverse qui fait un peu de bruit dans les milieux nationalistes: Henry de Lesquen et sa « censure » sur Twitter.
Qui est Henry de Lesquen?
Homme politique français et haut-fonctionnaire de formation économique, Henry de Lesquen s’est surtout fit connaître à la tête du Club de l’Horloge, un groupe de réflexion sur des sujets économiques fondé en 1974. Sur l’échiquier politique, ce groupe, rebaptisé Carrefour de l’Horloge en 2015, se situe entre la Droite classique (RPR/UMP/Républicains) et la Droite dite Nationaliste, actuellement représentée par le Front National. Sur le plan économique, son domaine de prédilection, ce groupe prône la liberté individuelle, la libre entreprise, et se rapproche nettement des travaux des économistes de l’école autrichienne (Menger, Mises, Hayek, Rothbard…), par opposition à l’école néo-libérale d’obédience néo-classique représentée par la quasi-totalité des économistes français et leurs représentants comme Jacques Attali, Alain Minc, Thomas Piketty, Albert Cohen…
L’école autrichienne d’économie réprouve l’intervention de l’Etat dans l’économie, y compris pour résoudre les « crises », estimant que c’est précisément l’intervention de l’Etat qui fausse les marchés et génère lesdites crises. L’école néo-classique, pour sa part, s’appuie lourdement sur des modèles économétriques interventionnistes.
Henry de Lesquen se revendique « national-libéral ». Il prône une identité française forte, mais aussi et surtout se fait le chantre des thèses racialistes et n’hésite pas à parler de « congoïdes » pour distinguer les noirs des blancs « caucasoïdes ». Il prône la « réémigration » des populations d’origine étrangère vers leurs pays d’origine ou vers le pays d’origine de leurs parents. Il récuse, bien évidemment, le droit du sol, et ne retient que le droit du sang: il ne suffit pas d’être né sur le territoire français et y avoir grandi pour en acquérir la nationalité, il faut également avoir des parents français. Il prône également l’abrogation des lois « antiracistes ».
Président de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen est assez présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter), il possède également un site internet créé en soutien à sa candidature à l’élection présidentielle française de 2017 (non validée pour absence de parrainage). Il anime également une chaîne youtube.
Condamné pour contestation de crimes contre l’Humanité et pour incitation à la haine raciale après des propos publiés sur son site et son compte twitter, Henry de Lesquen n’a cependant pas changé de ton, ni sur la forme ni sur le fond, que ce soit sur Twitter ou sur Facebook, et est de plus en plus populaire auprès d’une partie de l’électorat dit « d’extrême droite », majoritairement jeune. L’outrance de ses propos est tout à fait similaire à celui du vidéaste Peno, et des youtubeur Raptor Dissident, Lapin Taquin et Valek Noraj, à ceci près que ces auteurs n’ont jamais été condamnés pour des propos qui, bien que violents, n’ont apparemment pas fait l’objet de plaintes auprès de la Justice française.
Sa (relative) popularité croissante a amené les Inrocks à publier un article sur lui le 13 mai 2017, lui donnant à nouveau une certaine visibilité (de précédents articles avaient été publiés le 15 juin 2016, le 30 septembre 2016 et le 8 décembre 2016, tous aux Inrocks, qui semblent faire leur fond de commerce de la facile « lutte contre l’extrême-droite »). Quelques heures plus tard, le site d’Alain Soral, Égalité & Réconciliation, publiait un article sur l’article des Inrocks. En fin de journée, les comptes twitter de Henry de Lesquen faisaient l’objet de signalements, aboutissant à leur clôture. Cette censure provoque dans les heures qui suivent un mouvement de contestation de la part de ses « followers », l’ouverture d’une page facebook « de secours » et l’ouverture de deux nouveaux comptes twitter « officiels » par Henry de Lesquen.
Tout le monde s’en fout, mais…
Dans le contexte post-électoral qui a vu la victoire d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, la frustration de l’électorat nationaliste est palpable, et il en faut peu pour susciter les passions. La censure des comptes twitter de Henry de Lesquen trouve donc un écho très particulier, qu’il n’aurait probablement pas en temps plus normal.
Mais cet écho particulier amène également des réactions particulières, et à mon sens largement excessives. Si je réprouve la censure, comme je l’ai expliqué dans mon article sur la censure de Marsault l’été dernier, je réprouve tout autant les propos de M. de Lesquen, et ceci d’autant plus qu’il a été effectivement condamné.
Si je pense que des gens comme Dieudonné et Alain Soral sont condamnés avec raison pour leurs propos toujours border-line et leurs sous-entendus lourds de sens, je ne peux qu’approuver les sanctions pénales prononcées contre Henry de Lesquen et ses propos littéralement scandaleux. Au vingt-et-unième siècle, voir des mots comme « congoïde » dans la bouche et les écrits d’un homme pourtant intelligent et éduqué fait froid dans le dos. Ses propos sont tellement outranciers que beaucoup imaginent qu’il n’est qu’un troll de plus dans le vaste océan déferlant de haine qu’est internet. Ce n’est pas le cas: il pense réellement ce qu’il dit.
Je l’ai dit récemment sur Facebook, je me qualifie volontiers de Libéral, j’adhère aux écrits d’Adam Smith, de Frédéric Bastiat, de Carl Menger, de Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Robert Nozick et Murray Rothbard. Ces noms, à l’exception d’Adam Smith, vous sont probablement étrangers, même si vous avez fait de l’économie; ils sont pourtant incontournables et représentent l’essentiel de l’école dite « autrichienne » d’économie. Leur critique du Socialisme sur le plan politique et économique, leurs critiques de l’interventionnisme étatique sur les marchés, leur défense des libertés individuelles, me paraissent à la fois pertinentes et nécessaires. Henry de Lesquen les connaît et en parle régulièrement, ou en tout cas formule les mêmes critiques avec les mêmes arguments, ce qui indique qu’il connaît leurs écrits. Son libéralisme et le mien se recoupent donc.
Sur le plan politique, en revanche, nous sommes en totale opposition. Il me semble absolument incompatible avec l’esprit libéral d’opérer des distinctions racialistes pour opérer des revendications pseudo-nationalistes. La notion de marché et de libre-échange n’émerge pas de conceptions purement financières. Il s’agit au contraire de prôner le développement par l’échange. Dans les écrits d’Hayek, le phénomène d’échanges commerciaux est même qualifié de Catallaxie, du grec Katalein, qui désigne « l’échange qui fait de l’ennemi un allié ». L’esprit autrichien est résumé dans ce seul mot: le marché et la compétition qu’il génère ne signifie pas guerre économique, mais bien alliance généralisée. Or, cette alliance passe avant tout par la reconnaissance d’autrui sur un pied d’égalité. Le commerce est basé, en effet, sur l’égalité, contrairement au pillage, basé sur la force et la supériorité.
Or, Henry de Lesquen multiplie les références aux « cosmopolitisme », à la « musique nègre », et à l’art « dégénéré », des termes extrêmement forts, qui renvoient sans aucune ambiguité au nazisme. Vraiment, je déteste ce genre d’association vraiment omniprésente et généralement abusive quand on parle de l’extrême droite, mais là c’est totalement justifié. Le nom même de son parti « national-libéral » est un miroir du parti « national-socialiste » d’Adolf Hitler.
Entendons-nous bien: il est totalement légitime de reconnaître l’altérité de quelqu’un, de lui reconnaître sa culture, ses origines, son appartenance ethnique, en particulier lorsque la personne entend mettre en avant ses racines ethno-culturelles. Ce qui est intolérable, c’est de se servir de cette altérité pour dénigrer, rabaisser et insulter autrui. C’est totalement ce que fait Henry de Lesquen.
Le discours de cet homme, que je me suis refusé à pointer en lien en raison de son caractère outrancier et pénalement répréhensible, parasite totalement des débats qui sont pourtant légitimes. Par exemple, sa promotion de la réémigration, reprise des charters de Charles Pasqua est une nuisance absolue sur un débat réel concernant le futur des pays en développement. Les jeunes de ces pays viennent régulièrement en France pour étudier et obtenir des diplômes de qualité (les universités françaises développent également de plus en plus des réseaux de partenariats pour détacher des professeurs dans les universités locales). Beaucoup de jeunes diplômés restent cependant en France, où ils perçoivent des opportunités de carrière plus intéressantes et une qualité de vie de meilleure qualité. Le problème est que leurs compétences, financées avec le concours de leur pays d’origine, ne retournent pas là-bas et privent donc les pays en développement d’une partie de leurs ressources intellectuelles pourtant réellement nécessaires. Les propos de Henry de Lesquen détruisent d’avance tout débat pourtant légitime sur le retour des jeunes diplômés étrangers dans leur pays, en qualifiant par analogie tout discours en ce sens d’extrémisme xénophobe. En outre, en associant le libéralisme à ce type de propos intolérables avec lesquels ils sont pourtant intrinsèquement antinomiques, il empêche tout débat sur les programmes politiques portant sur l’économie. Les débats entre marxistes et néo-classiques sont déjà suffisamment houleux (Mélenchon vs. Macron) pour ne pas avoir à subir l’opprobre généralisée à cause de lui si l’on se revendique proche des idées de Mises ou Hayek…
Conclusion
L’article des Inrocks (la série d’articles…) est absolument débile, se bornant à vouloir à tout prix coller Henry de Lesquen dans une pseudo-mouvance qui n’existe pas, mêlant jeux-vidéo.com et 4Chan, les memes Thug Life et Pepe, emojis « xénophobes » (on croit rêver) et Donald Trump. Ce grand bordel fourre-tout n’a aucune consistance et tient plus du délire gauchiste que de la réalité d’une extrême droite tellement bigarrée qu’elle n’arrive même pas à s’unir sur des points simples comme l’immigration ou l’Europe.
Je me réjouis de la censure de Henry de Lesquen, condamné pour ses propos (même si j’imagine qu’il a fait appel) dont la teneur est ahurissante et intolérable. Cet homme nuit à son pays et m’apparaît comme ces médecins qui autrefois préconisaient des saignées pour soigner l’anémie ou préconisaient de boire de l’urine mêlée de fèces pour soigner la peste bubonique: un parasite profitant de la détresse, exploitant le désespoir de ses compatriotes, à de seules et viles fins personnelles et égocentriques. Il ne s’agit pas d’un Conversano à côté de la plaque mais essayant malgré tout de s’informer et restant de bonne foi, mais bel et bien d’un homme éduqué et intelligent, pleinement conscient de ses paroles, qui a décidé de faire carrière sur un racisme assumé en affichant son mépris total pour tout le monde.
Le débat légitime et déjà difficile sur l’avenir de notre pays et de ses populations n’a pas besoin de ce genre d’énergumène.
Quand cinq jeunes américains candides s’aventurent au Népal pour l’ascension de l’Everest et voient leurs projets compromis par les autorités, un guide local se propose de les accompagner pour réaliser l’ascension d’une montagne sacrée, moyennant quelques arrangements.
Mais bientôt, ce qui devait être l’aventure de leur vie va se heurter aux cruelles réalités qui se cachent derrière les cartes postales, et les confronter à une horreur qu’ils n’auraient pu imaginer dans leurs pires cauchemars.
Tiephaine Szuter emmène ses lecteurs au bout du monde dans une aventure qui n’épargnera personne! Oubliez ce que vous croyez savoir: la réalité est bien plus sombre que vous ne le pensiez.
Nous sommes fiers de publier Agartha – La Vallée des Exilés, le premier roman court de Tiephaine, totalement inédit! Suite indirecte de Caucasus dont il partage l’univers, ce roman d’horreur réaliste nous emmène au Népal sur les traces de la légendaire Agartha. Mais ce voyage au sommet tournera bien vite en descente aux enfers…
Comme toujours, nos publications sont disponibles en format papier et en format numérique (kindle).
Trois lignes dans un article anodin sur l’anniversaire de l’entrée officielle des Etats-Unis dans la Première Guerre Mondiale. Il n’en faut pas plus pour dire des conneries aussi immenses que l’Océan Pacifique et me faire rentrer dans une colère noire.
L’entrée en guerre des Etats-Unis dans la Première Guerre Mondiale moderne s’est faite à un moment où l’Allemagne avait déjà perdu la guerre, avec l’épuisement de ses forces vives (pour ne pas dire le gaspillage) dans la bataille de Verdun entre février et décembre 1916, l’apogée de l’impéritie de l’état-major allemand qui ne comprend pas la guerre qu’il livre et applique encore des méthodes héritées des guerres prussiennes cinquante ans plus tôt. Côté anglais et français en revanche, les choses évoluent, les Etats-Majors sont renouvelés lentement mais sûrement. Surtout, l’innovation technologique que représentent les chars anglais Mark I à IV et français Schneider CA1 puis Saint-Chamond et Renault FT marquent un tournant dans la guerre malgré leurs défauts vite compensés. Tournant que ratent totalement les allemands… et les américains.
Le 6 avril 1917, le contingent de l’armée américaine représente… une division à peine, dont l’entrainement n’a pas commencé (La France en a 95 de 15 000 hommes, dont 70 combattent par roulement à Verdun, les anglais en ont 75 de 18 000 hommes). Les américains n’arriveront réellement sur le front européen qu’à l’automne 1918, quand tout est déjà plié militairement depuis longtemps. L’aide américaine est anecdotique, presque opportuniste, elle ne change absolument pas le cours de la guerre, qui est remportée par les soldats anglais et les soldats français avec leur sang, leurs larmes et leurs tripes.
Si l’Allemagne parvient à se battre encore presque deux ans après Verdun, c’est uniquement parce que sur le front de l’est, la Russie tsariste s’effondre de l’intérieur avec la révolution soviétique, permettant d’abord un report des troupes (les combats diminuent énormément en intensité et se produisent surtout entre russes blancs et russes rouges), puis un retrait de ce front pour tenter de compenser la catastrophe qui se produit à l’ouest avec la montée en puissance sans précédent des armées franco-anglaises. Les manœuvres stratégiquement désespérées que l’armée allemande commence à opérer dès le printemps 1917 comme le retrait-piège qui conduira à l’offensive du chemin des dames côté français (un vrai fiasco, le dernier de cette ampleur et surtout celui qui déclenche un réel changement dans l’approche stratégique des états-majors français) ne sont pas à mettre au compte des américains, mais bien des français et des anglais qui ont usé les capacités militaires allemandes sans ciller. Tout ce que cherchent les allemands désormais, c’est briser les lignes de front pour non pas gagner la guerre, mais pouvoir négocier la paix en évitant une debellatio qui surviendra dans les faits avec le Traité de Versailles de 1919.
Je le dis, et je le répète: les amerloques n’ont RIEN fait pendant la première guerre mondiale sur le plan militaire. RIEN, putain.
On n’a pas eu besoin d’eux, si ce n’est pour une seule chose: fournir à nos soldats un espoir de renfort pour les faire tenir. Et le fait est que ça a été contre-productif, puisque les grandes mutineries de 1917 se produisent à peine un mois après cette fameuse « entrée en guerre des américains » (je rappelle quand même que les Etats-Unis ont une politique ultra-isolationniste dès 1823 avec la « Doctrine Monroe », et surtout avec l’élection de Wilson de 1912 et sa réélection de 1916 avec le slogan « He Kept Us Out of War »… Ironie de l’Histoire). Les fameux « sauveurs » n’arrivent qu’à la fin octobre 1917, et ne servent qu’en deuxième ligne parce qu’ils ne peuvent pas combattre (artillerie rachitique, formation tactique et au maniement des armes minables, doctrine stratégique inexistante). De fait, sur les 116 000 soldats américains tués pendant la guerre, seuls 53 000 l’ont été au combat (les autres le sont par la Grippe Espagnole, maladies et accidents). A titre de comparaison, les anglais perdent au combat 19 000 hommes, pour le seul 1er juillet 1916 (premier jour de la bataille de la Somme qui fera 440 000 morts français, anglais et allemands, tous au combat).
Au sortir de la Guerre, les américains ne sont certainement pas une puissance mondiale. Ils ne sont que des péquenauds comparés aux seules vraies puissances mondiales que sont le Royaume-Uni et la France au sortir de la guerre, aux côtés du Japon, de l’autre côté du globe (et qui est la seule puissance non européenne à pouvoir faire face aux armées occidentales). La France était, au sortir de la Guerre, la première puissance mondiale suivie de très près par le Royaume-Uni: c’est là que réside toute l’ampleur du drame de la défaite de 1940 après vingt ans de militantisme pacifiste acharné et dont nous ne nous sommes jamais remis. Hitler voulait détruire la France et vu l’état de notre pays aujourd’hui, il a parfaitement réussi.
La réécriture de l’Histoire, surtout de cette manière aussi mensongère, me met hors de moi. Dire que ces connards d’américains nous ont sauvés pendant la première guerre mondiale, c’est cracher sur les tombes et insulter la mémoire de 9,6 millions d’européens tués au cours du conflit et de dizaines de millions d’autres qui ont eu à en souffrir et y ont survécu, avec toutes les conséquences que cela entrainait pour les millions de mutilés, de « gueules cassées », de gazés et autres invalides de guerre.
Dévaloriser notre Histoire, nous enlever notre fierté, rabaisser et nier notre civilisation, c’est exactement ce qui a produit Hitler, Mao et Al-Baghdadi. Ne pleurez pas après les Trump, Poutine et tous les autres « populistes »: ce sont les seuls qui empêchent les vrais salopards de nous replonger dans l’obscurantisme sanguinaire en rendant un semblant de fierté à des peuples broyés par une finance dévoyée et des politiques corrompus.
Vu sur France24: « Les Français ont consommé un peu plus de viande en 2016 ». Un titre absurde, un contenu mal compris, des explications à côté de la plaque.
La consommation de viande par les « ménages » a régressé en France, de façon indéniable. Seule la consommation de volaille a augmenté (+4%), grâce à des prix d’appel plus en rapport avec le pouvoir d’achat. La consommation de viandes ovines, bovines et porcine régresse nettement, de même que les viandes chevalines (quasi disparues au niveau national avec un peu plus de 15000 chevaux et poneys abattus pour leur viande) a reculé de façon très nette: 1% sur des produits consommé par millions de tonnes ça fait beaucoup d’animaux…
Malgré ça, on nous parle d’une augmentation de la consommation (globale) de bidoche en France en gros titre. Désinformation flagrante, donc.
En France, pour 66 millions de français (dont 20 millions de mineurs de moins de 18 ans) on produit et tue 1 MILLIARD de volailles (poulets, canards, oies…), quasiment 5 millions de bovins (vaches, boeufs et veaux), 23 millions de porcs et 6 millions d’ovins (moutons, agneaux…) par an (source: https://www.viande.info/viande-lait-oeuf… chiffres 2014).
Et pourtant, on importe encore de la viande (origine européenne, c’est à dire irlandaise ou espagnole, mais aussi argentine, néo-zélandaise, australienne, brésilienne, américaine…), « moins chère » que les produits français, qui eux reçoivent des subventions à l’exportation.
On marche totalement sur la tête. D’un côté, on paie des producteurs étrangers pour qu’ils exportent chez nous à pas cher des produits carnés dont les normes sanitaires sont très en deçà des nôtres, et de l’autre côté, on paie (grassement) nos producteurs pour qu’ils exportent leur viande dont les standards de qualité élevés expliquent en partie les prix vers des pays dont les standards sont moins élevés.
Résultat: on surproduit, à des niveaux dramatiques, on développe encore des exploitations rassemblant des milliers d’animaux (voire des millions de volailles), que notre territoire n’est pas capable d’absorber, à destination des marchés étrangers qui se contrefoutent royalement de la qualité des produits français, et qu’on subventionne par milliards d’euros pour rien, puisque personne n’achète notre viande, ce qui provoque la crise agricole actuelle. Au gaspillage financier s’ajoute le gaspillage de nourriture (et de vies animales), beaucoup plus dramatique.
Regardez bien l’article que j’ai posté en lien: aucun tonnage, aucun décompte d’animaux n’est donné, on ne parle que de pourcentages, pour soigneusement éviter de parler de choses beaucoup plus explicites comme je viens de le faire. Pourquoi?
J’imagine qu’expliquer à nos éleveurs qu’ils sont inutiles par leur sur-production passerait mal. Pourtant c’est vrai: la plupart destinent leur « production » à l’exportation, or produire pour exporter est économiquement dangereux parce qu’il suffit qu’un exportateur ait de meilleurs prix pour ruiner un producteur. C’est ce qui se passe en France depuis ces 30 dernières années. Donc on subventionne les exportations, c’est à dire qu’on finance les éleveurs pour qu’ils aient des prix plus attractifs pour exporter: plus clairement, les producteurs exportent au prix du marché (peu élevé à cause de la surproduction), la collectivité payant la différence entre ce prix de marché et le coût de production. Par exemple (grossièrement et en très raccourci), si le prix du marché est à 1,50€ le kilo de porc, et que le coût de revient est à 2,50€ le kilo, l’Etat (ou l’UE) attribue à l’éleveur 1€.
Normalement ce mécanisme permet d’éviter à l’éleveur de subir de plein fouet les variations de prix du marché parfois violentes et de devoir mettre la clé sous la porte. Ce mécanisme devrait en principe être temporaire, laissant au producteur le temps d’adapter ses pratiques d’élevage, typiquement soit en augmentant son rendement pour améliorer sa rentabilité, soit en réduisant sa production pour que les prix remontent. Et si ça ne suffit pas, il devrait en principe envisager de reconvertir son activité (produire tel type de produits au lieu d’un autre) ou la réorienter pour sortir du lot (c’est par exemple le cas avec les producteurs de viande de boeuf de Kobé https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C5%93uf_de_Kobe ). En France/Europe, ce n’est pas ce qui se passe. L’obtention d’une subvention est devenue une fin en soi, peu importe le prix final du marché (c’est valable pour tous les produits agricoles, pas seulement la viande). La PAC, qui devait garantir l’indépendance alimentaire de l’UE par une politique de production raisonnée, est devenue une économie de rente sans vision sur l’avenir, sans politique de planification de la production en fonction de la consommation, comme ça devrait être le cas dans une économie socialiste où l’on répond au besoin avant de voir le profit (valable aussi en économie capitaliste, mais avec une structure de marché différente; nous sommes sensés être dans une économie de type socialiste en Europe, c’est à dire avec une production planifiée pour répondre aux besoins sociaux).
Economiquement parlant, on ne devrait même plus produire de viande en France, hormis quelques produits très spécifiques, liés à nos terroirs (saucissons, charcuteries, produits régionaux AOC…). Les coûts de revient sont trop chers, en raison du poids des impôts, des coûts de crédits, et des critères de qualité qui n’apportent pas grand chose comparés à ceux des viandes qu’on importe. Pourtant, on vient encore parler d’apporter de l’aide à nos agriculteurs, de soutenir par des politiques d’aides publiques des prix déjà trois fois trop élevés pour des consommateurs qui vont donc devoir payer avec leurs impôts pour de la viande qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter.
Qui peut croire que ce genre d’économie est soutenable dans la durée, quand on rase la forêt amazonienne pour produire le soja qui nourrit nos bêtes (et surtout les corals américains)?
Faut vraiment continuer comme ça?
Décrire de Noires Arabesques où se révèlent les mystères…