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Humanité: une histoire optimiste, ou la crétinerie communiste en exemple

Rutger Bregman, Humanité: une histoire optimiste, Seuil, 423p.

Un livre révolutionnaire dont l’objectif est de changer la vision des gens sur la nature de l’être humain, qui serait bon, gentil et prévenant envers son prochain. L’auteur explique que c’est d’ailleurs un fait scientifique attesté, que nous ignorons pourtant. Étonnant? Non, révolutionnaire, on vous dit!

Bregman a rédigé son livre avec une méthode éprouvée, qui est de démonter une thèse pour la décrédibiliser, tout en amenant son lecteur vers sa propre conclusion. Après tout, si tel ou tel discours est erroné, c’est que l’alternative est forcément vraie. C’est totalement redoutable et particulièrement efficace, d’autant plus quand le lecteur est confronté à ses propres aspirations et opinions et conforté dans celles-ci.
Le point fort de ce livre est qu’il fait appel à des connaissances sur notre nature profonde. Notre histoire et notre évolution, notre psyché, notre sociabilité, tout est brillamment appelé en renfort de la thèse de l’auteur.

D’abord incrédule, je me suis laissé prendre au jeu du « et si… ». On a envie d’y croire: le monde dans lequel nous vivons est déprimant, et si nous pouvions avoir confiance envers nos semblables, le monde serait probablement meilleur.


Seulement, j’ai eu un sentiment de malaise indéfinissable et grandissant au fil des pages. Bregman démolit Sa Majesté des Mouches, Stanley Milgram (Soumission à l’Autorité), Philip Zimbardo (the Lucifer Effect), Thomas Hobbes (Léviathan), nous parle de l’auto-domestication de l’être humain, nous compare aux grands singes, nous parle de l’île de Pâques et de sa « vraie » histoire, nous explique que la guerre n’est pas naturelle etc. Il le fait très bien, mais à force d’insister, on sent que quelque chose cloche et nous agace. Et on finit par se rendre compte que Bregman part systématiquement du fait particulier pour démonter le général. Il part de l’exception pour contredire la règle. Et ça, ça s’appelle de la manipulation.

Si j’ai mis de côté mes doutes sur la première partie de l’ouvrage, pour garder un esprit véritablement ouvert et mettre à l’épreuve mes certitudes, il y a eu un moment où j’ai failli fermer le livre, arrivé au premier quart de ma lecture. Bregman tombe dans la bonne vieille opposition Rousseau/Hobbes, résumée à « homme bon de nature » contre « homme mauvais par nature ». Évidemment, Bregman est du côté de Rousseau et explique que Hobbes s’est fourvoyé. De toute évidence, Bregman n’a jamais lu un quelconque mot de Hobbes.


Hobbes expliquait que « l’homme est un loup pour l’homme » dans l’état de Nature, parce que les désirs des uns et les désirs des autres entraient en conflit: la liberté des uns ne s’arrête pas là où commence celle des autres, et cherchera à s’exprimer en dépit d’eux. C’est la loi du plus fort qui règne. Dans un tel monde, la seule manière de se protéger individuellement contre autrui est d’unir ses forces à celles d’autres individus. Une telle union n’est possible que si un pacte social est formé entre les participants, dont l’effet principal est la mise en place de barrières aux libertés de chacun (« …là où commencent celles des autres »). le pacte social est la base fondamentale sur laquelle va se construire une organisation complexe qui prendra le nom d’Etat, qui acquièrera une autonomie propre vis-à-vis de ses membres, une sorte de monstre appelé « Léviathan » par Hobbes, en référence au monstre gigantesque de la Bible. Le Léviathan est ainsi un tout plus grand que la somme de ses parties. Il n’y a chez lui aucune référence au bien ou au mal, parce que tout ceci se passe en dehors de toute moralité. Hobbes passait pour un absolutiste parce qu’il considérait que le spirituel (la Religion) devait se soumettre au corps social (et donc au pouvoir civil), et non l’inverse.
Chez Bregman, Hobbes devient un cynique asocial faisant l’éloge du Pouvoir et de la tyrannie. Et évidemment, Rousseau est paré de toutes les vertus humanistes… Survient ainsi la première attaque contre la Propriété Privée, d’une manière si grossière et crasse que j’ai failli fermer le bouquin à ce moment là.

Ce passage est si central dans Humanité qu’il est difficile de croire que Bregman, qui a clairement fait des recherches importantes, n’ait pas lu Hobbes et n’ait pas sciemment rédigé son texte de façon à manipuler son lectorat dans le sens de sa propre thèse (j’y reviendrais). C’est là que j’ai réalisé que Bregman partait toujours du singulier pour contredire le général, ce que la suite de l’ouvrage me confirmera largement. Surtout, j’ai réalisé que Bregman, si enclin à démolir les arguments qui contredisent sa théorie, se livre sans mesure à une pratique qu’on appelle « cherry picking » (« cueillette de cerises »), c’est à dire à choisir spécifiquement des exemples qui vont dans son sens à lui. Alors qu’il remet toujours en doute les expériences et enquêtes qui tendent à démontrer l’inverse de ce que lui explique, il ne remet jamais en doute ses propres sources et articles, ce qui est pourtant l’un des fondements de la démarche scientifique. Pour un auteur qui affirme sans vergogne que sa thèse est « démontrée par la Science », autant dire que ça fait lever un sourcil. Mais j’ai poursuivi ma lecture, en considérant que Bregman voulait vraiment montrer quelque chose d’optimiste, et que remettre en question ses propres sources ne l’aurait pas vraiment permis.

Mais Bregman se contrefout de nous faire comprendre que « la plupart des gens sont des gens biens ». Non, il a un objectif derrière ça.
Et cet objectif apparaît dans toute sa splendeur dans le dernier quart de son bouquin: faire la promotion du Communisme et de toutes ses variantes contemporaines, présentées comme « révolutionnaires », « incroyablement réussies », « avec des résultats époustouflants ».
Et là, j’enrage, parce qu’il ose nous ressortir le bon vieux « Staline, Mao, les Khmers Rouges, c’était pas le vrai communisme ». « La propriété privée, c’est le mal, il faut tout mettre en commun ». Et sans surprise, je vois débarquer le nom d’Elinor Ostrom pour justifier cette affirmation, comme dans les immondices sur les « communs » rédigées par le collectif Utopia. Sauf qu’Elinor Ostrom n’a jamais été communiste: elle a travaillé sur la gestion commune des ressources détenues par des citoyens lorsque l’État ne peut ou ne veut pas s’impliquer. Son travail sur les « communs » n’a rien à voir avec l’abolition de la Propriété privée: chaque membre de la « communauté » détient l’entière et pleine propriété sur le bien qu’il verse au commun, et peut se retirer quand il le souhaite. Les communs, chez Ostrom, sont à comprendre comme « intérêts communs », et non comme « propriété commune ».


Bregman cite l’État de l’Alaska, qui verse à ses citoyens une pension tirée des revenus générés par l’industrie pétrolière. L’exemple parfait de ce que peuvent générer les communs: de l’argent de poche qui profite à tous pour ce que bon lui semble. Bregman, par contre, ne parle pas d’un autre État qui a fait exactement la même chose, et qui est aujourd’hui l’un des plus pauvres et des plus menacés de la planète: Nauru.
L’archipel de Nauru était extrêmement riche au 20e siècle grâce à l’exploitation de ses gisements de phosphates. Tout était payé par l’exportation de cette ressource, tout était pris en charge par l’État, et les habitants disposaient d’un niveau de vie très élevé. Puis les ressources se sont taries, et comme l’argent qu’elles ont généré a été employé pour les loisirs et la consommation, Nauru s’est retrouvée du jour au lendemain sans aucun revenu ou presque pour payer ses fastueux programmes sociaux et son mode de vie. Nauru est aujourd’hui un cauchemar, plateforme de tous les trafics imaginables, parce qu’il n’y a plus rien d’autre pour faire vivre ses habitants qui souffrent à la fois d’obésité et de malnutrition.
Et Bregman ne peut pas l’ignorer, parce que ce qui est arrivé à Nauru est l’archétype de ce qui se passe quand on applique des préceptes communistes tels que ceux qu’ils professe dans la fin de son livre.

Tout ça pour ça. Un bouquin de 400 pages, qui aborde son sujet un peu par tous les bouts, dans l’unique but de nous faire replonger la tête dans la bassine de purin qu’est l’idéologie communiste. « Le monde est mon copain, rions, dansons, baisons, sans nous préoccuper du lendemain ».
Ce bouquin est dangereux, parce qu’il fait croire à ses lecteurs que le monde est gentil. Ce n’est pas vrai. Bregman n’a jamais voyagé le soir dans un RER ou marché seul dans une rue de quartier dans une grande ville. Il n’a jamais confronté ses sentiments sirupeux à la réalité, lui qui se targue d’expliquer que son livre est bâti sur la Science, oubliant de préciser qu’en fait de « Science », il s’agit de sciences sociales, et que les sciences sociales sont une dialectique et un compromis qui fluctue selon les circonstance, comme et avec la pensée humaine (le racisme et l’eugénisme AUSSI étaient des sciences à leur époque…).

Humanité est de ce genre de bouquins qui prend son lecteur par la main avec bienveillance et l’emmène sur le chemin de l’Enfer pavé de bonnes intentions. Le « réalisme » dont il se prétend être issu est un idéalisme naïf, qui a coûté la vie et continue de coûter la vie de centaines, de milliers de personnes. En niant que notre nature est ambivalente selon les circonstances (et non « fondamentalement bonne »), Bregman rejoint ces cohortes de personnes qui un beau matin se retrouvent avec un couteau sous la gorge sans comprendre que leur prochain n’est pas et ne sera jamais leur « frère ». Il faudrait un bouquin complet pour démontrer (une fois de plus) les erreurs et les contresens de la thèse de Bregman, qui n’a rien d’original puisqu’elle date du 17e siècle.


C’est le problème avec ces gens: 3 siècles de contre-arguments et de contre-exemples ne changeront rien à leur adhésion à une idéologie mortifère. Ils sont dans leur monde, dans leur mentalité sectaire, et le jour où ils acquièrent suffisamment de pouvoir, commence l’épuration des gens qui ne pensent pas comme eux. Dans le cas de Bregman, on sait déjà qu’on nous alignera contre le mur au motif que nous sommes pessimistes, et que notre discours agit comme un nocebo sur le corps social, comme on pendait les « défaitistes » aux réverbères à la fin de la seconde guerre mondiale.

Le Maroc, entre Islam fondamentaliste et sorcellerie

De trop nombreux « islamologues » racontent tout et n’importe quoi sur la nature de l’Islam, et parlent les uns de religion, les autres d’idéologie. Et c’est ainsi que le mélange des genres débouche sur des articles où l’on mêle tout et son contraire, proclamant que l’Islam est une religion de paix, les autres que l’Islam est plural et qu’à ses débuts, il était permis de critiquer ses préceptes fondamentaux et même que l’Islam acceptait l’homosexualité. Ces articles sont rédigés par des gens qui ne connaissent visiblement ni l’histoire et les principes de l’Islam, ni l’histoire des peuples au sein desquels il s’est répandu.

Rapidement et succinctement, l’Islam peut être défini comme un projet de société politico-juridique fondé sur une révélation d’essence religieuse, servant à le transcender au-delà des affaires humaines, et donc à le protéger contre toute remise en cause. C’est, en quelque sorte, un contrat social sacralisé: d’une part, le musulman passe un « contrat » social avec la Umma (« communauté islamique »), qu’il rejoint comme un citoyen rejoindrait un pays et en adopterait la nationalité. D’autre part, le musulman passe un pacte avec Allah, envers lequel il se soumet pleinement et s’engage, en tant que croyant, à répandre la Parole incarnée dans le Coran.

L’Islam s’est répandu très rapidement dans sa première phase d’expansion, au cours du VIIe siècle, à la fois par la soumission par les armes (conquête) et par la soumission volontaire (conversion). Cette expansion s’est réalisée sur des espaces où l’autorité des Etats était en déliquescence, et s’est faite d’autant plus facilement que les dirigeants islamiques n’étaient pas fanatiques et laissaient une marge d’interprétation aux peuples qu’ils avaient convertis. C’est ainsi que localement, l’Islam absorbé un certain nombre de traditions « acceptables » dans le cadre islamique, et ce phénomène est de plus en plus marqué à mesure que l’on s’éloigne du cœur religieux constitué par La Mecque, Médine et Bagdad.

L’exemple que je cite le plus souvent est ce qu’on appelle « danse orientale », autrefois « danse du ventre ». Ce qu’on prend aujourd’hui pour un trait culturel issu de la tradition islamique n’a en fait rien à voir avec l’Islam, puisqu’il s’agit d’une survivance d’une pratique typiquement babylonienne, inspirée du mythe d’Ishtar aux Enfers. La Déesse Ishtar, après que son époux ait trouvé la mort, descend aux Enfers pour aller le délivrer. Sept portes se trouvent sur son chemin, et chaque fois, elle doit se défaire d’un de ses voiles pour passer sans encombre. Lorsqu’elle parvient devant Nergal et sa consort Ereshkigal, Ishtar est nue, et doublement impuissante: hors de son royaume, son pouvoir est tari, ce qui est symbolisé par sa nudité. Cet épisode est célèbre et attesté dès l’antiquité, où son origine est déjà plus ou moins oubliée. On le trouve évoqué dans le Nouveau Testament, à travers l’épisode de la danse de Salomé (Marc, 6:22). Au fil des siècles, cette danse rituelle a évolué, s’est transformée, voire ancrée localement par des variantes ou des pratiques spécifiques, et a ainsi survécu à l’oubli dans un espace géographique et idéologico-religieux pourtant hostile aux traditions pré-islamiques.

Les exemples de survivance de traditions « païennes » pourraient faire l’objet d’un livre entier, aussi ne les multiplierais-je pas outre mesure, d’autant que ce n’est pas l’objet de cet article. Il est néanmoins important de comprendre que sous le vernis prétendument islamique, se cachent des traditions qui n’ont rien à voir avec l’Islam et que celui-ci ne saurait être considéré comme un ensemble cohérent et uniforme. La suite de cet article ne saurait donc être interprétée comme une attaque contre l’Islam, et en particulier contre l’Islam malékite qui est dominant au Maroc.

Maghreb et sorcellerie

Si vous connaissez des maghrébins, peut être aurez-vous remarqué à quel point ils ont tendance à être superstitieux. Si pour nous, occidentaux, les questions de possession démoniaque, de sortilèges et de magie noire appartiennent à un passé obscurantiste et font l’objet de films de divertissement, ces questions sont tout à fait prises au sérieux au Maghreb (en fait, il n’y a guère que dans l’Occident moderne où ces questions sont prises à la rigolade et moquées de façon totalement crétine).

Ce qu’on qualifie avec un peu de mépris de « folklore » n’a pourtant rien d’une blague et constitue un élément du quotidien. Si l’existence de Jinns (ou esprits du feu) est ancrée dans le Coran, le Maghreb pré-islamique connaissait lui aussi l’existence de démons et autres esprits malfaisants. Les Jinns coraniques et les « mauvais esprits » du Maghreb antique se sont mêlés par correspondance (« syncrétisme ») pour donner la tradition maghrébine « ésotérique » que l’on peut parfois apercevoir.

La Main de Fatma, ou Khamsa en Tunisie, et Tafust en langues berbères.

L’exemple parfait de cette tradition ésotérique est le symbole que l’on connait sous le nom de « Main de Fatma », surtout connu en Occident sous la forme de pendentifs. Loin d’être de simples bijoux, il s’agit d’amulettes ayant la propriété de protéger leur porteur contre le « mauvais sort », c’est à dire les envoûtements, la sorcellerie et la malchance.

L’origine de ce symbole est à chercher du côté de l’antique Phénicie. Les phéniciens sont en effet les fondateurs de l’antique ville de Carthage (fondée par la princesse Elyssa, ou Didon, qu’Enée abandonnera pour se rendre en Italie, selon l’Enéide de Virgile), devenue Tunis après sa chute sous les coups des romains en 146 avant notre ère. La Phénicie se trouvait sur la côte orientale de la méditerranée, entre l’actuelle Syrie et l’actuel Israel. La Khamsa est liée à la déesse Tanit, que l’on peut plus ou moins identifier avec… Ishtar, la déesse babylonienne. Oui, le monde est assez petit quand on commence à gratter un peu la surface de l’ésotérisme, on retombe toujours sur la Mésopotamie, d’une manière ou d’une autre.

Femme berbère tatouée de façon traditionnelle. Les tatouages sont ici définitifs, mais la démarche est très similaire à celle du harqûs et a une fonction ésotérico-mystique, en plus d’une fonction sociale typique de la culture amazigh. Le tatouage sur le menton indique que cette femme est veuve, par exemple.

C’est le même principe avec le tatouage au henné, appelé harqûs au Maghreb (je simplifie énormément pour cet article déjà long, mais le sujet est bien mieux développé dans cet article). De nos jours simplement vu comme un art décoratif par les touristes occidentaux ignorants (et il faut aussi le dire, le tatouage au henné est souvent devenu une attraction commerciale juteuse), le harqûs est en réalité une pratique ésotérico-magique visant à protéger celui ou celle qui en porte les motifs contre les mauvais esprits et le mauvais sort. Loin d’être anecdotique, il s’agit d’une tradition millénaire, que l’on retrouve du Maroc au Bangladesh, et qui a une fonction de protection voire d’exorcisme. L’exorcisme dont il est question ici n’est pas ce rituel catholique visant à extirper un démon d’un possédé en lui appliquant une croix sur le front, mais une pratique à mi-chemin entre la médecine et le désenvoûtement. Là encore il faut faire appel à la Mésopotamie pour comprendre: la maladie, les douleurs et autres afflictions étaient interprétées comme étant le fait d’un esprit mauvais ayant pénétré le corps. L’utilisation de plantes, de fumigations, de cataplasmes et décoctions, aux côtés de formules rituelles, permettait de chasser le démon, et de faire guérir le corps et l’esprit. D’une certaine façon, il s’agissait de rites que l’on appellerait aujourd’hui « shamaniques ». Ainsi, le marquage au henné s’interprète comme étant l’apposition d’une marque symbolique valant « amulette » pour chasser le mal et s’en protéger.

Le Maroc, épicentre religieux et de magie noire

C’est ce contexte largement méconnu en Europe que survient le Maroc, comme énoncé dans le titre de cet article. Pays à la fois ancré dans une forme d’islamisme avec l’application partielle de la Sharia et des mosquées grandioses, mais aussi perpétuant des valeurs traditionnelles en principe réprouvées par l’Islam, le Maroc est un pays que les occidentaux croient connaître à travers ses aspects touristiques alors qu’ils ne voient que très rarement l’envers du décor, beaucoup moins apte à se trouver sur des cartes postales.

L’illétrisme et la misère y sont chose commune, malgré l’action gouvernementale pour tenter d’améliorer la situation des plus pauvres, du moins officiellement. Car les régions pauvres sont également celles qui produisent le cannabis qui est trafiqué en Europe par centaines de tonnes chaque année, générant entre 25 et 50% du PIB du pays, entre la valeur brute de la drogue exportée vers l’Espagne, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume Uni, et l’argent qui est issu de ce commerce et qui est réinjecté dans le pays dans les infrastructures (touristiques notamment, mais pas seulement), par le biais de ces agents de change clandestins appelés « sarafs ». Le pays est ainsi un territoire d’extrêmes, où les inégalités sociales sont absolument ahurissantes. Ce sont ces inégalités sociales extrêmes qui permettent aujourd’hui à certains de mettre en place de tentaculaires réseaux de trafics d’êtres humains… et pire encore.

Settat, au sud de Casablanca

Il y a quelques jours en effet, une affaire d’enlèvement et séquestration a une nouvelle fois agité l’actualité. D’après le site bladi.net, une adolescente a ainsi été retrouvée dans le cimetière de la ville de Settat, dans un état grave. Elle aurait subi des sévices incluant des tatouages et des saignées, de la part d’au moins trois hommes. Son sang devrait servir dans le cadre de rites de magie noire.

Aussi douteuse que cette information puisse paraître, elle rappelle pourtant une autre affaire qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque, y compris en Europe. En 2018, la jeune Khadija Okkarou alors âgée de 17 ans, a été victime d’un enlèvement avec séquestration, de viols collectifs et de tortures. Ce sont pas moins de douze hommes qui ont été identifiés dans cette affaire, que l’on nous a présenté à l’époque comme une « banale » affaire de mœurs dans un pays où la place de la femme est encore largement dévalorisée en accord avec les principes de la Sharia (par exemple, jusqu’à récemment, un violeur pouvait échapper à la prison si il épousait sa victime, forme de mariage forcé parfaitement en accord avec la Sharia; cette pratique juridique a été abandonnée suite à des affaires de suicide particulièrement marquantes au Maroc).

L’affaire Khadija sort pourtant de l’ordinaire sordide de l’exploitation sexuelle et du trafic d’êtres humains, car ses tortionnaires ont pratiqué des rites de sorcellerie en se servant d’elle comme support pour leur magie. Khadija a été tatouée de nombreux symboles ésotérico-magiques, les sévices qu’elle a subis (brûlures de cigarettes etc) servant à augmenter la puissance magique des rites accomplis par ses ravisseurs.

Certains des tatouages imposés à la jeune femme. On aperçoit des brûlures de cigarette à la jonction du pouce et de l’index.

L’affaire a été traitée à la légère par les médias tant marocains qu’étrangers, qui se sont focalisés sur les viols plutôt que sur le fond réel de l’affaire: la sorcellerie. Les viols n’étaient en effet qu’une sorte de « bonus » pour ses ravisseurs, dont les motivations réelles étaient d’ordre ésotérique. Plus exactement, la « magie » devait les aider à devenir riches. J’y reviendrais dans la suite de cet article. L’affaire Khadija a été considérée avec un fort mépris, parce qu’elle s’était produite dans une zone rurale, largement défavorisée, et où la population n’est guère éduquée. Ainsi, ces douze hommes auraient commis ce crime par bêtise et ignorance, plutôt que par une réelle malveillance. Leur procès néanmoins traduit un malaise certain au sein de la société marocaine: alors qu’il aurait dû s’achever en juillet 2019, les juges n’ont eu de cesse de repousser leur jugement. A l’heure où j’écris ces lignes, le procès est toujours en suspens, au grand désespoir de la victime et de ses parents.

Mais pourquoi un tel malaise? S’agit-il d’une certaine honte dans un pays islamique qui revendique sa modernité, ou de quelque chose de plus profond?

Le sacrifice d’enfants au Maroc: une réalité occultée?

L’affaire Khadija, pour sordide qu’elle soit, se termine relativement bien: l’adolescente a survécu, bien que marquée dans sa chair et son âme, et ses tortionnaires identifiés et arrêtés. Ce n’est pas le cas de la majorité des enfants et adolescents qui disparaissent chaque année au Maroc. Les chiffres exacts sont impossibles à connaître: entre les naissances non-déclarées, les dizaines de milliers d’enfants pauvres mis à la rue par leurs parents et les trafics d’êtres humains, il existe une zone grise où il est facile avec un peu d’argent de se procurer de petites victimes pour les divers trafics d’êtres humains, qu’il s’agisse d’exploitation sexuelle, de migration forcée ou de vente de bébés. Si une partie de ces enfants parvient à échapper à ses bourreaux, une autre disparaît sans laisser aucune trace de son existence même…

Et parmi ceux-là, une fraction serait sacrifiée dans le cadre de pratiques ésotérico-magiques. L’affaire Khadija et l’affaire récente de cette adolescente encore sans nom montrent que des individus sont prêts à recourir à des pratiques « magiques » sur des adolescentes qu’ils ont préalablement enlevées. Ces deux affaires surviennent à un moment où les enlèvements d’enfants semblent se multiplier, en tout cas se remarquer un peu plus. Mais il est difficile de faire la part des choses entre les affaires classiques de pédophilie et de trafic d’êtres humains, et des affaires plus occultes.

Il est cependant certain qu’il y a de nombreuses rumeurs et parfois des témoignages à propos d’un phénomène intrinsèquement occulte, les enfants « zouhris » (mes excuses d’avance pour l’orthographe, on trouve des tonnes de graphies et j’ai choisi la plus simple). Selon le folklore marocain, ces enfants seraient des « hybrides » entre humains et Jinns, soit que les Jinns auraient volé un enfant pour le remplacer par le leur, soit que les parents n’auraient pas prononcé la prière avant la conception de leur enfant, etc, etc. Ces enfants porteraient des signes distinctifs, qui semblent varier selon les régions. Celui qui revient le plus souvent est lié aux lignes des mains, soit qu’elles seraient continues, soit qu’elles seraient symétriques dans les deux mains. D’autres histoires se rapportent à la couleur des yeux, à des marques dans les cheveux, ou à des grains de beauté à certains emplacements. Leur trait commun est que l’enfant zouhri permettrait, par le biais de rituels visant à récupérer leur sang, de retrouver des trésors enfouis.

On trouve des tonnes de récits sur internet, où leurs auteurs racontent comment ils ont échappé à des tentatives d’enlèvements parce que présumés zouhris, ou de maghrébins européens confrontés à ce folklore avec leurs propres enfants lorsque allant en vacances au Maroc. S’ils sont évidemment invérifiables et doivent donc être considérés avec précaution, les deux affaires bien réelles et attestées que j’ai rapporté dans cet article donnent une réelle épaisseur à ces témoignages. Et cela fait froid dans le dos, surtout quand on sait que ce genre de crime rituel a lieu de manière indéniable et certaine dans d’autres parties d’Afrique, notamment « les enfants sorciers » au Nigéria ou les albinos dans toute l’Afrique sub-saharienne

Impossible, pourtant, de trouver aujourd’hui le moindre article fiable sur internet, sur le phénomène des crimes rituels au Maroc, malgré les dizaines de témoignages relatifs au folklore entourant les enfants zouhris, voire de personnes affirmant avoir échappé à un enlèvement quand elles étaient enfants. A l’exception de l’affaire Khadija, je n’ai pu trouver qu’une seule autre affaire assimilable à des crimes rituels au Maroc, et c’est une affaire rapportée par Bladi.net, qui n’a pas forcément les mêmes standards que des journaux institutionnels.

Alors qu’en penser? D’un côté, on peut imaginer que ces histoires sont avant tout du folklore, une sorte de légende urbaine dont tout le monde se convaincrait de la réalité, et qui prospèrerait sur le souffre d’affaires d’enlèvements et d’exploitation infantile bien réelles. De l’autre, on peut imaginer qu’à l’ère d’internet où il est si facile d’exclure des résultats spécifiques des moteurs de recherche, il le serait tout autant d’effacer des registres des affaires rapportées dans les médias, pour des raisons d’ordre public. C’est en fait le cas avec de nombreux articles, comme j’ai pu le constater récemment quand Moqtada al-Sadr a refait surface dans les médias occidentaux, auréolé de respectabilité, alors qu’il était considéré comme un danger d’ordre international au même titre que Ben Laden ou Al- Zarqawi, parce qu’il dirigeait l’Armée du Mahdi, une organisation terroriste qui a semé la terreur pendant la guerre civile en Irak après l’invasion du pays par les américains en 2003. Si on peut réarranger le passé sur ce sujet, pourquoi pas sur un sujet tel que celui-ci, qui n’est pas sans rappeler les histoires de crimes rituels sensément commis par les juifs en Europe?

Quelle que soit la vérité, une chose est certaine: la magie, l’occultisme, la sorcellerie, l’ésotérisme, ou quel que soit le nom qu’on donne à ces pratiques, est une chose sérieuse et réelle au Maghreb, pouvant déboucher malheureusement sur des crimes abominables. Les récits et témoignages et la persistance au fil des ans de ces rumeurs de crimes rituels laissent entrevoir un envers du décor beaucoup plus sombre que ne le laissent présager les images idylliques de carte postale que l’on perçoit généralement du Maghreb.

Méthodes quantitatives vs. méthodes qualitatives…

…ou « pourquoi bâtir un raisonnement économique ou politique sur des statistiques est complètement con ».

Comme tous les mois, on nous parle de la « hausse baissière à reculons inversés » du chômage en France. Comme TOUS les mois, on vient mettre en évidence le décalage entre les chiffres Pôle Emploi (basé sur le nombre d’inscrits dans ses services, répartis en catégories) et les chiffres de l’INSEE, basés sur des « enquêtes » statistiques, établies à partir de sondages sur « panel représentatif de la population en France ».


Dans le premier cas, on a une méthode qualitative, tirée d’une donnée brute fiable, dans le deuxième, on a une méthode quantitative d’extrapolation avec des équations et des variables qu’on dose un peu comme on veut.

Vous le savez si vous suivez ces pages régulièrement mais je vais le répéter, j’ai claqué la porte de mon doctorat à Turin entre autres raisons parce que le conseil scientifique du programme voulait m’imposer de faire des études quantitatives, ce que je refuse pour des raisons éthiques (intégrité scientifique). Rien n’est plus simple que de manipuler des statistiques et des ensembles de données brutes, et de les trafiquer pour aller dans un sens ou dans un autre selon le vent du moment. J’ai même été formé pour le faire: on appelle ça une « correction de données » ou une « correction de modèle », et ça consiste à exclure des données de l’ensemble qu’on analyse « parce qu’elles ne sont pas cohérentes avec les observations », ou à introduire des variables dans le modèle pour tordre les résultats dans un sens qui correspond mieux « aux observations » (en réalité, aux préjugés du modélisateur). La plupart des corrections (certaines sont légitimes, tout de même) ne sont pas décrites dans les articles et les études, ce qui permet de faire croire qu’elles collent au réel. C’est beaucoup plus compliqué avec une démarche qualitative, parce que là, on explique tout de A à Z, et on ne peut pas tordre les données sans que ça ne se détecte tout de suite.

Ce traficotage statistique n’a pas lieu qu’à l’INSEE (même si ils sont champions pour ça), mais à tous les niveaux politico-économiques de l’Etat, depuis le service municipal ultra-rural à la présidence de la République. Or, c’est avec ce genre de saloperie que sont élaborées des réformes comme celle des retraites ou celles sur la santé/hôpital, et plus généralement, TOUTES les lois en France.
Notre Etat français, comme toutes les socio-démocraties occidentales, est un vaste marais de pus vérolé et envahi de parasites porteurs de tous les maux qui nous frappe en tant que Peuple.

Il est temps d’assainir tout ça, et de rebâtir une communauté française forte, assise sur une identité claire, appuyée sur des valeurs d’honneur, de droiture, d’honnêteté et de transparence.

BONUS

Un cas concret: dans le cadre de mon programme doctoral, j’ai travaillé sur une analyse quantitative de la réforme des retraites Monti-Fornero de 2011 en Italie. L’idée était de vérifier si la réforme, dont l’objet était de repousser l’âge de départ en retraite et in fine d’économiser de l’argent public, avait produit des effets. L’étude portait sur un ensemble de données recueillies comme l’INSEE, par enquête auprès d’un panel de 20 000 personnes environ. En gros, l’exercice consistait à prendre les gens de ce panel étant partis à la retraite avant la loi, de regarder l’âge moyen qu’ils avaient à l’époque, puis de comparer avec les gens qui sont partis à la retraite après l’entrée en vigueur de la loi, et de regarder quel âge ils avaient à ce moment là.

Premier problème: l’enquête ne concernait pas les retraites, mais la situation socio-professionnelle au sens large des répondants. Pour des raisons de coûts, les enquêtes portent généralement sur plusieurs sujets à la fois, et non un seul. C’est ainsi que sur 20 000 « échantillons » (nom donné à une personne interrogée), il n’y en a en réalité qu’une petite partie qui est pertinente pour une analyse portant sur les retraites. Dans le cas présent, l’ensemble de donnée s’est réduit à 1700 échantillons, sur 20 000 au départ. Avec d’importantes disparités régionales (la situation n’est pas la même dans le nord industriel de l’Italie, et le sud rural, agricole), d’importantes disparités relatives aux carrières (fonctionnaires, ouvriers, professions libérales…) et même au regard du sexe ou de la situation maritale. Or, ces données sont extrêmement importantes quand on prétend analyser l’impact d’une loi sur une population… et dans le cas présent, sur un panel représentatif au départ, une fois le tri effectué, il n’y a absolument plus aucune représentativité.

Cette loi avait été présentée avec l’attirail habituel de promesses et de graphiques colorés. Elle était sensée résoudre tous les problèmes: corriger le déficit des caisses de retraites, protéger les veuves, soutenir les femmes célibataires, profiter aux personnes ayant eu une carrière d’emplois précaires ou à temps partiel, tout en étant « plus juste » avec les travailleurs pauvres. Elle a été une catastrophe pour tout le monde en Italie, à quelques exceptions près (les cadres, les professions libérales type médecins ou avocats… et encore), et est l’une des raisons pour lesquelles le M5S et la Liga ont pu s’entendre pour former un gouvernement en 2018. Dans l’analyse que j’avais faite à partir des données gouvernementales, il n’y avait que peu d’impact pour les travailleurs des classes ouvrières et pas ou peu qualifiées, et les plus affectés étaient au contraire les personnes diplômées, ce qui était parfaitement en accord avec le discours de « justice » du gouvernement italien.

Comment expliquer un tel décalage entre l’analyse et la réalité? Avec une analyse qualitative. L’astuce, c’était que les statistiques portaient non pas sur le rallongement de carrière, mais sur l’âge de départ en retraite. Et le diable est dans les détails: les classes ouvrières entrent plus tôt dans la vie active (généralement entre 16 et 20 ans) comparativement aux fonctionnaires et autres diplômés (entre 20 et 25 ans). Or, depuis la fin des années 1960 et surtout le début des années 1970, la population italienne, tout comme la population française, s’est détournée des métiers ouvriers et s’est mise à faire des études, entrant de ce fait plus tardivement sur le marché du travail. L’infléchissement a même une date de « naissance »: 1968, qui a été une année capitale dans toute l’Europe occidentale et pas seulement en France.

La jeunesse de l’époque post-68 tendait à se détourner des voies manuelles (équivalent CAP/BEP) et de l’apprentissage, pour faire un équivalent bac (bac pro ou bac général) voire un diplôme équivalent DEUG (bac +2; il faut rappeler aux plus jeunes que la réforme Licence+Master+Doctorat ou LMD date de 2004). Un rallongement d’études d’environ deux ans, décalant d’autant l’entrée dans la vie active… Et c’est ainsi qu’une quarantaine d’années plus tard, une loi réformant les retraites donne l’illusion d’avoir effectivement décalé l’âge de départ en retraite d’environ deux ans, tout en camouflant dans les chiffres son impact économique dramatique pour les plus pauvres et les plus précaires… et tous les autres. Car dans les faits, comme en France, la réforme portait moins sur l’âge de départ en retraite que sur le montant des pensions, dépendant de la durée de cotisation (42, puis 43 puis 44 ans): une personne qui avait cotisé la durée légale mais n’avait pas l’âge de départ en retraite devait rester au travail sous peine de voir les montants de sa pension réduits. Et inversement, une personne qui avait l’âge de départ en retraite mais n’aurait pas cotisé la durée prévue avait elle aussi une pension de retraite totalement ridicule.

L’ensemble de la population la plus âgée était donc affecté très négativement sur le plan économique (et c’était encore pire pour les populations déjà précarisées), ce qui ne ressortait absolument pas des statistiques du gouvernement italien, qui au contraire avait présenté un impact financier positif, à partir de ses modèles quantitatifs, alors qu’une analyse qualitative portant sur les données disponibles auprès des caisses de retraite aurait montré la catastrophe et aurait permis de mettre en place un système alternatif beaucoup plus adapté. C’était ce qu’avaient proposé la Liga de Matteo Salvini et le Movimente 5 Stelle de Luigi di Maio, avec le « Quota 100 », un système très simple: lorsqu’une personne atteint « 100 » en cumulant son âge et le nombre d’année de cotisation pour la retraite, elle peut prétendre à partir à la retraite (une personne de 58 ans ayant cotisé 42 ans peut donc y prétendre, une personne de 65 ans ayant cotisé 34 ans devra attendre un an de plus). Il y a évidemment une indexation sur la durée et les montants de cotisation et d’autres ajustements, mais il y a surtout une pension de base indexée sur le coût de la vie permettant à quelqu’un ayant travaillé toute sa vie de ne jamais tomber sous le seuil de pauvreté…

Les données socio-économiques ne sont pas encore suffisantes pour juger de la pertinence de ce système, néanmoins les premiers indicateurs sont tout à fait positifs, au grand dam des financiers qui avaient prédit une catastrophe, avec leurs modèles quantitatifs trafiqués…

Comment Lutter efficacement contre l’idéologie islamique, par Chahdortt Djavann

L’immense déception du « match du millenium » entre Fillon et Zineb m’a amené à chercher d’autres auteurs, d’autres ouvrages sur le sujet de la lutte contre l’islamisme. On peut critiquer Amazon sur beaucoup de choses, mais il en est une qui est une bénédiction: les suggestions. C’est grâce à elles que je suis tombé sur cet essai de Chahdortt Djavann, romancière et essayiste française d’origine iranienne. Avec 200 pages sur la balance, on n’est clairement pas dans la même catégorie que le pastiche d’essai de Zineb.

Paru chez Grasset à l’automne 2016 et réédité en 2018 au livre de poche, il a été rédigé dans les mêmes conditions que les deux autres, suite aux mêmes événements, les attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Contrairement aux deux autres, en revanche, Djavann sait de quoi elle parle, et pour cause: elle a subi le régime des Mollahs, et de plein fouet. Née en 1967 dans l’Iran du Chah, elle a 12 ans quand survient la Révolution Islamique. A 13 ans, elle est tabassée par les Gardiens de la Révolution parce qu’elle participait à une manifestation contre le régime islamique, et s’en tire avec deux côtes cassées, et trois semaines de détention. Deux de ses amies sont tuées. Elle finit par devoir quitter le pays, en 1989, se réfugie en Turquie, avant d’arriver en France en 1993, vivant dans un véritable dénuement, sa famille ayant tout perdu. Autant dire que d’emblée, ses affinités avec les islamistes ne sont pas marquées du sceau de l’amitié…

Et cela s’illustre rapidement, car elle rédige en 2003 un réquisitoire contre le voile islamique, « Bas les voiles!« . Ses arguments, basés sur sa propre expérience, l’amènent à témoigner en 2003 devant la commission Stasi sur le voile à l’école. En 2004, elle signe un nouvel essai intitulé « Que pense Allah de l’Europe?« , exposant les stratégies islamistes d’infiltration politique des institutions françaises et plus généralement européennes. Si elle s’oriente par la suite vers une carrière de romancière, elle reprend la plume pour rédiger cet essai contre l’Islamisme en 2016.

Ok, mais qu’est-ce que ça vaut?

Dès les premières pages, on comprend qu’on tient un bouquin sérieux dans sa démarche et honnête quant à ses objectifs et dans son rapport à son sujet. Sa plume est claire et sincère, et au bout d’à peine cinq pages de l’introduction, j’ai saisi pourquoi j’étais sorti de l’essai de Zineb avec un sentiment de malaise: Chahdortt n’essaie pas de lutter contre les islamistes avec l’Islam, elle les combat avec les principes de laïcité, de démocratie, et plus généralement, avec ce qui a constitué le socle de notre société depuis deux siècles. De fait, elle ne cite jamais le Coran, ni n’essaie pas de nous parler du Prophète sous couvert de critique. Elle ne prétend pas réformer une religion, mais combattre une idéologie politique. Et nom de Dieu, ça fait du bien de voir enfin un essai nous lâcher la grappe avec ces histoires. La lutte contre l’islamisme n’est pas une affaire d’exégèse du Coran, n’est pas une histoire d’islamologues, et ça, Chahdortt Djavann nous le rappelle très efficacement. Pas besoin d’un hypothétique et chimérique « Islam des Lumières », les Lois de la République suffisent.

Elle ne se permet qu’une seule incursion dans le domaine religieux, lorsqu’elle rappelle les cinq piliers de l’Islam (p.44). Elle rappelle ainsi que contrairement aux discours des islamologues, il n’y a pas besoin de suivre tout un tas de prescriptions du type voile ou hallal pour être un « bon musulman », puisque ces cinq piliers suffisent: la profession de foi (la Shahada), qui marque l’entrée dans la foi islamique, la prière (cinq fois par jour pour les sunnites, trois pour les chiites), l’aumône (la Zakât), le jeûne pendant le mois du Ramadan, si l’état de santé le permet, et le pélerinage à La Mecque (le Hajj) au moins une fois dans sa vie, si les moyens financiers le permettent. C’est tout. Pas de hallal, pas de voile, pas de prosélytisme, pas de morale islamique, pas de sharia, pas d’interdiction de l’alcool, pas d’histoire de quoi que ce soit d’autre et certainement pas de Jihad, c’est à dire rien de ces prescriptions idéologiques de l’idéologie islamique qu’elle expose quelques pages plus loin (p.50).

La suite de son essai s’attèle à déconstruire la méthodologie islamiste, et n’hésite pas à dénoncer des « sociologues » comme Khosrokhavar (p.57) et Olivier Roy (p.111), des universitaires et autres intellectuels, comme Fariba Abdelkah, Azadeh Kian ou Nahal Tajadod (p.113) ou encore Marjane Satrapi (p.114-118), dont Persépolis tient plus du manifeste pro-islamiste que de la critique du régime iranien (critique de toute façon contrôlée par ce régime, pour se donner des airs démocratiques et signer des contrats commerciaux avec les puissances étrangères). Elle n’épargne pas le monde politique non plus, et n’hésite pas à s’en prendre à Hollande et son discours si marqué par les islamologues, ni à Obama (p.131-136), dont la politique d’ouverture envers l’Iran a été selon elle une véritable catastrophe internationale.

Loin du politiquement correct, une invention de répression politique des opinions publique qui a tant servi l’idéologie islamiste, Chadhortt Djavann explique que les jeunes séduits par l’islamisme et le jihadisme ne le sont pas, comme on le lit trop souvent, pour des raisons socio-économiques. Les « jeunes de banlieue » ne sont pas plus défavorisés ni plus abandonnés que les jeunes ruraux, qui eux pourtant ne cèdent pas à la violence ni à un extrémisme politique virulent. Si ils cèdent aux sirènes du jihadisme, c’est parce que le discours islamiste est partout, parce qu’on laisse les islamistes les prendre en main. Pire, on le leur a demandé. Et là, je ne peux qu’être d’accord avec Djavann: après les émeutes de 2005, je me souviens très bien avoir vu un reportage au journal de TF1 (à l’époque, il n’y avait pas BFMTV, il faut s’en rappeler) faisant la promotion des islamistes du mouvement Tabligh qui allaient à la rencontre des jeunes « désoeuvrés » en bas des immeubles pour les inciter à s’impliquer dans la religion. Un concept de pacification qui rappelle celui des « grands frères » des années 1990, largement approuvé par le Gouvernement et Sarkozy en tête, avec son idée de vouloir créer un « Islam de France » par le biais du CFCM, dans les faits création purement estampillée « Frères Musulmans ».

Djavann Chahdortt insiste également sur le fait que les enfants d’immigrés musulmans sont souvent forcés dans leur « foi » par la pression de leurs familles, amis voire simples étrangers, parfois violente (de plus en plus violente, pourrait-on dire, au vu de l’actualité quotidienne…). L’anecdote qu’elle raconte sur ses années d’étudiante parisienne, où elle fréquente le restaurant universitaire et réclame une côte de porc pour se voir dire par la serveuse, musulmane, « c’est du porc! » puis « tu manges du porc, toi? T’es pas musulmane? », date de 1997. De nos jours, où la question du porc à la cantine est devenue un véritable débat de société, on mesure à quel point la pénétration de l’islamisme dans notre société en est arrivée à un point inimaginable il n’y a que 30 ans.

La fin de son ouvrage apporte des éléments de réponse (si on ne les avait pas déjà compris au cours de la lecture de son essai) à la question posée par son titre. L’un de ses points principaux est qu’il n’existe pas un « Islam de France », comme certains le promeuvent sans arrêt. Il y a l’Islam, point. Et cet Islam, en Occident comme ailleurs, est gangréné par l’idéologie islamiste. Pour lutter contre elle, il faut d’abord contrer ses prétentions « identitaires »: voile dans l’espace public (et donc à l’école et dans les universités), exceptions alimentaires dans les cantines et restaurants, et en un mot comme en cent, protéger farouchement la laïcité, qui est une neutralité et non une coexistence de religions. Elle propose ensuite l’instauration d’un service civique obligatoire, pour les hommes comme pour les femmes, pour restaurer le sentiment d’appartenance à la communauté française, et non pas à une communauté non républicaine. Elle propose également, dans le même esprit, l’instauration d’un uniforme scolaire (sans voile!), et le réapprentissage de la Marseillaise à l’école. Elle s’avance également sur la question de la déchéance de nationalité, s’y montrant largement favorable. Plus généralement, c’est la question du choix de l’immigration et de l’imposition d’un « pacte social » avec l’immigré, qu’elle défend. Enfin, elle propose de former non pas des imams, mais des éducateurs laïcs, pour canaliser la jeunesse dans le sens républicain plutôt que dans le sens islamique, voire islamiste. Elle défend l’idée que le Peuple français a son mot à dire, et propose des consultations populaires sur les sujets les plus importants, par exemple la limitation des droits et allocations aux étrangers. Un sujet qu’elle n’aborde pas à la légère, ayant été elle-même immigrée ne parlant pas la langue française à son arrivée…

Mon analyse et avis

Difficile de dire que Chahdortt Djavann a écrit un essai à côté de la plaque ou totalement vide. C’est loin d’être le cas, et je ressors de ma lecture avec la sensation d’avoir ENFIN lu quelque chose d’à la fois sans ambiguïté et fondamentalement anti-islamiste, et surtout sincère et pertinent. Ce qu’elle écrit est juste, à tous les niveaux, et s’appuie totalement sur ce que notre société française a en elle, plutôt que d’aller chercher des réponses dans une sorte de contre-islamisme fondé sur le Coran. Avec Chadhortt Djavann, pas de sentiment d’avoir lu un pamphlet d’une faction islamiste dirigé contre une autre faction rivale. Et franchement, ça fait du bien.

Le seul petit reproche que je peux faire à cet essai est sa propension à réduire l’islamisme à l’Iran, qui serait selon elle la source de tous les problèmes liés à l’Islam dans le monde. Une analyse que je suis loin de partager, même si il est clair que l’Iran n’est pas innocent du tout dans la diffusion et la généralisation du discours idéologique islamiste à travers le monde. A lire Djavann, l’islamisme n’existait pas avant la Révolution Islamique de 1979. Or, c’est inexact. Les Frères Musulmans ont été fondés à la fin du 19e siècle, officiellement dans les années 1920. Le Talbigh a été fondé dans ce qui était l’Inde, puis est devenu le Pakistan Oriental puis le Bangladesh, en 1927. La construction de l’Arabie Saoudite telle qu’on la connait aujourd’hui, sous le règne de la famille al-Saoud, s’étend entre 1902 et 1932, et principalement dans les années 1920.

Pourquoi les années 1920 semblent-elles marquer autant l’histoire de l’Islamisme moderne? Tout simplement à cause de la chute du Califat Ottoman, qui s’est effondré définitivement en 1923. La place laissée vacante a été simplement occupée par d’autres. Le Califat Ottoman était le dernier avatar de l’islamisme « ancien », celui qui utilisait la conquête militaire pour répandre la foi musulmane (notamment dans les Balkans et dans le Caucase, dont l’instabilité aujourd’hui est totalement liée à l’époque de la domination ottomane). Avec sa disparition, c’est l’Islam politique qui prend le relais. Face à des puissances militaires invincibles comme l’Empire anglais, l’Empire français, les Etats-Unis naissants ou encore l’URSS lui aussi balbutiant, il fallait recourir à la ruse plutôt qu’à la force, une leçon très tôt apprise.

La Révolution islamique de 1979, intervenue 50 ans plus tard, me semble être plutôt le résultat plutôt que le point de départ, la confirmation que les méthodes de l’Islam politique pour instaurer un régime islamiste fonctionnent, et permettent de séduire les élites des pays occidentaux, sans l’appui desquels la Révolution Islamique de Khomeini n’aurait jamais pu réussir. Si elle a été un point de départ, c’est pour le lancement des projets de conquête insidieuse de l’Europe, mais c’est un problème mondial, et pas seulement occidental.

Dans l’ensemble néanmoins, Djavann a raison sur beaucoup de point. Je ne suis pas sûr que réintroduire l’uniforme et la marseillaise soient si importants dans la lutte contre l’Islamisme, mais une immigration choisie (sur le modèle québécois) et l’instauration d’un contrat social avec des obligations strictes pour les immigrés sous peine de non-renouvellement de l’autorisation de séjour sont la base qu’il aurait fallu instaurer il y a déjà 25 ans. La déchéance de nationalité pour les tenants de l’islamisme et de son avatar violent, le jihadisme, sont tout aussi nécessaires à notre époque où les enfants d’immigrés sont français mais rêvent d’instaurer un régime islamique en France. Comme Djavann le dit si bien, il y a 40 Etats islamiques dans le monde, mais il n’y a qu’une seule France. Si quelqu’un ne s’y plaît pas, libre à lui de partir et de faire le chemin inverse de celui qu’elle-même a fait. Enfin, l’interdiction du voile islamique en dehors du cadre privé et du cadre religieux (mosquée et célébrations spécifiques), c’est à dire dans l’espace public, aussi bien à l’école qu’à l’université, dans la rue ou dans l’administation publique, se justifie largement par son utilisation par les islamistes comme base de toute leur idéologie. Ce n’est PAS un vêtement religieux, c’est un vêtement politique, idéologique. On interdit le port de signes et uniformes national-socialistes, il n’y a aucune raison pour laquelle on ne bannirait pas le voile.

Je doute, enfin, de la capacité de notre démocratie à débattre et porter des décisions anti-islamistes. L’élection de Macron constitue à cet égard la meilleure démonstration que la démocratie est en panne en France, que ce soit dans la crise des gilets jaunes ou autre. Jamais dans l’histoire un gouvernement n’avait autant inclus d’islamistes assumés comme tels, de personnalités anti-France voire anti-français, ni de collaborationnistes pro-Islam. Macron est l’illustration absolue des défaillances de notre démocratie, qui se borne à faire barrage à une extrême droite qui n’a d’extrême que son relativisme et sa propension à toutes les compromissions, quitte à sacrifier l’identité française sur l’autel de l’Europe et de l’identité communautariste. Notre pays, sur la question de la lutte contre l’Islamisme comme sur tous les autres sujets, a besoin d’un anti-Macron, d’un Président fort, antithèse de ce que représente notre pathétique locataire de l’Elysée actuel. Le type de politique qui malheureusement ne viendra pas du monde politique actuel… mais c’est un autre problème, et une autre histoire.

Conclusion:

Un très bon livre, même si il se concentre un peu trop sur l’Iran (rappelons que son auteure est née en Iran, ce qui explique certainement cela). Un vrai diagnostic, une vraie dénonciation, avec des noms, des dates, des circonstances, et surtout, de vraies propositions, peut être un peu idéalistes ou tardives, mais néanmoins nécessaires. Surtout, un bouquin qui ne donne pas l’impression de faire la promotion d’un « autre Islam », c’est à dire fait la promotion d’un islamisme alternatif. Djavann reste fidèle à ce qui a fait de la France ce qu’elle est, avec une laïcité farouchement anti-cléricale dans la sphère politique.

Si vous ne deviez lire qu’un seul ouvrage sur le sujet de la lutte contre l’Islamisme, c’est celui-ci, même si il date d’un temps avant Trump et avant Macron. A bien des égards, ses préconisations ne suffisent déjà plus, même si elles n’en restent pas moins nécessaires.

Le match du millénaire: Fillon Vs. Zineb

Pour commencer cette année sur les chapeaux de roues, j’ai le plaisir d’accueillir sur Sombre Plume le match du… soyons fous, du MILLENIUM!

A ma gauche, le poids mort de la politique française, 150 pages, et mille fois plus sur le plan pénal. Premier Ministre de la France sous l’ère Sarkozy, il déclarait avec dramatisme qu’il était à la tête d’un Etat virtuellement en faillite, et son héritage s’est limité à son surnom de « Droopy ». Une ovation pour Fraaaaaaaançois Filons!


A ma droite, l’outsideuse, petite maghrébine de quelques dizaines de kilos pesant 70 pages sur la balance, pudiquement estampillée « la survivante de Charlie Hebdo » comme si c’était son seul fait d’armes, sa hargne contre les islamistes n’a d’égal que la hargne des islamistes contre elle, j’ai nommé Ziiiiiiineeeeeeeeeeb El-Rhazoui!


Tous les deux ont publié à l’automne 2016 un bouquin pour démantibuler, démembrer, annihiler l’islamisme en France. Lequel va remporter la palme du meilleur combattant contre les barbares barbus, lequel fait le meilleur constat de son temps et propose les meilleures solutions? Vous découvrirez tout ici, dans cet article, sur Sombre Pluuuuuume!

Deux bouquins, un même sujet, qui va remporter la palme?

La galanterie étant désormais un truc misogyne, je vais commencer par Fillon.

Fillon: un coup pour rien

Je dois bien le reconnaître, je n’attendais absolument rien de ce bouquin. Comme je n’attend jamais rien des bouquins d’hommes politiques, qui de toute façon n’écrivent généralement pas leurs propres bouquins et font appel (comble de l’ironie pour des gens qui se drapent dans les grands principes républicains) à des nègres littéraires.

Et d’emblée, mon sentiment a été de lire un bouquin écrit par quelqu’un d’autre. Les tournures de phrases sont policées, cisaillées sur mesure dans la plus absurde neutralité. Les premiers chapitres n’ont aucune âme et pourraient tout aussi bien avoir été écrits par un bot. La fin est plus passionnée (jamais passionnante), et on y retrouve mieux la patte de Fillon, plus adepte de la phrase choc et percutante que du machin sans forme du début du bouquin. « Mais qu’est-ce que ça vaut? », me direz-vous. Hé bien… pas grand chose.

J’ai été surpris par le deuxième chapitre (le premier n’est qu’un constat sans intérêt), qui semblait s’atteler à dénoncer la passivité des autorités françaises face au phénomène islamiste et à la montée d’un courant terroriste en son sein. Je ne m’attendais pas à ce que Fillon parle d’emblée « d’aveuglement volontaire », qui traduit une véritable trahison française (du nom du bouquin de Waleed al-Husseini) de la part de nos gouvernants, dont Fillon, puisqu’il a été Premier Ministre de Sarkozy de 2007 à 2012 (et ministre sous Balladur en 1993, puis Juppé en 95, puis sous Raffarin en 2002 puis encore en 2004). Il est, il faut le rappeler, le premier Premier Ministre à avoir inauguré une mosquée, en 2010…

Mosquée Al-Ihsan, Argentueil, 28 juin 2010. Celui qui pourfend l’islamisme ne bronche pas d’un cil en posant à côté d’une enfant voilée habillée de sa plus belle robe blanche de mariée.
Lire le récit de l’événement ici.

Serait-ce à dire qu’il exprime des regrets pour ses propres turpitudes? Allons, allons, n’allons pas jusque là. Fillon ne donne aucun nom, aucune circonstance, aucun exemple des « petits arrangements », n’émet que de vagues affirmations sur « un maire communiste » par-ci, un socialiste par-là. Ça commence déjà fort, et on est que page 41…

Alors bon, je vais pas vous faire tout le bouquin comme ça, parce que ça n’a aucun intérêt. La première partie n’a aucune substance, tout est de cet ordre. Quand il dénonce le financement étranger des mosquées, ce n’est pas pour taper sur l’Arabie Saoudite (qu’il cite, quand même, ouf!), mais pour plaider pour un « Islam de France » avec une réforme du CFCM, et une meilleure collaboration européenne. Il digresse énormément sur la question de la Syrie et du Califat (« Daech »), plaidant pour une réintégration du régime d’Al-Assad dans le concert des Nations, mais sans vraiment donner de détail sur ce qu’il souhaite faire ensuite. Parce que bon, en 2016, ce n’est pas parce qu’on réintègre Al-Assad dans le processus des relatons internationales que le Califat disparaît comme par enchantement (il aura fallu 3 ans de plus, 3 ans d’intenses combats de reconquête, meurtriers et destructeurs, pour dissoudre la majeure partie des cellules brandissant le drapeau noir du Califat, qui existe toujours en Syrie aujourd’hui).

Puis est venu le chapitre où on sent bien le style Fillon reprendre la main (exit le nègre littéraire, ici Fillon a des trucs à dire). Intitulé « reconquérir les territoires perdus de la République », du nom de ce bouquin paru en 2003 sur l’état de délabrement de l’enseignement public dans les « quartiers », ce chapitre traite de tout sauf de ce que son titre exprime. Le cœur de son sujet, c’est le fait que les écoliers juifs ne puissent plus aller dans les établissements d’enseignement public à cause de l’antisémitisme qui y règne. Jamais Fillon ne dira que ce n’est qu’un épiphénomène d’un problème plus large, plus lourd, qu’est l’immigration sans contrôle (il se borne réclamer la création d’une agence pour surveiller les frontières extérieures de l’Union Européenne, qui existe déjà à l’époque, et se nomme Frontex), y compris, donc, de personnes islamisées dans des pays où le régime est clairement islamiste (Maroc et Algérie en tête), n’ayant donc aucun respect pour nos lois républicaines puisque lois de mécréants, qui ne valent rien face à la sharia. Des victimes des attentats, Fillon ne dira que quelques mots, surtout pour illustrer son propos « l’islamisme, c’est des méchants ». Il ne dira rien sur les personnes tabassées tous les jours, des jeunes filles violées à la chaine, des gamins rackettés. Le quotidien des français, quels qu’ils soient, ne semble pas valoir la peine qu’on s’y attarde. Les écoliers juifs, par contre, ça, ça fera l’objet d’un chapitre complet (p.95-115).

La suite est une cacophonie sans réel rapport avec son sujet, qui finalement n’est qu’une accroche pour sa campagne présidentielle de 2017. Ses solutions pour lutter contre l’islamisme? réformer l’Etat en abolissant les 35 heures et en supprimant 500 000 postes de fonctionnaires (p.123). Cocasse quand sur la page d’avant, il parle de réformer la Justice en lui donnant plus de moyens et de magistrats, et de faire de même pour la Police. Je lui reconnais ça: il est cohérent. Il se plaint quelques pages plus tard (p.131 et s.) de ce que Taubira avait démoli son programme de construction de places de prison pour en disposer de 80 000 en 2017. Comme si la Prison avait un quelconque effet dissuasif contre des gens qui se radicalisent dans les mosquées et sur internet… Il poursuit d’ailleurs en prônant le renforcement du Renseignement en prison (p.125).

Un bon point pour lui, cependant: il reconnaît qu’on n’applique pas les textes législatifs dont notre pays s’est doté ces dernières années. Il n’y a donc pas besoin de changer la Constitution (on était en plein Etat d’urgence à l’époque, et une réforme était en cours pour intégrer ce régime d’exception dans le droit « normal »), il suffisait d’appliquer la Loi. Ce qui est vrai.

Il prône également l’expulsion des étrangers radicalisés (p.139), et le transfert aux grands acteurs d’internet du contrôle des discours haineux (ce qui était déjà fait, même si en l’occurrence, il s’agissait de taper sur « l’extrême droite » en prétextant taper sur les islamistes).

Et… voilà, c’est tout. Même pas livre-programme, ce bouquin est une bête déclaration d’intention, rien de plus qu’un long discours bien-pensant, sans aucune réelle prise de position contre l’Islamisme (car lui se positionne contre le terrorisme). La question des mariages forcés, des gamines envoyées au bled pour y épouser leur cousin, celle des revendications sans cesse plus abusives (Burkini, non-mixité dans l’espace public, création de tribunaux islamiques sur le modèle des cours de la Sharia à Londres), quand elles ne sont pas tout simplement sécessionnistes, tout ça, Fillon s’en tape, ça ne l’intéresse pas. Il ne veut pas se mettre à dos les musulmans (qui n’ont pourtant rien à voir avec les terroristes) en prenant des positions trop tranchées.

Un coup d’épée dans l’eau, une perte de temps, du vide, voilà ce que m’évoque le livre de Fillon en le refermant.

Heureusement, j’ai dégotté le livre de Zineb à peu près au même moment, et me suis donc lancé dans la lecture de ce que « la rescapée de Charlie Hebdo » avait à dire.

Zineb: « mais dis-donc, ça ne serait pas un peu de la taqiyya tout ça? »

Alors là, j’avoue être tombé de haut. De très haut, même. Zineb el-Rhazoui a l’image d’une femme très engagée contre l’Islamisme, menacée de mort par les radicalisés (et les « modérés » aussi, d’ailleurs), en danger de mort etc. Sa récente prise de position qui lui a valu des attaques de ce péquenaud de Booba sur le plateau télé d’Hanouna confirmait cette image d’une femme très laïque, voire athée (elle dédie son essai aux « athées musulmans »… j’y reviendrais). Un grand élan de sympathie et de soutien s’était enclenché suite à cet épisode, énième d’une série de polémiques médiatiques sans grand intérêt où elle tient le rôle de la vilaine islamophobe. Je m’attendais à un livre percutant, fouillé et avec de vraies propositions.

Zineb el-Rhazoui, qu’on voit absolument sur tous les plateaux télé…

A la place, j’ai un bouquin de 70 pages (qui commence à la page 11…), décomposé en 5 chapitres qui… ne servent absolument à rien. Elle se borne à faire des constats (que tout le monde a déjà fait), en citant des passages du Coran ou des Hâdiths (des textes se rapportant à la tradition islamique), pour dire « holala, l’Islam c’est quand même une religion homophobe et misogyne de pédophiles et de meurtriers, mais attention au racisme parce que c’est pas bien, et puis de toute façon le vrai danger c’est l’extrême droite ». Je caricature à peine.

Son constat est pourtant bon: l’Islam n’est pas une religion, du moins n’est pas « que ça », tout comme le christianisme et le judaïsme d’ailleurs. Ces courants ne sont pas spirituels, il s’agit d’idéologies avec un vernis religieux pour en assurer la domination sur les hommes qui ne sont rien face à Dieu. L’Islam est un projet politique basé sur des dogmes religieux qui ne peuvent se discuter sans être déclaré hérétique ou apostat. Ceux qui pensent qu’islamisme et Islam n’ont rien à voir n’ont rien compris et sont des idiots utiles aux « extrémistes » (p. 20), c’est à dire pour ceux qui souhaitent établir leur domination sur autrui. Sa proposition de « déconstruire la dialectique pernicieuse des islamistes » (p. 21) est un bon début, et on s’attend à avoir des armes pour le faire dans la suite de l’ouvrage. Espoir qui va être déçu, et sévèrement: se bornant à énoncer quelques passages où s’expriment la barbarie et l’avidité des musulmans à l’époque de Mahomet, Zineb n’aborde jamais les méthodes d’infiltration des islamistes dans nos sociétés. Tout juste évoque-t-elle la taqiyya, « le mensonge en vue d’obtenir un avantage », mais c’est pour mieux comparer l’islamisme au fascisme mussolinien (p. 41), et parler de l’islamisme comme « extrême droite islamique ». Elle s’acharne à calquer le « fascisme islamique » sur « le fascisme européen » (p. 37-46), avant de pousser encore plus loin son idée en y ajoutant la notion de « collaborationnisme ». Là, je lui reconnais ça, elle tape surtout sur l’extrême gauche (p. 48-51), et à juste titre. Mais bon, sans oublier que ses amis viennent de cette gauche-là, donc elle ne cite aucun nom, aucun exemple type, ni rien de concret pour illustrer son propos. La suite n’est qu’une redite du début, je n’y reviens pas.

Au moment de refermer cet essai, j’ai l’impression, très sincèrement, qu’on s’est foutu de ma gueule. Zineb a beau citer des passages du Coran ou des Hâdiths, et taper un peu sur l’imbécilité et la naïveté de la société française en matière d’islamisme, à aucun moment elle n’explique ce qu’il faudrait faire, concrètement, avec de vraies propositions, pour « détruire le fascisme islamique ». Enfin, si, pardon, elle écrit: « pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut combattre sans merci l’idéologie qui le produit. » Merci, la vache, c’est une véritable révélation, je n’y aurais pas pensé, ni personne d’autre depuis les attentats de New York en septembre 2001*.

Au delà de ce sentiment de foutage de gueule, c’est également un étrange sentiment de malaise qui, je dois bien l’avouer, m’a saisi aux tripes. Ma lecture de certains passages m’a fait l’impression que loin de descendre l’Islam malgré le fait qu’elle dézingue son Prophète et ses disciples, Zineb essayait au contraire de poser une autre vision de cette idéologie/religion, comme si elle préparait le terrain pour ce qu’une certaine frange des musulmans occidentaux appellent un « Islam des Lumières », à l’image du sociologue Malek Chebel jusqu’à la fin de sa vie. C’est par exemple ce qu’elle s’escrime à faire lorsqu’elle plaide pour un Islam en tant « qu’héritage culturel sécularisé, critiqué, soumis à la Loi et à la raison. Il ne sera accepté que s’il est désacralisé et que la charia est déclarée définitivement obsolète » (p. 35). Alors les mots c’est bien, sauf que c’est comme ça que les Frères Musulmans ont convaincu cette gauche qu’elle dézingue (et la droite aussi) de « collaborer » et de faire de la place à l’Islam pour régler les problèmes que génère l’immigration incontrôlée. La stratégie de pénétration des Frères Musulmans, c’est exactement ça, « prétendre que l’Islam est un Islam des Lumières ». C’est parce qu’il serait « lumineux » que l’Islam bénéficie de l’attention et des faveurs des franc-maçons républicains. C’est grâce à cette image que ceux-ci activent leurs réseaux pour défendre les « musulmans » (les islamistes) contre « l’islamophobie » (un concept, là encore, issu de la doctrine des Frères Musulmans), qui par association est vécue comme un anti-maçonnisme par les « frères trois points », dépositaires autoproclamés de l’héritage du « Siècle des Lumières » (voir, parmi d’autres, les Dossiers de l’Orient, revue d’Antoine Sfeir, célèbre franc-maçon, et en particulier les numéros 69 « l’équerre et le compas: franc-maçonnerie en terre d’Islam » et 125 « réformer l’Islam »; symptôme de l’aveuglement des « républicains » face à l’Islam, les musulmans haïssent les franc-maçons presque autant qu’ils haïssent les juifs…).

Il y a là je trouve une immense dissonance dans ce qu’écrit Zineb. Soit l’Islam est un système politico-religieux, pouvant déboucher sur une forme de fascisme (ou de totalitarisme, comme le reprend Fillon), et dans ce cas, point de sécularisation possible sans vider l’Islam de sa substance, soit l’Islam peut devenir un « Islam des Lumières » mais dans ce cas, on jette le Coran et les Hâdiths et on crée autre chose, comme la Révolution l’a fait en abandonnant le dogme chrétien, mais en adoptant des institutions civiles telles que le mariage, le baptême (baptême républicain), et des tas d’autres qui existent aujourd’hui encore, ne gardant ainsi qu’une « culture » et non plus une religion/idéologie (ça s’appelle de l’Hérésie, voire de l’apostasie, au passage, et en Islam, c’est puni de mort…). Cette seconde solution n’est pas nouvelle: elle a été mise en oeuvre (jusqu’à un certain point seulement) pendant presque tout le 20e siècle, d’un côté par le nationalisme arabe (parti Ba’ath, dont Saddam Hussein et Bachar Al-Assad étaient/sont les derniers représentants), de l’autre par le système fédéraliste post-soviétique en Russie (à l’exception de la Tchétchénie, qui a un statut religieux d’exception sous l’égide de Kadyrov). Deux options décriées, critiquées, dénoncées à grands cris d’orfraie encore aujourd’hui partout en Occident, parce qu’elles ne seraient pas « démocratiques ».

Et ça, Zineb ne l’ignore pas. Alors quel jeu peut-elle donc bien jouer? J’avoue que j’ai du mal à comprendre, et le fait que ce qu’elle prône rejoint exactement la stratégie des Frères Musulmans me laisse pas mal dubitatif. Zineb, « rescapée de Charlie Hebdo », est-elle en pleine taqqiya, est-elle un poisson pilote pour l’idéologie des Frères musulmans, agitant d’une main une chimère pour mieux avancer ses pions de l’autre main, quand on ne regarde pas? Zineb est-elle comme tant d’autres avant elle, ces Tariq Ramadan, ces Tarek Obrou (qui prône une réforme du Coran), ces Yassine Bellatar (ex-conseiller de Macron), qui tous, sous couvert de progressisme, ne sont que des islamistes en costard/cravate? Je me gratte franchement la tête. Même si j’espère me tromper, je n’oublie pas que la plus grande force de ces gens est leur capacité à nous mentir et notre propension à les sous-estimer… Au fond, j’ai l’impression qu’elle tape sur le jihadisme (ou terrorisme islamique) pour mieux prôner… un autre islamisme (« des Lumières », politique, comme les Frères Musulmans, vous aurez compris).

Conclusion

Vous l’aurez compris, j’ai été extrêmement déçu par ces deux lectures, qui portent un titre carrément mensonger et n’apportent absolument rien de plus à un débat vieux de presque 20 ans déjà. S’ils ont été écrits en 2016, à la toute fin du quinquennat Hollande, catastrophique à tous les niveaux pour notre pays, il est difficile de pardonner le vide qu’ils contiennent. Ils ne proposent rien (Fillon essaie, mais tellement vaguement que ça n’a aucun début de valeur), et donne l’impression, au contraire, d’instrumentaliser l’Islamisme et les craintes qu’ils génère dans l’opinion française à leurs propres fins, l’un pour l’élection présidentielle, l’autre pour un hypothétique et illusoire « Islam des lumières ». Pire, dans le cas de Zineb, je referme son bouquin avec un véritable sentiment de malaise.

En préparant cet article, j’ai voulu regarder ce que je pouvais trouver sur le même thème, espérant croiser un ouvrage plus constructif et surtout mieux développé, pour contrebalancer leur non-propos. Si j’ai porté d’abord mon intérêt sur les ouvrages de l’islamologue Gilles Kepel, j’ai malheureusement vite du me rendre à l’évidence: ce spécialiste écrit tellement (et souvent des ouvrages pour dire les mêmes choses) que son propos devient illisible. A la place, je suis tombé sur le livre « Comment lutter efficacement contre l’idéologie islamique », de Chahdortt Djavann, iranienne vivant en France. Je vous en ferais le compte-rendu dès que je l’aurais reçu et lu.

D’ici là, j’essaierais de vous parler de la stratégie des islamistes et de ce que je vois, à titre personnel, comme solution pour les contrer. Mais ça risque de déborder et nécessiter plusieurs articles… voire un bouquin.

A bientôt, et merci d’être restés jusqu’au bout.

* Ah, pardon, c’est ce qu’écrivait déjà Fareed Zakaria dans Newsweek, dans son édito du 12 avril 2004 et que je vous reproduis là dessous. (conclusion: « that’s why the only way to combat this new global terror is to fight the ideology that fires it everywhere. So the war on terror is really a war of ideas » / « C’est pourquoi la seule façon de combattre cette nouvelle terreur globale (i.e. le terrorisme islamique) est de combattre l’idéologie qui le produit, et partout. Ainsi, la guerre contre le terrorisme est, en vrai, une guerre d’idées »)

Le culte du corps dans le fascisme hitlérien

« Passe ton chemin robot, il n’y a rien à voir ici »
Photo de chat n’ayant rien à voir avec l’article mais destinée à empêcher le robot Facebook/Twitter de vous censurer si vous partagez l’article sur vos comptes, à cause de la miniature de la vidéo que je vous partage, la remplaçant subtilement par cette photo de chatons.

Une fois n’est pas coutume, je souhaite partager avec vous une excellente vidéo sur le rapport au corps du National-Socialisme, que l’on pourrait généraliser sans trop faire de zèle à tous les fascismes nés entre la Première Guerre Mondiale et 1939.

Loin de n’avoir été qu’une idéologie raciste, le fascisme hitlérien entretenait un rapport à l’Histoire très particulier, issu du mouvement Völkisch (« mouvement du Peuple ») qui a donné naissance au National-Socialisme allemand. Si on connait sans trop de mal les prétentions « aryanistes » allemandes de l’époque, on oublie largement que cette idéologie admirait énormément la Grèce Antique, et en particulier le mode de vie équilibré que l’on pouvait y trouver à l’époque de Platon et Aristote, entre la pratique du sport, l’apprentissage culturel et la pratique de disciplines vivifiant l’esprit (rhétorique, éloquence, etc.).

Cette vidéo vous explique tout ça sans parti pris et avec une réelle pertinence, bref, un très bon travail sur un sujet largement oublié.

https://www.youtube.com/watch?v=EW5wdJ1aBw8
La vidéo « Le Culte du Corps nazi: entre musculation et eugénisme, sur la chaîne Ironquest

Le pactole des 17 millions de français qui n’existent pas

La France a 67 millions de citoyens (INSEE: https://www.insee.fr/fr/statistiques/1892086…), dont 6,5 millions d’étrangers connus par l’INSEE (INSEE: https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381757, ça inclut les titres de séjour et les « statuts protégés » comme les réfugiés et apatrides). Et BEAUCOUP d’autres qui ne le sont pas, par définition (clandestins).
Il y a 17 millions de personnes en trop dans les dossiers de l’administration (voir par exemple l’article consacré sur Sputnik), même en comptant les 1,8 millions de français expatriés à l’étranger (et qui dépendent d’un système différent).

La fraude des binationaux algériens, marocains et tunisiens (et quelques autres…) est connue: déclarant vivre en France, ils résident en fait tous frais payés au Maghreb, où ils touchent également des prestations sociales locales. Cette fraude-là est en principe facile à identifier et l’administration affirme faire son job. Enfin, ça, c’est pour la presse, parce qu’on découvre régulièrement des français partis faire le Jihad avec « l’aide de la CAF » (prestations touchées indument).

Quid du reste, comme ces 3 millions de centenaires? Si on écarte les très rares affaires d’héritiers détournant les comptes de personnes mortes depuis des années, qui est derrière cette fraude massive et tout bonnement incroyable (sachant que l’administration est sensée demander régulièrement des « preuves de vie » aux personnes âgées touchant des prestations)?

Où passe cet argent, qui le perçoit, et pourquoi l’administration, qui pourchasse les chômeurs jusque sur instagram, laisse cette situation perdurer sans intervenir?
Y a-t-il des ramifications remontant jusqu’aux partis politiques au pouvoir pour se financer de façon occulte? Des caisses noires (partis, administrations locales, services de renseignement) sont elles alimentées par ce biais? Des réseaux mafieux ou terroristes se servent-ils de cet argent pour se financer?

La réponse politique qui sera donnée à ces révélations extrêmement importantes pour les finances des caisses de solidarité françaises donnera en même temps la réponse à ces questions.

Nous sommes dans une République tellement vérolée par la corruption que si la réponse politique n’est qu’une tiède agitation communicante, on saura que ce système est exploité par certains élus et/ou certains partis. La provenance des énormes sommes d’argent liquide circulant en coulisse dans les partis (qu’on pense aux époux Balkany, ou l’affaire des enveloppes d’argent liquide données par les époux Bettencourt, pour ne citer que deux affaires récentes et emblématiques) trouverait peut être une explication, ou une partie d’explication.

Ce qui est sûr, c’est que pendant que le Peuple français honnête est pressuré à mort par les impôts, taxes, contributions et autres prélèvements, toute une frange de la population et de l’administration vit largement au dessus de ses moyens réels.

C’est la troisième République corrompue jusqu’à l’os que notre beau pays subit de plein fouet. Il est temps que ce système cesse. D’une manière, ou d’une autre.

Catastrophisme climatique: l’Amazonie brûle… comme tous les ans.

Difficile de louper ces derniers jours la catastrophe du moment: la forêt amazonienne brûle. Chaque jour qui passe amène son lot de dramatisme supplémentaire, et c’est désormais à qui fera la plus grande sensation sur le public.

Dramatisme oblige, on nous montre des cartes sensées représenter les feux en Amérique du Sud. Ca brûle partout! On va tous mourir!

On s’aperçoit que des gens découvrent des outils comme la base de donnée FIRMS (Fire Information for Resource Management System) gérée par la NASA (voir ici ). C’est plutôt bien en soi, à condition que l’usage qui en est fait soit honnête.

Car que nous dit-on sur ces feux de forêt? Qu’ils sont causés par la politique de Jair Bolsanoro. Petit rappel: Bolsanoro est le Président du Brésil, élu en début d’année. Si c’est de sa faute, c’est parce qu’il a le défaut d’être un président de Droite, anti-socialiste et anti-« progressiste ». Il a attaqué ces dernières semaines les universités enseignant la théorie du Genre en leur coupant les fonds, se justifiant par le fait qu’il ne s’agit pas de recherche scientifique mais de propagande idéologique. Il est également en faveur de l’aménagement du territoire brésilien et autorise l’exploitation forestière et minière de son territoire. Politique qui aurait favorisé les feux de forêt cette année.

Alors tout ça c’est bien joli, mais il faudra m’expliquer comment Bolsanoro pourrait être responsable des feux de forêt dans les pays voisins. Oui, parce que, rappelons-le, l’Amérique du Sud ne se limite pas au Brésil, et les pays voisins brûlent tout autant.

La carte de l’Amérique du Sud, pour ceux et celles qui ont des trous de mémoire géographiques.

Il suffit de comparer les deux cartes pour voir que le Paraguay est un tas de cendres. La Bolivie n’est pas beaucoup mieux. Le Pérou n’a plus que ses montagnes. La moitié du Brésil brûle, le quart de la Colombie est en flammes, de même que l’Équateur. A moins qu’on se foute de nous et qu’on nous refasse le coup des échelles pour gonfler le côté dramatique des événements? Ah, ben, oui, tiens.

Et le plus incroyable c’est que ça fonctionne. Tout le monde se découvre une fibre écologiste solidariste face aux feux de l’Amazonie, le vent de révolte environnementaliste souffle fort, ça y est, c’est la grande Révolution Verte, l’Eveil des Consciences!

Ma question est, du coup, où vous trouviez-vous l’année dernière?

Feux de forêts en Amérique du sud en août 2018, d’après la base TERRA/MODIS, la même que celle utilisée par FIRMS. Source: https://neo.sci.gsfc.nasa.gov/view.php?datasetId=MOD14A1_M_FIRE&year=2018

Ou en 2017?

idem, pour août 2017

Ou chaque année depuis votre naissance, comme disons en 2003, année exceptionnelle s’il en fut?

idem, pour août 2003

Imaginez un peu l’état de l’attention des gens à ce qui se passe autour d’eux pour qu’on découvre en août 2019 qu’il y a des feux de forêt de cette ampleur CHAQUE ANNEE en Amazonie!

Et attendez un peu d’apprendre que ces feux sont NATURELS!

Parce que, oui, ces feux sont à 99% parfaitement naturels: on est en plein été dans l’hémisphère nord, c’est la saison sèche dans les pays tropicaux de ce côté-ci de l’équateur, il y a de nombreux orages, avec de la foudre (indice: quelques millions de volts, ça suffit à déclencher des feux, même sur des surfaces mouillées), sans parler des combustions « spontanées » déclenchées par l’embrasement du méthane dégagé par les végétaux en décomposition (comme les feux follets de chez nous, mais en plus furieux). D’autres phénomènes peuvent aussi se produire, comme pour les feux en Californie: ces crétins sont allés acheter pour leur industrie forestière il y a près d’un siècle des eucalyptus en Australie, sans chercher à se renseigner sur ce qu’ils achetaient. Ces idiots ne savaient pas que les eucalyptus en question, dont ils ont recouvert des milliers d’hectares, ont la fâcheuse tendance une fois arrivés à maturité (après une trentaine d’années) d’exploser sous l’effet de la chaleur sèche et de leur sève contenant des composés volatils qui s’embrasent au contact de l’air. Déclenchant par là même des feux impossibles à stopper, parce que non contents d’être des idiots cupides, les californiens ont en plus eu l’excellente idée d’interdire le nettoyage des forêts: personne n’a le droit de retirer un seul des 130 millions d’arbres morts, ni de ramasser le bois tombé au sol, et qui constitue de formidables réserves de combustible chaque été.

Alors oui, il y a aussi des incendies déclenchés par l’homme, comme les brûlis employés pour dégager des terres arables et cultivables, ainsi que des incendies accidentels. Par rapport aux incendies naturels, en tout cas dans les forêts primaires d’Amazonie et d’Afrique, ils sont totalement hors jeu (pas en Europe, où 99% des feux de forêt sont d’origine humaine, parce que de toute façon on n’a plus de forêts).

Et devinez quoi: les feux jouent un rôle incroyable dans le renouvellement des forêts primaires, en détruisant les vieux arbres qui ne contribuent plus à l’absorption du CO2. Les minéraux contenus dans ces arbres se retrouvent dans les sols, ce qui constitue un formidable engrais naturel pour les jeunes végétaux qui repoussent, et le font en absorbant du CO2. En quelques années, la forêt se reconstitue et est aussi luxuriante qu’auparavant, seule la taille des arbres n’est plus la même (elle le sera en une quarantaine d’années). Les feux de forêt ont un rôle naturel crucial à jouer, en nettoyant les espaces qu’ils ravagent et permettant par là même de favoriser le développement de jeunes végétaux dans des conditions optimales et saines. Sans ces feux, les forêts de toute la planète seraient d’immenses marécages nauséabonds et putrides, favorisant parasites et maladies. C’est précisément pour cette raison qu’on n’intervient pas sur les feux naturels, à part pour les empêcher de trop s’étendre et surtout d’atteindre les zones habitées.

Bref, ce catastrophisme me sort par les yeux, surtout quand on le manipule pour dénoncer le « vilain dictateur qui fait pas comme on veut qu’il fasse ».

Au passage, pendant que vous chialez pour la forêt amazonienne, ça, c’est la forêt équatoriale africaine le mois dernier.

Feux de forêt en Afrique équatoriale et Madagascar, juillet 2019. Source: https://neo.sci.gsfc.nasa.gov/view.php?datasetId=MOD14A1_M_FIRE&year=2019

Le Kazakhstan renfloue ses citoyens plutôt que ses banques

https://www.rt.com/business/462810-kazakh-president-debt-poor/

Une initiative intéressante du Kazakhstan: au lieu de renflouer les banques plombées par la « mauvaise dette » (une dette que les emprunteurs ne remboursent pas, en principe parce qu’ils ne le peuvent pas), et de maintenir cette dette dans le système, le gouvernement du Kazakhstan va éliminer cette mauvaise dette en la remboursant de sa poche, en privilégiant la dette qui plombe les ménages les plus pauvres.

Une manière de renflouer ses banques tout en servant le Peuple, au lieu de renflouer les banques à son détriment: jusqu’ici, partout dans le monde, les gouvernements renflouent les banques avec l’argent public (les impôts et les bénéfices issus des exportations par les entreprises d’Etat), sans pour autant soulager la dette privée, qui est un engrenage infernal.

Ici, le gouvernement kazakh casse cet engrenage pour un peu moins d’un milliard de dollars en aidant ses pauvres (3 millions de personnes sur une population de 18 millions vont en bénéficier), et sans donner un blanc-seing aux banques, qui devront faire très attention dans leur gestion.

Je trouve ça vraiment bien (c’est comme ça que doit marcher le capitalisme social), et je suis curieux devoir comment la situation va se développer dans les mois qui viennent.

Pour un capitalisme social

Si vous fréquentez Sombre Plume de façon régulière, vous savez que j’aime commencer mes articles par quelques rappels pour faire taire certains reproches qui peuvent m’être adressés. Cet article ne fera pas exception. Je rappelle donc avant d’entrer dans le vif du sujet que j’ai un Master d’économie, et que j’ai été formé par des économistes de l’école Autrichienne, c’est à dire dans un esprit Libéral au sens propre du terme. Le « Laissez Faire, Laissez Passer », Adam Smith, la liberté de l’entrepreneuriat, les libertés économiques en général, c’est l’essence de ma formation et j’y adhère complètement. Mais j’ai été aussi intérimaire et ouvrier, et je n’ai pas oublié ce qu’était ma condition à l’époque, et je reste très attaché au Travail et à la Protection Sociale. Vous ne me verrez donc jamais défendre l’école de Chicago et la Finance et encore moins ses pseudo-élites.
Je suis capitaliste (dans le sens que je défends à travers mes articles), et anti-mondialiste. Le capitalisme que je défend est un capitalisme social, et l’article qui suit s’attache à vous présenter les principes de base d’une « économie libérale au service du Peuple ».


Le Capitalisme, comme j’aime à le rappeler, n’est pas une idéologie, mais un mode d’organisation de la production. Il vise à augmenter les rendements, c’est à dire le ratio entre coûts et revenus, afin de dégager un profit le plus efficient possible (et non, comme on le dit trop souvent, le « plus élevé possible »), afin de dégager un surplus appelé « bénéfice », qui sera réinvesti dans l’appareil de production.
Cet appareil de production comprend les moyens physiques (équipements, machines…) et la main d’œuvre (percevant un salaire).

Lorsque le profit tiré de la vente des produits est « le plus élevé possible », c’est à dire le modèle économique des grandes multinationales comme Nike (dont les chaussures vendues 100€ ont généré un salaire de quelques centimes), Apple (qui délocalise ses instruments de production en Chine, où l’on fait travailler des enfants et des « criminels sociaux »), Levi’s (qui fait travailler des détenus américains payés quelques centimes de l’heure), BMW (qui fait travailler légalement des migrants pour un salaire de 1.80€ de l’heure), et des tonnes d’autres encore. Ce capitalisme-là est un esclavagisme qui ne dit pas son nom, et doit être éradiqué, tant pour les dommages qu’il cause aux sociétés que pour les dégâts causés à l’environnement et au vivant.

Le Capitalisme en réalité est à l’origine pensé pour se perpétuer, c’est à dire assurer son avenir. Il ne sert à rien d’augmenter sa production et de saturer un marché pour engranger un maximum de profits pour se retrouver l’année suivante en faillite parce que les débouchés auront été détruits l’année précédente. De même, il ne sert à rien de réduire les salaires ou d’exporter l’appareil de production pour les maintenir les plus bas possibles, si c’est pour que les salariés ne puissent pas eux-mêmes acheter ce qu’ils produisent (à l’exception du Luxe, qui répond à d’autres logiques). Toute la leçon de Gerald Ford était de démontrer que si ses propres salariés ne pouvaient acheter ses voitures, leur production n’avait aucun intérêt.

C’est parce que Gerald Ford acceptait de limiter le surplus/bénéfice qu’il pouvait dégager de ses voitures que ses ouvriers pouvaient les acheter. Le surplus économique auquel il renonçait se traduisait en surplus social dont ses salariés étaient les bénéficiaires à travers leurs salaires. Parce qu’il maintenait des salaires relativement élevés et limitait ainsi le profit qu »il engrangeait, les ouvriers de Ford bénéficiaient d’un meilleur pouvoir d’achat, qu’il pouvaient affecter à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Si l’on dit souvent que le capitalisme du 19e siècle fut une horreur industrialiste dans laquelle l’être humain se retrouvait broyé, on oublie de préciser que c’est à la même période que les grands patrons d’industrie ont mis en place une série de mesures en faveur du logement et des loisirs des ouvriers et de leurs familles et de l’éducation des enfants, qui donneront le Paternalisme. D’inspiration saint-Simonienne, cette approche de la vie de l’entreprise favorisait le bien-être des salariés au-delà des simples murs de l’entreprise. Un relatif équilibre économique s’instaurait entre d’une part le dirigeant, qui percevait une partie des bénéfices de son entreprise (après impôt et réinvestissement), et les salariés, qui bénéficiaient d’une partie du surplus dégagé par l’entreprise se traduisant en mesures à objectif social. Dans les faits, il est indéniable que la situation ouvrière à la fin du 19e siècle était bien meilleure qu’au début.

C’est ce capitalisme social qu’il nous faut retrouver aujourd’hui: le Capital doit servir à l’amélioration des conditions de vie de chacun, et non à contribuer à la « richesse » de quelques uns qui n’en font rien.

Comment le traduire dans les faits? Il suffirait de réapprendre à partager les fruits du labeur de chacun au bénéfice de tous, c’est à dire à limiter les dividendes des actionnaires au profit de primes aux salariés, tout en réaménageant un réinvestissement des bénéfices dans la recherche et l’innovation. Mais plutôt que de l’imposer par une Loi qui serait contournée, surtout dans une société mondialisée, il s’agit de réapprendre aux entrepreneurs et actionnaires à respecter l’économie réelle, plutôt que de courir après les mirages de l’économie financière, où les crises sont organisées pour le profit de quelques uns (toujours les mêmes) et où la richesse est virtuelle et égoïste. Cela implique, également, de démolir le système européen actuel, qui empêche ce type d’initiative au nom, et c’est un comble, de la libre concurrence et de la liberté d’entreprendre.

La définanciarisation de l’économie au profit de sa « rematérialisation » passe par un principe simple: 1 euro versé aux actionnaire équivaut à 1 euro réinvesti dans l’entreprise, et à 1 euro versé aux salariés. Bien sûr, un tel partage entrainera un rééquilibrage drastique de certaines valeurs sur les marchés, mais ce ne sera jamais un mal, considérant que toutes les actions d’entreprise sont sur-évaluées par rapport à leur valeur réelle: le cours du marché est une valeur gonflée, sans rapport avec la valeur économique réelle de l’action, c’est à dire sans rapport avec la valeur de l’entreprise ni ses bénéfices. De quoi donner des sueurs froides aux financiers qui spéculent et manipulent les cours, mais aussi de quoi ré-asseoir l’économie sur des bases plus saines et réalistes.

Plutôt que de parler de justice sociale, un terme fortement connoté et largement dévoyé, je préfère la notion d’équité. L’équité consiste à exiger de chacun l’effort dont il est capable, et de lui donner les fruits qu’ils mérite. Un financier qui contribue à la réussite d’un projet a tout autant le droit d’en tirer des bénéfices que le travailleur qui a fourni l’effort pour le bâtir, il ne s’agit aucunement de dresser l’un contre l’autre, mais au contraire de réapprendre à chacun de travailler l’un avec l’autre, pour contribuer ensemble à la réussite du projet et par voie de conséquence, à l’amélioration de la société. C’est ici que l’on retrouve l’esprit du saint-simonisme: l’association de chacun doit permettre à tous d’une part de trouver sa place, et d’autre part d’améliorer les conditions d’existence de l’ensemble de la communauté.

L’essence du capitalisme social est ici: cesser d’exploiter des faiblesses d’autrui aux fins d’un enrichissement sans cause ni buts, mais au contraire l’aider selon son mérite pour renforcer l’ensemble de la communauté afin que tous jouissent de meilleures conditions d’existence.