Les âmes qui brûlent – Léon Degrelle

[lu dans l’édition préparée par l’Homme Libre, parue en 2010]

Léon Degrelle est un personnage sulfureux. Catholique militant, puis nationaliste fervent, il devient rapidement fasciste puis collaborationniste, et ira jusqu’à former la Légion Wallonie pour s’engager auprès de la Werhmacht sur le front de l’est dans le cadre de la « Croisade contre le Bolchévisme ». A la fin de la guerre, Degrelle se réfugie en Espagne et y terminera sa vie sans jamais revoir sa Belgique natale, où il fut condamné à mort par contumace.

Les âmes qui brûlent est un ouvrage paru en 1954 en Espagne (1964 en France), où il a connu un destin exceptionnel, avec plus d’une cinquantaine d’éditions. Il se compose de textes courts composés avant, pendant et après la guerre (majoritairement avant). Loin d’être pamphlet politique ou militant, ce livre se lit comme on lit un recueil de poésie ou de philosophie antique. Par bien des aspects, il rappelle Les Travaux et les Jours d’Hésiode, ou les Pensées pour moi-même de Marc Aurèle.
Ces textes n’étaient pas destinés à être publiés: il s’agit de réflexions écrites par-ci et par-là, qui n’ont pas de fil conducteur particulier. Léon Degrelle n’est d’ailleurs pas lui-même à l’origine de ce recueil, puisque c’est Gregorio Marañon qui l’a mis en forme et publié.

La beauté et la « pureté » des réflexions ici rassemblées font de ce livre un ouvrage magnifique, très loin du souffre de son auteur. Il vaut vraiment la peine d’être lu, même si l’on est loin de partager les idées de Léon Degrelle. Aucun racisme, aucune intolérance, aucune allusion à quoi que ce soit de politique, ne vient entacher cet ouvrage de la marque d’infamie qui marque les autres textes de Léon Degrelle aujourd’hui.

Un texte à découvrir et qui prouve qu’il est souvent bon de dépasser ses préjugés idéologiques pour découvrir des perles et des trésors injustement ignorés.

Les Francs-Juges de la Sainte Vehme – Jean Pierre Bayard

Un ouvrage assez typique de la production de cette époque, même si Jean-Pierre Bayard a su aller jusqu’au bout des choses dans son enquête.

D’un côté, un sujet « sulfureux », les « tribunaux secrets de la Sainte-Vehme » qui agissaient dans les territoires allemands du 14e au 15e siècles pour compenser le peu d’emprise de la justice civile sur des contrées largement abandonnées par le pouvoir du fait de la féodalité, et de l’autre, un sujet sulfuré: le national-socialisme.

Le rapprochement d’un sujet « mystérieux » avec le national-socialisme est, je le disais, assez typique de cette période des années 1960-1970. Cathares, Templiers, Teutoniques, Illuminés de Bavière, tout était prétexte à publier des livres pour parler des nazis, même s’il n’y avait absolument aucun lien, ou si ce lien n’était qu’extrêmement vague. C’est ce qui se passe ici: la Vehme et le nazisme n’ont, de l’aveu de l’auteur même, aucune affiliation. Pourquoi persister à en parler? Mystère, mais au moins l’auteur le confirme noir sur blanc, ce que de nombreux autres auteurs n’auraient pris le soin de faire…

Concernant la Vehme elle-même, la matière de ce livre n’est finalement pas si riche, même si elle offre un panorama complet. Sur les quelques 260 pages de ce livre, la Vehme elle-même n’en couvre qu’une soixantaine, l’ordre Teutonique environ 80 et les attentats politiques dans l’Allemagne post-première guerre recouvrent la moitié du livre (pour confirmer finalement qu’aucun lien avec les tribunaux vehmiques n’est identifiable…). Ces pages n’ont de plus pas grand intérêt, parce qu’on y retrouve tout le fatras charlatanesque de l’ésotérisme de pacotille qui a fait la renommée de la fameuse collection « l’Aventure Mystérieuse » qui se poursuit de nos jours sous le nom « l’Aventure Secrète ».

Autant dire qu’on reste largement sur sa faim, d’autant qu’il ne s’agit pas réellement d’un livre d’histoire, mais plutôt d’un livre de vulgarisation. Heureusement, ces 60 pages sont de qualité et fournissent tout de même de bonnes références et les informations principales qu’on attend de ce genre de travail.
Ce livre reste, malgré ses 50 ans, celui que j’ai trouvé qui contenait le plus d’informations pertinente sur la Sainte-Vehme: il y a clairement une lacune historique qu’il serait bon de combler par un ouvrage de recherche récentes…

Les Chiens de Tindalos – Frank Belknap-Long

Ce recueil de nouvelles fantastiques est estampillé « d’après Lovecraft », mais je n’en ai pas vu la justification. Certes, on a des éléments lovecraftiens avec ce scientisme et ces entités cosmiques « extérieures », mais ça n’en fait pas pour autant des textes « d’après Lovecraft ». Celui-ci n’est d’ailleurs cité qu’une seule fois sur l’ensemble des textes de Belknap Long.

Le texte le plus important est ici L’Horreur Venue des Collines, mettant en scène l’entité Chaugnar Faughn, un « dieu » maléfique dont l’apparence est dérivée du dieu hindou Ganesha. Les protagonistes sont des archéologues et autres explorateurs travaillant pour le British Museum, et sont confrontés à l’arrivée d’une idole de Chaugnar Faughn depuis les confins des plateaux asiatiques. Seulement, l’idole est maudite, et n’est d’ailleurs pas une idole, mais le dieu lui-même, et les protagonistes devront recourir à la Science pour lutter contre lui. Sans en dire plus, c’est là un grand classique de la littérature d’horreur fantastique, qui n’a d’ailleurs rien de lovecraftien ni encore moins de « cthulhien ».

Dans les Chiens de Tindalos, ainsi d’ailleurs que dans le Passage vers l’Eternité, il est question de drogues altérant la conscience et permettant de voyager dans le temps et l’espace. Là encore, rien de lovecraftien en soi.

La question du « déplacement spatial » est aussi au cœur de la nouvelle Les Mangeurs de Cerveaux, mettant un équipage de navire aux prises avec des entités sous-marines céphalophages.

De manière générale, ces nouvelles sont simplement ce qu’on trouvait dans les pulps et la littérature SFFF jusque dans les années 1970. Elles sont intéressantes à lire par elles-mêmes, même si elles ne révolutionnent pas le genre et souffrent peut être d’une construction qui m’a parue soit trop élaborée, soit trop brouillonne. Les fins sont généralement abruptes, et l’histoire finie, on passe à autre chose sans y penser plus (en tout cas, c’est ce que ça m’a fait).

Frank Belknap Long mérite mieux que d’être simplement considéré comme un auteur « lovecraftien », simplement parce qu’il a échangé quelques lettres avec HPL. Son univers est original et indépendant ,et ces nouvelles le démontrent: on n’est pas du tout dans le pastiche.

Un recueil qui mérite d’être découvert si l’on est amateur des pulps fantastiques, et qui mérite mieux que d’être juste rattaché à l’univers « Lovecraft » élargi, un argument marketing qui devient vraiment de plus en plus irritant.

Etranges Eons, de Marc Bloch

Un ouvrage très, très moyen, parfait exemple que ce que la « lovecraftite » peut générer dans le monde de l’édition.
Certains y verront un hommage à Lovecraft et son œuvre, d’autres y verront un pastiche, d’autres, dont je fais partie, n’y verront qu’un de ces bouquins sans intérêt littéraire rédigé pour profiter de l’aura d’étrange et de fascinant qu’avait l’œuvre horrifique de HPL.

Robert Bloch n’avait probablement rien à prouver en rédigeant son Etranges Eons. Après tout, l’auteur de Psycho avait déjà fait son nom grâce à Hitchcock et avait eu une carrière bien remplie. Il avait connu HPL. Mais ce bouquin n’a tout simplement aucun sens.

L’Histoire part d’un banal achat de tableau, qui s’avère être celui de la nouvelle « le Modèle de Pickman », qui du coup existe pour de vrai. Mais quelqu’un s’en prend aux témoins. Et notre narrateur découvre l’œuvre de HPL, et se rend compte que tout était vrai. Deux autres histoires vont venir se greffer sur celle-ci, avec à chaque fois des gens qui ne connaissaient pas HPL et vont découvrir l’horreur. La rengaine de ce scénario est, honnêtement, usée jusqu’à la corde. On balance par-ci par-là des titres de nouvelles pour démontrer qu’on connait bien son bousin, on écrit qu’en fait tout était vrai, et holala, quelle horreur.

C’est d’un ennuyeux total. Et franchement, ça a été une lecture blasée de 215 pages ennuyeuses à mourir, avec un scénario qui n’en finit plus de prendre des proportions impossibles à partir d’événements banals, et de rebondissements barbants au possible. La 3e partie est tout simplement la pire, et n’a absolument plus rien de lovecraftien.

Un texte sans intérêt et une lecture qui n’apportera rien au lecteur séduit par le travail de Lovecraft.

Les racines de la guerre russo-ukrainienne

Vous pensez tout savoir de ce conflit parce que vous vous êtes tenu au courant en lisant tous les articles de presse et en suivant de près l’actualité sur les chaines d’information en continu? Oubliez tout ce que vous savez, parce que personne n’a jamais parlé de ce que je vais vous expliquer ici dans un média grand public.

La guerre russo-ukrainienne n’a pas commencé le 24 février 2022, pas plus qu’elle n’a commencé le 27 février 2014 quand des soldats sans insigne sont apparus un peu partout sur les points stratégiques en Crimée. Elle a commencé en 1996, alors que démarre le second mandat présidentiel de Bill Clinton.

Le contexte intellectuel des années 1990

Resituons un peu le contexte: l’URSS s’est effondrée en 1991, entrainant l’embrasement de tous les conflits ethniques que les soviétiques avaient gelé sous le rideau de fer. Yougoslavie, Caucase, pays d’Asie Centrale, tous s’embrasent dans des violences qui parfois virent à la guerre civile. La guerre serbo-croate, puis la Bosnie, ou encore la Tchétchénie et le Kosovo, marquent au fer rouge l’Histoire des années 1990. La Russie n’est plus que l’ombre d’elle-même et est dirigée par un alcoolique notoire, la Chine est toujours un pays du tiers monde, et l’Europe peine à se constituer. En clair: les Etats-Unis sont l’unique super-puissance qui domine le monde politiquement et économiquement.

Sous les deux mandats de Bill Clinton, les Etats-Unis se cherchent et n’ont pas envie d’assumer cette place de gendarme du monde que leur confère pourtant leur place mondiale. Il faut dire que le fiasco de l’opération américaine de maintien de la paix en Somalie (1993) a provoqué une crise majeure au sein du Pentagone et à la tête de l’Etat: alors même que le capitalisme est sorti vainqueur de la guerre froide contre le communisme, la Démocratie vient de se casser les dents sur un conflit ethnico-religieux.

Le 14 octobre 1993, un hélicoptère américain est abattu par les somaliens. Ce sera le symbole de l’intervention catastrophique des américains dans le pays.

Au sortir de la guerre froide, un regain d’intérêt pour les intellectuels est apparu. Il fallait des guides pour éclairer un nouveau chemin dans un monde encore incertain, et la Maison Blanche n’a pas hésité à faire appel à eux. En 1992, l’un des premiers « grands penseurs » de l’époque fait paraître un livre qui explique que l’Histoire, qui est une dialectique conflictuelle entre idéologies (une idée reprise de la philosophie hégélienne) est désormais arrêtée, la Démocratie a vaincu et domine désormais le monde: c’est La Fin de l’Histoire et le Dernier Homme, de Francis Fukuyama. Le succès retentissant de cette thèse et la controverse qui en a découlé lance la mode de ces penseurs à mi-chemin entre philosophie et politique. Un autre nom majeur est celui de Samuel Huntington, qui en 1996 fait paraître son fameux Choc des Civilisations, dans lequel il explique que la fin de l’URSS ramène la géopolitique à des conflits d’essence ethnico-religieuse, c’est à dire « civilisationnelle ». Il précise, à l’appui de sa démonstration, que les prémices de l’effondrement soviétique étaient lisibles dans les conflits opposant une composante de population musulmane à une autre populations non-musulmane (par exemple, le conflit entre Inde et Pakistan Oriental, devenu plus tard Bangladesh, ou encore le conflit Sri Lankais). C’est cette présentation de l’Islam comme générateur de conflits qui a brocardé Huntington au rang des idéologues controversés, voire racistes, même si ses analyses sont tout à fait neutres et pertinentes puisqu’il a anticipé de deux ans le conflit au Kosovo.

C’est dans cette effervescence que paraît en 1997 le livre d’un homme déjà bien connu des milieux politiques pour ses analyses à contre-courant: Le Grand Echiquier, de Zbigniew Brzezinski. Et vous allez maintenant mieux comprendre quel est le rapport avec le titre de cet article.

Le « grand échiquier », dans la vision de Brzezinski, c’est simplement la carte du monde, et les cases représentent les pays. Il commence par constater que désormais, l’essentiel du grand bloc continental eurasiatique est « vide », du fait de la chute de l’URSS. En face, les Etats-Unis sont en position de force, mais n’ont pas encore atteint la domination totale, parce qu’ils ne maitrisent pas le Heartland: ils ne contrôlent que la périphérie.

Arrêtons-nous quelques instants sur cette notion qui est indispensable pour comprendre la suite.

Le concept de « Heartland »

Le Heartland est un concept géographique apparu en 1904 dans un article intitulé « The Geographical Pivot of History » dans la revue « The Geographical Journal ». L’auteur, Halford MacKinder, y développe l’idée selon laquelle il existe dans le monde une région d’importance cruciale pour quiconque entend le dominer, du fait de sa localisation et de ses ressources: l’Asie Centrale, correspondant grosso modo aux pays allant du Caucase à la Sibérie et à l’Himalaya. Le contrôle de cette région est sensé assurer à l’empire qui la possède la domination sur le monde entier, car elle constitue le cœur géographique de celui-ci.

Le Heartland, tel qu’il apparaît dans l’article de MacKinder en 1904.

En 1997, quand Brzezinski publie son livre, il reprend ce concept presque tel quel, pour expliquer que si les Etats-Unis veulent réellement être la seule super-puissance au monde, il leur faut absolument dominer cette région. Seulement, il faut d’abord en déloger pour de bon l’influence russe, héritée de l’ère soviétique: tous les pays de cette zone étaient alors partie intégrante de l’URSS, à l’exception du Pakistan et de l’Afghanistan. C’est d’ailleurs parce que l’URSS n’a pas su prévaloir en Afghanistan que son empire s’est effondré. La thèse est évidemment critiquable et n’a pas manqué de l’être, mais l’idée est restée, encore jusqu’à nos jours, parce que les USA peuvent écrire leur récit national en expliquant que c’est leur intervention auprès des combattants afghans qu’ils ont pu résister aux soviétiques. Mais ceci est une autre histoire, liée à la création d’Al Qaeda et à cet élan à la CIA de création et de financement de rebelles dans des pays étrangers…

Bill Clinton tenant un discours en présence de Zbigniew Brzezinski, à gauche.

Brzezinski, comme d’ailleurs Huntington, dîne à la Maison Blanche en compagnie des Clinton et d’autres personnalités politiques ou militaires de l’époque, et il y expose sa vision, qui va fortement marquer la politique étrangère du Parti Démocrate, alors totalement déboussolé. Le Parti Républicain, lui, tient la sienne depuis le conflit koweito-irakien: pour dominer le monde, il faut dominer le pétrole.

L’idée séduit les officiels, et c’est ainsi que démarre l’un des plus grands encerclements politico-militaires de l’Histoire.

La mise en place du plan de conquête du Heartland

Bill Clinton n’a guère le temps de faire grand chose, hormis commencer à favoriser le Pakistan pour offrir aux USA un accès direct au heartland via l’océan indien. Sa politique est d’ailleurs empêtrée dans le scandale sexuel de l’affaire Monica Lewinski et l’impeachment qui en a découlé, auquel il n’a échappé que de peu. En 2000, il quitte la présidence et Georges W. Bush laisse de côté les plans démocrates pour continuer ceux laissés en suspens depuis la fin du conflit contre Saddam Hussein. Mais si la tête a changé, l’administration militaire, le renseignement et l’administration civile sont toujours les mêmes: c’est ce qu’on appelle « l’Etat Profond », ou « Deep State », comme l’a identifié en 1955 Hans Morgenhau. Les USA multiplient les bases militaires à l’étranger, continuent l’extension de l’OTAN vers les pays de l’Est de l’Europe, et bientôt commencent à œuvrer en Asie Centrale. L’Etat Profond parvient à convaincre Georges W. Bush de s’en prendre à l’Afghanistan, en plus de ses plans pour achever Saddam Hussein et son régime baasiste, lorsque surviennent les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Le positionnement en Afghanistan correspond aux plans de destruction de l’Iran que Georges W. Bush a en tête. A ce moment-là, il s’agit de prendre en tenailles le dernier pays moyen-oriental qui résiste aux américains et qui menace Israel, ce qui est parfait aux yeux des « faucons » républicains.

Georges W. Bush lors de son discours sur « l’Axe du Mal », le 29 janvier 2002

C’est ainsi qu’en novembre 2001, débute la conquête de l’Afghanistan par les Etats-Unis, et qu’ainsi, les USA pénètrent véritablement dans le Heartland.

Ramzan Kadyrov et Vladimir Poutine, symboles du retour de la Russie parmi les grandes puissances mondiales

Cependant, un obstacle de taille se dresse toujours devant les Etats-Unis, et Brzezinski l’avait déjà parfaitement identifié: il s’agit de la Russie. Ce pays vient de se doter d’un nouveau président dont le discours et la poigne sont en passe d’inverser la tendance à la désagrégation de la Russie. Le Pentagone et la CIA observent avec intérêt puis angoisse le conflit qui se déclenche en Tchétchénie en août 1999. Alors encore premier ministre, Vladimir Poutine déclenche une vaste opération militaire contre la province séparatiste de Tchétchénie, suite à une série d’attentats meurtriers. Si le premier conflit entre décembre 1994 et août 1996 avait été catastrophique pour les troupes russes, le déploiement de forces et le niveau de violence de ce deuxième conflit permettent à la Russie de dominer les rebelles tchétchènes. En mai 2000, après seulement 9 mois de guerre, le contrôle russe sur la Tchétchénie est rétabli et les rebelles sont réduits à mener des opérations de guérilla limitées. Aux Etats-Unis, on comprend que le président Poutine vient de ramener la Russie sur les rails et que l’ère de la déliquescence est terminée.

Il est donc nécessaire d’abattre la Russie avant qu’elle ne rétablisse son contrôle sur le heartland.

Abattre la Russie passe par l’Ukraine

Brzezinski avait su pressentir que la Russie serait un adversaire des Etats-Unis pour le contrôle du Heartland. Il avait donc proposé un axe d’attaque contre elle, en identifiant l’Ukraine comme le grand point faible de la Russie renaissante.

L’Ukraine, explique-t-il, va devoir tôt ou tard choisir entre rester sous le contrôle russe, ou chercher une voie d’indépendance et s’engager vers la démocratie, et donc chercher à adhérer à l’OTAN ou à l’Union européenne. L’Ukraine peut se passer de la Russie, mais la Russie ne peut pas se passer de l’Ukraine. Pour Brzezinski, la réaction de la Russie à l’égard de l’émancipation de l’Ukraine vers l’Europe déterminera si les russes veulent devenir européens, ou s’ils souhaitent rester eurasiatiques et constituer une sorte de pays-continent isolé.

Viktor Iouchtchenko et Iulya Timochenko au moment de la Révolution Orange, en 2004

En 2004, l’Occident découvre avec stupeur qu’un candidat à la présidence ukrainienne, Viktor Iouchtchenko, a été empoisonné à la dioxine. Or, ce président est présenté comme étant « pro-occidental », face à son rival « pro-russe », Viktor Ianoukovytch. L’affaire prend des proportions telles que lorsque le résultat de l’élection présidentielle tombe, l’Ukraine entre dans une période de révolte qui sera appelée par la suite « la Révolution Orange ». Un second tour est réorganisé, et cette fois, c’est Iouchtchenko qui est élu président.

Il est très intéressant de noter ici la similarité entre la Révolution Orange et la Révolution des Roses qui a eu lieu en 2003 en Géorgie, dans des circonstances similaires, et qui verra l’accession au pouvoir du président Mikheil Saakachvili. Président qui d’ailleurs fuira son pays suite à des accusations de corruption et de détournement de fonds, et qui se rendra en Ukraine… où il deviendra député… avant de fuir à nouveau, mis en cause dans une affaire de corruption et de détournement de fonds!

La présidence Iouchtchenko ne se passe pas en douceur, et les affaires de corruption et de détournements de fonds se succèdent. Sa première ministre, Iulia Timochenko, égérie de la Révolution Orange, est une oligarque issue du milieu du pétrole. Ses liens avec les Etats-Unis sont très troubles, mais c’est surtout sa relation avec la Russie et principalement l’entreprise Gazprom qui la placent sur le grill. Il faut dire que ses agissements sont particulièrement troublants, et son implication dans le meurtre d’un député ukrainien au moment de la négociation de contrats très lucratifs sur la livraison de gaz à l’Ukraine apparaît comme très probable.

Hunter Biden, symbole de toutes les compromissions de la famille Biden en Ukraine, mais aussi en Chine…

Les crises se succèdent, et l’instabilité politique fait exploser l’animosité au niveau de la société civile. Dans ce climat très instable, les opportunités d’affaires très lucratives sont nombreuses mais risquées, et les enquêtes sont tout autant motivées par des raisons politiques que de véritables infractions pénales. Et c’est ainsi que le nom de Biden s’associe intrinsèquement au milieu des affaires ukrainiennes, lorsque Joe biden, alors vice-président de Barack Obama, se rend à Kiev. Son fils, dans la foulée, est nommé au conseil d’administration d’une société gazière, Burisma, avec de très juteuses opportunités affairistes à la limite de la légalité… Mais ceci est une toute autre histoire, qui dépasse largement du cadre de ce petit article sur les racines du conflit russo-ukrainien.

La suite, vous la connaissez tous, en principe: en novembre 2013, Viktor Ianoukovitch décide d’enterrer le projet d’accord avec l’Union Européenne, pour réengager le dialogue et la coopération avec Moscou. S’ensuivent alors des manifestations très violentes, au cours desquelles des dizaines de personnes, civils comme policiers, sont abattues dans des conditions mystérieuses et toujours non-élucidées. Ces événements mènent à la révolution de la place Maïdan, appelée « l’Euro-Maïdan », puis au coup d’Etat contre Viktor Ianoukovitch qui fuit le pays vers la Russie, et enfin l’annexion de la Crimée et la guerre civile dans le Donbass au cours de l’année 2014.

Manifestation pro-Européenne sur la place Maïdan, à Kiev

Le piège ukrainien

Le pourrissement de la situation en Ukraine a été voulu de bout en bout par les Etats-Unis. Le piège a été expliqué dans une publication de la RAND Corporation dès 2003 dans le rapport prospectif « NATO’s Eastern Agenda in a new strategic era », qui reprend comme par hasard la vision de Brzezinski sur l’Ukraine. Le rapport note qu’il n’y a aucun problème ethnique en Ukraine, où les habitants s’identifient d’ailleurs d’abord comme originaires de leur région, que comme ukrainiens. On y devine en filigrane que pour briser l’Ukraine, il faut jouer sur l’opposition entre la majorité « ukrainienne » et la minorité « russe », qui représente alors 8 millions de personnes sur une population de 47 millions. Une Ukraine fragmentée et instable n’est pas dans l’intérêt de la Russie, qui ne pourrait pas y intervenir militairement ni économiquement sans se mettre en danger.

Le rapport de la RAND Corporation identifiant l’Ukraine comme la faiblesse majeure de la Russie, avec la Géorgie et les pays Baltes.

On comprend entre les lignes que le plan pour l’Ukraine est simple: il faut d’abord la prendre au piège des relations vers l’ouest, en l’attirant avec des promesses de la part de l’Union européenne et de l’OTAN. Chose facile à l’époque, puisque l’Ukraine ambitionnait d’être un pont entre le monde occidental et la Russie, pour construire une prospérité durable. La position de l’Ukraine comme pont entre les deux mondes s’était d’ailleurs assise sur les gazoducs qui passaient sur son territoire, et généraient des revenus très conséquents.

En « décollant » l’Ukraine de la Russie, celle-ci allait perdre à la fois un de ses états satellites, mais elle allait en plus avoir à faire face à une menace stratégique, puisque l’OTAN serait littéralement à ses frontières, l’Ukraine n’étant plus un Etat tampon. La Russie devrait donc réagir politiquement, puis économiquement, et enfin militairement.

Or, au moment de l’élaboration de ce plan, la Russie était structurellement fragile, et n’aurait pu intervenir sans risquer de s’effondrer, comme l’URSS. Avec une Russie paralysée, voire empêtrée en Ukraine, il était ensuite facile de continuer le plan pour s’emparer du heartland au centre de l’Asie Centrale, voire in fine de démanteler la Russie en une multitude de petits Etats organisés autour des minorités ethniques les plus importantes en Russie: en divisant pour mieux régner, il aurait été plus simple de tenir sous emprise toute cette région.

L’aveuglement des élites US

Le problème de ce genre de plan, c’est qu’il ne peut pas se dérouler de façon rapide, et nécessite de s’inscrire dans le temps long, à l’échelle d’une génération au minimum. Et surtout, de réévaluer la pertinence du plan lui-même en fonction des évolutions au niveau mondial.

Les Etats-Unis n’ont pas su percevoir le changement de circonstances, ou du moins n’ont pas su en prendre toute la mesure. Pendant qu’ils étaient embourbés en Afghanistan et en Irak, un autre acteur étatique est parvenu au seuil de la super-puissance: la Chine.

Au cours des années 2000, la Chine est devenue littéralement l’atelier du monde, grâce à une politique de dumping économique très agressive qui a rendu toutes les industries occidentales totalement non-compétitives. L’Europe s’est engagée dans la voie de désindustrialisation et de délocalisation qui lui a coûté sa place de puissance économique dès la fin des années 1990, mais c’est surtout au cours des années 2000 que le mouvement s’est accéléré.

L’afflux de cash et de brevets techniques a transformé la Chine en moins d’une décennie, la sortant de son statut de pays du tiers-monde pour la faire devenir la deuxième puissance économique mondiale. Cette ascension a réveillé les appétits impériaux de la Chine, et surtout sa soif de ressources. Dès 2005, le livre blanc China’s Peaceful Development Road annonce les ambitions chinoises de co-développement avec les pays de l’ASEAN. Se réveillent également les tensions territoriales, en particulier sur le statut des îles disputées avec le Japon, les Philippines et bien sûr, Taïwan.

L’élan chinois atteint rapidement l’Afrique, et dès le début des années 2010, les journalistes commencent à parler de « Chinafrique », un terme calqué sur le concept de « Françafrique » pour désigner les relations d’influence française sur certains pays africains.

Xi Jinping au sommet du G20, en 2016

Puis en 2013, le président Xi Jinping lance officiellement l’un des plus grands projets de l’histoire chinoise moderne: les nouvelles routes de la soie. Baptisée « One Belt, One road Initiative », ce projet prévoit de développer les relations internationales avec un certain nombre de pays situés entre la Chine et l’Europe, via deux axes. Un premier, par voie maritime, est dirigé vers les pays tels que l’Indonésie, le Myanmar, le Sri Lanka, et s’oriente vers les pays du Moyen-Orient et d’Afrique, le second, par voie terrestre, s’oriente vers les pays… d’Asie Centrale.

Le partenariat sino-russe se renforce d’autant plus que l’Europe, les Etats-Unis et le Commonwealth britannique sont de moins en moins subtils dans leurs attaques contre le bloc qui se dessine et menace leurs projets d’hégémonie. Dans les faits, la Russie s’est repliée sur sa composante eurasiatique, et s’est ménagée un débouché vers la Chine et tout le sous-continent qui lui est lié, pour se préparer à une éventuelle confrontation politico-économique en Europe, suite à la crise qu’avait constitué la désormais oubliée crise du bouclier anti-missile américain qui devait être déployé en Pologne, en Roumanie et en Géorgie. Le conflit géorgien d’août 2008 a d’ailleurs constitué un électrochoc pour une partie du pouvoir russe, qui a compris qu’une confrontation avec l’Occident était inévitable. La Chine aussi l’a parfaitement compris, lorsque Barack Obama a annoncé le « grand pivot vers l’Asie » pour faire face à la montée chinoise, et soutenir ses satellites coréen et japonais. Une initiative aussitôt figée par la peur: le chercheur Graham Allison publie en 2012 un article dans le Financial Times, intitulé « Thucydides’s trap has been sprung in the Pacific », dans lequel il avertit que toutes les tentatives de confronter une puissance montante pour préserver l’hégémonie se sont soldées par une guerre désastreuse.

Conclusion

Toute la politique occidentale actuelle découle de cette période des années 1990 où les Etats-Unis se sont retrouvés sans adversaire. Pour maintenir leur privilèges, les dirigeants de l’Etat Profond ont créé des menaces, au premier rang desquels le terrorisme islamiste. En parallèle, la présidence démocrate s’est engagée dans un grand projet de géopolitique globale, en s’inspirant de la pensée de Zbigniew Brzezinski.

Ce projet, c’est la conquête du monde, qui commence par le contrôle du Heartland. Et pour conquérir le heartland, il faut amener la Russie à s’autodétruire dans une guerre en Ukraine.

Pourtant, cette théorie a été largement critiquée depuis sa formulation en 1904. D’une part, elle a inspiré l’idée du Lebensraum à Karl Haushofer, qui sera par la suite reprise par le National Socialisme et servira de justification à la Drang nach Osten, la « poussée vers l’Est » et l’opération Barbarossa. Une idée catastrophique pour le régime allemand et pour toutes l’Europe de l’est, jusqu’en Russie. D’autre part, parce qu’elle coïncide mal avec l’analyse « thalassocratique » d’Alfred Mahan, formulée dès 1899, qui démontre que la Puissance des grands Etats s’est toujours appuyé sur leur capacité à se projeter outre-mer pour aller rechercher des ressources, par le commerce ou la colonisation. Le fait est que 90% du commerce mondial passe par voie maritime, et que le contrôle des voies de navigation a conditionné l’essor et la chute des grands empires. Enfin, parce que contrairement à ce qu’affirme MacKinder, le contrôle de la région qu’il identifie comme étant le « heartland » n’a été déterminante qu’une seule fois dans l’histoire mondiale: lors des conquêtes mongoles de Gengis Khan. Encore que ce contrôle était parfaitement relatif et improductif, puisqu’il n’a pas été exploité et n’a jamais contrebalancé la puissance des centres les plus dynamiques du monde, qui se trouvaient alors en Europe occidentale et au Moyen-Orient.

Pour ces raisons, on le voit, le conflit ukrainien n’est pas près de s’arrêter. Il a été repoussé de 4 ans lors de l’élection surprise de Donald Trump en 2016, Hilarry Clinton ayant largement préparé la guerre lorsqu’elle était encore secrétaire d’Etat aux affaires étrangères sous Obama. Les Etats-Unis et l’Europe ont besoin de se convaincre que la Russie va s’effondrer à cause du conflit en Ukraine, pour pouvoir accéder au heartland sans aller à la guerre frontale. Mais c’est sans compter avec la Chine…

Le simple fait que l’Ukraine n’a jamais pu obtenir d’engagement sérieux pour son adhésion à l’OTAN ni à l’Union Européenne est la démonstration la plus éclatante qu’elle n’est qu’un pion sur le grand échiquier conçu par Brzezinski et sur lequel les démocrates ont décidé de placer leurs pions, parfois jusqu’à la corruption et les compromissions.

Reste à savoir désormais ce qui peut advenir de l’Occident si il échoue en Ukraine. L’arme économique des sanctions et du dollar sont devenus inefficaces, et sont même en train de se retourner contre les dirigeants et les peuples occidentaux.

L’Ukraine sera-t-il le tombeau de l’Empire américain?

Critiques: Les Galaxiales, de Michel Demuth

Un des grands monuments de la Science-Fiction française, laissé inachevé à la mort de son auteur il y a une vingtaine d’années, trouve ici sa complétude grâce à la plume d’une dizaine d’auteurs réunis sous l’égide de Richard Comballot.

Les Galaxiales, c’est un cycle de nouvelles dont l’ambition évoque celle des Seigneurs de l’Instrumentalité: raconter l’histoire future de l’Humanité, sur plusieurs milliers d’années. Michel Demuth avait commencé son cycle en 1965, l’avait poursuivi jusqu’à la consécration du Grand Prix de l’Imaginaire en 1977, malgré une carrière très accaparante. Quelques textes avaient été écrits dans les années 1980 et 1990, mais malheureusement, son décès devait laisser les Galaxiales inachevées, malgré une ébauche des textes qu’il restait à écrire et qui était connue depuis longtemps.
C’est grâce à la détermination de Richard Comballot d’achever cette oeuvre en mémoire de Michel Demuth que nous avons aujourd’hui ce volume des Galaxiales complété, ainsi que l’explique Serge Lehman dans sa préface.

La préface comme l’introduction sont excellentes et passionnées et m’ont quasiment convaincu d’aller acheter l’autre volume des œuvres de Michel Demuth (l’intégrale de ses autres nouvelles) avant même d’avoir entamé ce volume-ci. Surtout, ils retracent parfaitement l’histoire des Galaxiales et la vie de leur auteur, et donnent toutes les explications et les assurances sur les circonstances de leur achèvement par des auteurs tels que Ugo Bellagamba, Jacques Barbéri, Christian Léourier ou Dominique Warfa, pour n’en citer que quelques uns.

Les Galaxiales peuvent se scinder en trois parties, reflétant la vie (et « l’après vie ») de Michel Demuth. Le premier tiers du volume est très typé SF et se lit comme tous les classiques de l’époque, auxquels, clairement, Michel Demuth n’avait pas grand chose à envier. La toute première nouvelle de ce volume est d’une grande intelligence, le final est totalement inattendu… Les textes sont intelligents, et dessinent ce fameux avenir de l’Humanité selon la méthode de la « petite touche »: ce n’est qu’un élément de fond de l’histoire, pas son objet.

Le deuxième tiers m’a paru beaucoup moins SF et beaucoup plus « expérimental », là encore dans la mouvance de ce qui se faisait dans les années où ces nouvelles ont été écrites (années 1970). Le meilleur exemple en est la nouvelle « Elle était cruelle », écrite à la deuxième personne, comme dans un de ces livres dont vous êtes le héros. J’ai, personnellement, eu du mal à traverser ces textes, même s’ils restent bons.

Le troisième tiers, enfin, est probablement celui où les amateurs des Galaxiales ont le plus de craintes: difficile, en effet, de reprendre un cycle inachevé après la mort de son auteur, surtout quand on a affaire à un monument comme Les Galaxiales.
Le défi est-il donc relevé et surtout, réussi?
A mes yeux, oui, sans aucun doute. Les auteurs qui ont repris le cycle ne partaient pas d’une page blanche, et ont tous su inscrire avec succès leurs textes dans la grande fresque élaborée par Michel Demuth. Leurs textes renouent nettement avec la SF, par rapport aux textes du deuxième tiers. Les éléments de fond, les intrigues politiques, les rivalités entre empires, les rencontres du 3e type, la transformation de l’Humanité, tout y est évoqué tel que c’était sensé l’être, tout en développant des intrigues plus localisées et tout à fait intéressantes à suivre. J’ai énormément aimé Chasse en Syrénie de Christian Léourier, qui a vraiment mêlé avec brio une action typiquement SF avec un « fond culturel » qui pour le coup n’était plus vraiment de la « petite touche ». J’ai beaucoup moins apprécié Les Hommes-Soeurs d’Hermonville de Dominique Warfa, mais c’est certainement parce que l’histoire ne me parlait absolument pas, et non parce qu’elle serait ratée.

Dans l’ensemble, ce volume est une très belle découverte, et Kvasar a fait un très beau travail d’édition sur ce titre. Il ne manque qu’une seule petite chose qui je trouve aurait apporté un autre éclairage sur tous ces textes: j’aurais beaucoup apprécié que soit mentionnée la date de rédaction et de première publication des textes de Michel Demuth, qui ont été rédigés sur une période de plusieurs décennies. Pour la prochaine édition, peut être?

Que vous soyez connaisseur ou totalement nouveau face aux Galaxiales, vous pouvez aller les yeux fermés sur ce volume, car vraiment ce monument de la SF française vaut la peine d’être découvert.

Michel Demuth, Les Galaxiales – l’intégrale, éditions Le Bélial’, collection Kvasar, 2022 – 29.90€
ISBN 9782381630670

De la différence entre légalité, démocratie et légitimité…

L’un des arguments qui m’agacent le plus en ce moment dans les pseudo-débats sur la réforme des retraites est celui selon lequel il faudrait arrêter de dire que le gouvernement est passé en force de façon non-démocratique, sous prétexte que la procédure du 49.3 est prévue dans la constitution et qu’il y a eu un « vote » avec la motion de censure…

Les tenants de cette ligne font semblant d’ignorer la différence entre Démocratie et Constitutionnalité, et semblent totalement ignares des questions sur la légalité, la représentativité et la légitimité. Accrochez-vous, ça va être un peu long, désolé, mais c’est comme ça.

En France, la Constitution indique que la Souveraineté est détenue par le Peuple, qui l’exerce à travers ses représentants, élus au suffrage universel.

Lorsque dans une élection, environ la majorité des électeurs décide de ne pas se déplacer aux urnes parce qu’aucun candidat n’est jugé digne de recevoir un vote, et que le candidat élu l’est avec entre la moitié et les deux tiers des votants, il est évident qu’on ne peut plus parler de représentativité de l’élu: la majorité de l’électorat n’a PAS voté pour lui.

L’Assemblée Nationale n’est PAS représentative du Peuple français.

L’Assemblée Nationale n’est pas le seul organe législatif: elle est doublée du Sénat, qui est formé par suffrage « universel indirect », c’est à dire que seuls les élus votent. Le Sénat ne représente que les élus eux-mêmes, et certainement pas le Peuple français. Or, il participe au processus législatif, peut amender des textes, peut en proposer, peut être à l’initiative de réformes, au même titre que l’Assemblée Nationale, sans pourtant être représentatif du Peuple français. Il n’a pas la même légitimité, il a pourtant quasiment les mêmes pouvoirs que l’Assemblée Nationale.

Puis vient le Gouvernement, dont le rôle constitutionnel est d’appliquer les lois: c’est le pouvoir exécutif. Le Gouvernement est sensé être au service de l’Assemblée Nationale et du Sénat, eux-mêmes sensés exprimer la volonté du Peuple français; indirectement le Gouvernement est sensé être au service du Peuple.

Or, le Gouvernement a pourtant l’initiative législative, détermine les ordres du jour des deux assemblées, et dispose de pouvoirs permettant de passer en force des réformes et des lois sans passer par la procédure législative habituelle: présentation du texte, discussions, amendements, débats sur les amendements, vote final. Le Gouvernement peut imposer d’interrompre la procédure à tout moment et de faire voter directement, en « engageant sa responsabilité ». Rappelons que le Gouvernement est normalement un organe exécutif, pas législatif. Les membres du Gouvernement ne sont pas élus, mais désignés par un premier ministre, lui-même non élu, mais désigné par le Président de la République. On a donc un organe qui n’est ni démocratiquement désigné, ni légitime par rapport à l’exercice de la souveraineté française (« représentants élus au suffrage universel », rappelez-vous), qui agit hors de son cadre constitutionnel originel fondé sur la séparation des Pouvoirs mais bénéficie de pouvoirs de contrôle sur les deux assemblées.

Prétendre que ce système serait démocratique alors que par essence il ne l’est pas puisqu’il est denature autocratique, c’est donc faire preuve d’une méconnaissance absolue des principes régissant le Droit Constitutionnel, qui ne se limite pas à la seule Ve République. « Pfff n’importe quoi » me répondront ces stupides amibes sans cervelle, aussi vais-je leur répondre tout de suite: mon petit gars, le Droit Constitutionnel, ça inclut aussi et entre autres le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, donc si tu sais pas ça, va te faire enculer.

L’âge du départ en retraite, jusqu’en 2008, était fixé par convention collective de branche, c’est à dire négociée par les représentants des travailleurs avec les représentants des employeurs, puis validée par le vote des travailleurs et des employeurs. Démocratie directe, autodétermination, souveraineté, tout était parfaitement respecté.

A partir de 2008, réforme Sarkozy qui fait basculer les conditions de départ à la retraite dans le Code de la Sécurité Sociale plutôt que dans le Code du Travail. Le Code de la Sécurité Sociale ne permet plus aux salariés de décider de leurs conditions de travail, comme le prévoient pourtant les dispositions du préambule de la Constitution de 1946, puisque c’est désormais le Gouvernement qui en gère tous les aspects.

Inconstitutionnalité de la réforme, illégitimité absolue de l’action gouvernementale, mais tout passe crème malgré les protestations populaires.

Et donc on en arrive désormais à cette réforme de 2023, qui n’est ni légitime (décidée par un organe non élu), ni démocratique (imposée aux Assemblées, puis vote bloqué non sur la Loi mais sur la confiance au Gouvernement, deux choses qui n’ont rien à voir), ni constitutionnelle (puisque viole toujours le préambule de la Constitution de 1946).

Le Conseil Constitutionnel est un organe non élu, donc les représentants sont désignés pour partie par le Président de la République, pour partie par les deux Présidents des assemblées, eux-mêmes élus par les membres desdites assemblées. Le Conseil Constitutionnel n’est donc ni démocratiquement élu, ni garant de la Souveraineté du Peuple français dont il n’émane absolument pas. Il ne se saisit que sur décision politique, et peut même décider de ne pas statuer. Dans les faits, et c’est déjà arrivé, il peut noter des inconstitutionnalités mais valider quand même un texte.

Quiconque prétend que notre système est démocratique, et que notre système politique respecte la Constitutionnalité, est un baltringue qui méritera le même sort que ces foutus enculés qui prétendent nous gouverner.

Et histoire de bien finir de casser le débat, je vais sortir le quasi Godwin: en juin 1940, Pétain est arrivé au Pouvoir en toute légalité, selon les procédures prévues par la Constitution de la IIIe République. De Gaulle, lui, était un fuyard qui a abandonné son poste, appelait à renverser le gouvernement en place et à mener des actions violentes et de sabotage, et était condamné à mort pour ça par le régime. Qui est resté dans l’Histoire comme l’archétype du traître, et qui est vu comme l’incarnation de la Souveraineté du Peuple français?

Parle-moi encore de légitimité, de constitutionnalité et de démocratie pour défendre la réforme des retraites, et ça va très mal se passer.

Sur les mandats d’arrêts de la CPI lancés contre la Russie…

Des enfants et leurs institutrices s’abritent dans le couloir de leur école maternelle contre un bombardement ukrainien en cours. L’image et sa légende viennent du site du Comité International de la Croix Rouge.

La Cour Pénale Internationale lance donc un mandat d’arrêt contre le Président Poutine et la commissaire aux droits des enfants Maria Lvova-Belova, sur le fondement d’éléments « traduisant une déportation forcée d’enfants depuis les territoires ukrainiens occupés jusque sur le territoire de la Fédération de Russie ».

Déjà, l’accusation est bancale: l’évacuation de populations civiles d’une zone en état de guerre n’a rien d’une « déportation forcée » en soi. La cour ne donne aucun détail, mais elle se baserait ici sur le fondement de l’article 7 de son statut, relatif aux « Crimes contre l’Humanité », et spécifiquement son 1.d « déportation ou transferts forcés de populations ». Le 2.d précise la notion: « Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international ».

Il semble assez clair ici que la Russie n’intervient pas auprès des enfants ukrainiens « par force » en les « expulsant » ou « par d’autres moyens coercitifs » (le mot « coercitifs » est extrêmement important, il traduit l’emploi d’une force militaire ou policière utilisant la menace ou la violence). Le motif « admis en droit international » est simplement l’aide humanitaire aux populations: des enfants, parfois orphelins, sont envoyés en Russie où ils reçoivent une assistance médicale, psychologique, et suivent des cours d’instruction.
L’objectif initial de cet article était de sanctionner les déplacements forcés de populations soit vers des camps (à l’image de ce qu’a fait Israel avec les Palestiniens), soit vers un pays tiers, comme par exemple l’expulsion des arméniens de la zone conquise par les azerbaïdjanais récemment au Haut-Karabagh.

Il y a donc ici un clair détournement de l’objectif initial qui a motivé la rédaction de cet article, qui pose question.

Le statut de la CPI impose à celle-ci de ne pouvoir se saisir que dans le cas d’un refus de l’Etat visé par des accusations de s’en saisir et d’instruire une procédure judiciaire. Dans le cas présent, il n’y a eu apparemment (de ce que je peux trouver) aucune plainte déposée en Russie, sur un quelconque fondement (par exemple « enlèvements »).
Elle peut également se saisir si le Conseil de Sécurité de l’ONU le lui demande en lui donnant compétence pour le faire, lorsque les faits sont tels qu’une procédure judiciaire normale serait inadaptée ou ne serait pas susceptible de venir en aide aux victimes présumées. Dans le cas présent, le CS ne s’est pas saisi d’un tel dossier: il n’y a même pas eu discussion/débat du « problème ».
Il semble donc extrêmement douteux que la Cour puisse lancer un tel mandat d’arrêt à l’encontre de deux personnalités russes, alors qu’elle n’en a pas la compétence.

Enfin, et le problème est de taille: l’Ukraine n’a jamais adhéré au statut de la CPI, même si elle lui a délégué une compétence très limitée dans le temps et l’espace pour les faits commis sur son territoire entre le 21 novembre 2013 et le 22 février 2014 (les événements de Maïdan), puis dans un second temps, pour les faits commis sur son territoire depuis le 20 février 2014. La déclaration vise expressément (mais pas limitativement) les actions russes dans le problème du conflit dans les région séparatistes du Donbass.
La Russie, quant à elle, a une situation bancale vis-à-vis du statut de la CPI. Le gouvernement l’a signé, mais comme aux Etats-Unis, c’est le Parlement qui valide cette signature. Or, la Douma ne l’a jamais fait, ce qui plaçait la Russie dans une situation étrange où elle n’est pas membre de jure stricto sensu, mais où sa volonté initiale a pu entrainer des conséquences juridiques (on considère qu’elle a manifesté son intention, même si elle ne s’est pas concrétisée). En 2013, le Président Poutine a écrit à la CPI pour lui confirmer l’intention de la Russie de ne PAS adhérer au statut, suite à la mise en cause tout à fait politique de son action militaire en Géorgie en août 2008. Le Statut prévoit en son article 127 qu’un Etat puisse se retirer de la CPI: la Russie a manifesté son intention de ne pas adhérer, ce qui ne constitue certes pas sur la forme un retrait pur et simple, mais en a clairement les conséquences juridiques. Les esprits chagrins qui expliqueraient que « oui mais du coup la Russie n’avait pas le droit de le faire parce que c’était pas la bonne démarche » n’auront qu’à consulter la Convention de Vienne de 1969 sur l’application des Traités, article 56, et constater que la Russie s’est effectivement retirée de facto et de jure de la CPI.
La Cour n’a donc pas de compétence sur ce fondement pour émettre un mandat d’arrêt à l’encontre d’un quelconque citoyen russe, à fortiori donc, contre Vladimir Poutine et contre Maria Lvova-Belova.

Il est intéressant de savoir que le procureur à l’origine de ces mandats d’arrêts est Karim Khan, qui, comme son nom l’indique, est… britannique. Il est particulièrement intéressant de savoir que c’est précisément lui qui, à son arrivée au poste de procureur en 2021, a écarté de tout examen préliminaire par la Cour les faits potentiellement répréhensibles commis par la coalition internationale en Afghanistan depuis l’invasion de 2001.

En conclusion, que ce soit en faits ou en Droit, la CPI n’a ni la compétence, ni la légitimité pour procéder à l’émission de ces mandats d’arrêts.
Elle est clairement motivée par des volontés politiques, ce qui est un reproche très récurrent et persistant qui lui est adressé, notamment par les pays africains, qui ont été les seuls pendant très longtemps à subir ses procédures, le plus souvent dirigées contre des chefs d’Etats et membres de gouvernement jugés « indolents » par les pays occidentaux comme la France ou le Royaume-Uni.

En résumé, une fois de plus, la CPI se déshonore en servant d’instrument politique totalement détourné des buts nobles qui étaient affichés comme les siens au moment de son institution en 2002. C’est un pas de plus vers la dissolution d’un ordre international construit depuis 1944 et participant à l’organisation des relations inter-étatiques, malheureusement trop souvent au seul profit de quelques Etats, au premier rang desquels les Etats-Unis et certains pays d’Europe.

Et pendant ce temps-là, les enfants des régions séparatistes du Donbass continuent d’être bombardés régulièrement par les forces ukrainiennes sans que ça n’émeuve personne.

Intéressante leçon de propagande ukrainienne

Capture d’écran de la vidéo sujet de cet article

Une vidéo est apparue sur le site ukrainien cenzor.net, montrant un soldat ukrainien fumer une cigarette et dire « slava ukraini » (« gloire à l’Ukraine ») avant d’être abattu par des rafales d’armes automatiques (des kalach’, pour faire simple). On entend à la toute fin le type qui filme insulter l’homme exécuté. La vidéo dure 12 secondes et ne montre absolument rien d’autre que ça. Personne n’est identifié. La partie ukrainienne n’a évidemment pas tardé à dénoncer un crime de guerre commis contre l’un de ses soldats.

Moins de 3 heures après la publication de la vidéo, une femme se présentant comme la soeur de la victime affirme l’avoir reconnu et l’identifie formellement, comme étant Timofii Shadura. Cet homme appartiendrait à la 30e brigade mécanisée (une unité d’infanterie disposant de transports blindés, pour faire simple), et aurait disparu le 3 février dernier, à Bakhmut/Artiomovsk, en combattant les « russes » (en réalité, c’est la PMC Wagner, et non l’armée russe).

Clairement, la vidéo montre un assassinat. Aucun doute là dessus, ce n’est pas une mise en scène. Seulement voilà, il est impossible de savoir qui a exécuté cet homme simplement en se basant sur la vidéo, qui est apparue sur la chaîne Telegram WarLife18+ (Voyna18), d’après le site cenzor qui donne directement le lien de la publication.

Or, il se trouve que cette chaîne publie exclusivement des vidéos et images issues… de la partie ukrainienne. Ce sont les soldats ukrainiens qui les envoient directement depuis le terrain à l’administrateur de WarLife18+ via un bot de contact. J’ai moi-même remonté pas mal sur le fil de publication de ce canal et je n’y ai trouvé que des vidéos ukrainiennes, aucune issue des russes ou de Wagner. Aucune affirmation « classique » selon laquelle la vidéo aurait été « découverte » sur le portable d’un « soldat russe » « abattu au front ». Aucune affirmation non plus selon laquelle la vidéo aurait été tournée par la partie russe ou Wagner. La légende dit simplement: « 18+ « Militaires » russes tirent à bout portant sur un prisonnier de guerre ukrainien non armé, ses derniers mots ont été « Gloire à l’Ukraine ». Warlife18+ ».

Si vous êtes habitué à la communication, vous comprenez immédiatement qu’il y a anguille sous roche.

Si vous suivez le conflit russo-ukrainien depuis un an, vous savez que les soldats ukrainiens qui cherchent à se replier du front, sans avoir obtenu expressément l’ordre de le faire de la part de Zelenski et du haut commandement militaire, se font tirer dessus par les membres des formations extrémistes d’Azov et Aidar (principalement, mais il y a aussi des unités plus « confidentielles » issues de formations plus politiques que militaires, comme Pravy Sektor, qui agissent comme « commissaires politiques » dans les lignes arrières*).

Ma conclusion, et je peux vous garantir que j’en suis sûr à 100%, c’est que cette vidéo montre un soldat ukrainien être exécuté pour « désertion » et « lâcheté » par des membres d’une unité ukrainienne, probablement issus de l’une ou l’autre de ces unités extrémistes qui traquent les soldats qui essaient de se replier ou qui ne montrent pas suffisamment de « zèle guerrier ». Les derniers mots de la victime, « slava ukraini », montrent simplement que ce n’était pas un déserteur et qu’il s’est battu jusqu’au bout pour son pays, ou du moins ce qu’il croyait être son pays.

* Il se trouve que justement Wagner a annoncé la mort de l’un des « officiers » de Pravy Sektor à Bakhmut/Artiomovsk, rattaché à la 67e brigade de fusilliers spécialisés. L’homme, Dmitry Kotsyubailo (indicatif « Da Vinci »), était connu depuis 2014 en raison de ses exactions dans le Donbass contre les populations civiles. C’est également lui qui avait fait l’odieuse « blague » (parce qu’il l’a dit en rigolant, pas parce que c’en est une) dans une interview au New York Times selon laquelle il avait nourri un loup avec les os d’enfants russophones. Zelenski lui avait remis la médaille et le titre de « héros de l’Ukraine » en 2021…

Pour les élites, la guerre est un jeu

Un banal post Linkedin est l’occasion pour moi de vous expliquer un peu pourquoi il y a la guerre en Ukraine plutôt que la paix.

Le post ci-contre est issu de l’Atlantic Council, un think tank dont l’activité est de promouvoir les activités de l’OTAN auprès des politiques et, indirectement, du grand public.

Dans ce message (consultable sur le site de l’Atlantic Council), typique de la pensée stratégique occidentale, l’organisation fustige les avocats d’une paix immédiate en Ukraine, ou au moins d’une action pour figer le conflit dans son état actuel. C’est la solution classique qui s’offre aux diplomates, pour tenter de résoudre par la suite la crise par la voie diplomatique. On l’a vue, par exemple, s’appliquer à propos du Haut-Karabagh, en Arménie/Azerbaïdjan, pas plus tard que l’année dernière. Le but de ce genre de paix est de protéger les populations civiles et les infrastructures, la guerre n’épargnant ni les unes, ni les autres.

L’Atlantic Council considère qu’en Ukraine, une telle paix reviendrait à reconnaître les « gains territoriaux » de la Russie, à savoir la Crimée (annexée en 2014), la République Populaire de Donetsk, la République Populaire de Lougansk, l’Oblast de Kherson et l’Oblast de Zaporijjie. Ce n’est absolument pas le cas: une paix immédiate (ou en tout cas un armistice, c’est à dire la cessation des hostilités) aurait pour effet de figer le front, mais n’aurait aucunement pour effet juridique de reconnaître quelque concession de territoire que ce soit.

La logique de l’Atlantic Council (et de toute la pensée militaire occidentale, en général) est qu’il faut d’abord « reconquérir » par les armes ces territoires avant de commencer une quelconque négociation de paix. Il s’agit d’obtenir un ascendant stratégique sur l’adversaire pour le forcer à accepter plus de concessions lors d’éventuelles négociations de paix.

Ceci, mesdames et messieurs, est le résultat de 50 années d’enseignement de la « Théorie des jeux » dans les écoles de pensée stratégique. La théorie des jeux est une série de principes selon lesquels on cherche à maximiser des gains tout en minimisant la mise de départ et/ou les pertes. Basée essentiellement sur des calculs statistiques, cette théorie est issue de la recherche en économie, où elle a fait sa première apparition sous la plume de John von Neumann et d’Oskar Morgenstern, en 1944. C’est surtout John Nash qui en sera le plus fervent constructeur, et qui permettra à ces principes dits « ludiques » (d’où le nom « théorie des jeux ») de s’appliquer dans des domaines aussi variés que la sociologie, la psychologie, et bien sûr, la stratégie militaire.

Le développement de cette pensée amène le militaire à envisager la guerre comme un « jeu », où il faut maximiser les « gains » (territoriaux, économiques, politiques…) tout en minimisant les pertes (territoriales, troupes, équipements…). Elle entraine, dans la pensée des généraux, l’idée que pour que les armes se taisent, il faut avoir obtenu quelque chose dont la valeur surpasse les coûts dépensés pour l’acquérir.

Les pays de l’OTAN ont dépensé en 1 an plus de 240 milliards de dollars dans ce conflit, chiffre qui ne fait qu’augmenter chaque jour ou presque, avec toujours plus d’annonces de livraisons de matériels, de munitions, et d’aides financières (qui ne sont que des prêts à fort intérêts, mais passons…). Ce chiffre vertigineux donne une idée de ce qu’il faudrait que l’OTAN obtienne pour accepter de ne serait-ce que figer la guerre en Ukraine, dont le gouvernement n’a plus son mot à dire, et qui de toute façon ne dirait probablement rien puisqu’il profite des sommes astronomiques englouties dans le pays pour s’enrichir de façon exponentielle via la corruption et divers trafics très rentables en temps de guerre…

L’étendue des pertes occidentales en Ukraine, dans cette perspective, s’apparente à celles d’un joueur compulsif dans un casino, qui s’endette de plus en plus en espérant se refaire grâce à un coup de chance.

La guerre n’est pas un jeu, elle a causé la mort de centaines de milliers de personnes depuis un an, et a déplacé plus de 13 millions d’ukrainiens. Nos gouvernants et leurs états-majors sont coupables directement de la ruine de l’Ukraine et de l’Europe.