Un ouvrage important et malheureusement trop rare, rendu ici à la vie dans une édition fidèle au manuscrit original… et peut être un peu trop fidèle.
Renzo Ragghianti, à qui l’on doit cette réédition d’un texte devenu indisponible, a fait deux choix éditoriaux qui peuvent laisser un peu perplexe le lecteur désireux de découvrir Claude de Seyssel.
Le premier est d’avoir travaillé sur le manuscrit du texte, plutôt que sur l’une des éditions établies du temps où l’auteur était vivant (une seule correspond à ce critère, l’édition de 1519). En choisissant le texte primaire au lieu de textes remaniés, on obtient certes un ouvrage proche de l’esprit de l’auteur tel qu’il l’avait conçu au moment de sa rédaction, mais on se prive de certains développements et de certaines corrections que l’auteur aurait pu apporter à son texte. Renzo Ragghianti essaie de régler ce problème en rapportant ces additions et modifications en note de bas de page.
Le second est d’avoir fourni une copie conforme du texte du manuscrit, sans harmonisation ni modernisation, ce qui rend sa lecture pénible et laborieuse, et restreint beaucoup le public potentiel de cet ouvrage.
Renzo Ragghianti mentionne dans son propos introductif combien il doit au travail d’édition établi par Jacques Poujol, un demi-siècle avant lui, mais présente son travail comme beaucoup plus ambitieux que celui que Ragghianti livre ici: de façon surprenante, il ne semble pas avoir souhaité bâtir sur ce qu’avait déjà réalisé son prédécesseur, même s’il en reprend en partie les notes.
Sur le texte de Seyssel lui-même, il est important d’expliquer que son impact intellectuel a été très limité, ce qui explique que Claude de Seyssel ne soit pas si connu que ça et ne fasse guère partie du socle de base de l’enseignement commun classique en histoire politique et du Droit. Son texte est somme toute classique et n’apporte pas grand chose de nouveau à sa matière. En fait, il se remarque surtout pour l’originalité de son analyse de la société française, catégorisée en 3 partie: Noblesse, Peuple Gras (bourgeois, petits commerçants, fonctionnaires et tenants d’offices juridiques et judiciaires…) et Peuple Menu (artisans, paysans, travailleurs…).
Divisé en 5 partie, ce travail de description de la Monarchie de France se propose d’expliquer au fil de son propos pourquoi le Royaume de France est le plus grand parmi ses pairs, tout en fournissant au Prince (le Roi de France) des conseils de gouvernance pour que le Royaume reste ce qu’il est.
Partisan des principes du régime mixte, Seyssel explique que ce qui fait la grandeur de la royauté française est sa modération et son acceptation des freins à sa puissance (religion, justice et police). On comprend ici pourquoi Seyssel n’a pas marqué son temps plus que cela: il s’inscrit en partisan d’une monarchie modérée, en plein essor de ce qu’on a appelé l’absolutisme.
Ce texte, contemporain du Prince de Machiavel, reste important pour l’histoire de la pensée politique en ce qu’il offre un aperçu du rayonnement que pouvait avoir le Royaume de France sur le reste de l’Europe et en particulier l’Italie (Seyssel est italien d’origine). Il offre une vision du Royaume qui peut surprendre, comparé à ce que des auteurs contemporains ou postérieurs ont pu produire.
Il est, pour cela, dommage de ne pas avoir voulu moderniser un peu le texte, pour le rendre plus accessible et intelligible pour les lecteurs d’aujourd’hui, d’autant plus que ce texte est assez court (~150 pages).